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dans la surenchère ordinaire, le délai de huit jours ou de quinze court à partir de la première adjudication.

Quant à la perception du droit de mutation, la première vente est résolue, et les droits payés par l'acquéreur diminuent d'autant les droits à payer par l'adjudicataire. Le contrat de vente équivaut au premier jugement d'adjudication (art. 837 C. proc. civ.), et les choses se passent comme dans le cas de l'enchère ordinaire. Il y a cependant cette différence entre la surenchère commune et la surenchère spéciale que si l'acquéreur est adjudicataire, en cas de purge, il peut répéter contre le vendeur la différence de prix. Le prix avait été fixé de gré à gré, et le vendeur étant tenu à la garantie, le surplus peut être répété contre lui. Quant au droit de mutation, un supplément est exigible sur la différence entre l'acte d'acquisition et l'adjudication. A la vérité, puisque l'acquéreur se porte adjudicataire, il n'y a pas acte translatif de propriété, et c'est ce qui a fait douter de l'exigibilité du supplément. Cependant le droit principal est dû sur la valeur vraie, à ce point que l'administration a la faculté de provoquer une expertise pour l'établir. Or l'adjudication équivaut à l'expertise pour fixer ce que vaut réellement l'immeuble vendu. Ce n'est point parce qu'il y a un acte translatif dans le jugement d'adjudication sur surenchère qu'un supplément de droit peut être demandé à l'acheteur qui se rend adjudicataire; c'est parce que l'adjudication prouve, comme le ferait une expertise, ce que valait l'immeuble vendu. Ce raisonnement ne s'applique pas au cas où il s'agit, non de la vente, mais de la donation d'un immeuble. En effet, le droit de mutation des dona

tions n'a pas pour base la valeur vénale, mais le revenu capitalisé. Ce que le donataire serait tenu de payer pour garder l'immeuble donné sera-t-il atteint par un supplément du droit? A la rigueur, on pourrait dire que, pour cette portion, il n'y a pas donation, mais acte translatif à titre onéreux. Par conséquent, la différence entre l'estimation de l'immeuble et le prix d'adjudication devrait donner lieu à un droit de mutation de 5 fr. 50 p. 100. Mais l'administration exige un supplément de droit d'après le tarif des donations. Cette solution est tantôt plus sévère et tantôt plus indulgente. Ainsi, lorsque la donation est faite à un étranger, le tarif de la donation est plus élevé que ne le serait celui des actes translatifs à titre onéreux. Au contraire, s'il s'agit d'un donation en ligne directe, le tarif de la vente est supérieur. Il vaudrait donc mieux, pour éviter ces diversités, s'en tenir au droit de 5 fr. 50 p. 100 qui est conforme aux principes et à la nature de l'acte. Lorsque le donataire est obligé de payer une somme pour rester adjudicataire de l'immeuble qui lui a été donné, on peut dire que l'acte n'est pas purement gratuit. Comment doit-il être qualifié? Il y a donation faite sub modo ou à charge, et il faut la traiter comme un acte mélangé de vente et de libéralité. La pratique de l'administration est arbitraire en ce qu'elle exige le droit sur la valeur vénale, tandis qu'en matière de donations c'est le revenu capitalisé qui sert de base à l'impôt, La doctrine, au contraire, d'après laquelle il ne serait pas perçu de droit, quoique très-favorable, est en con

1 V. MM. Championnière et Rigaud, no 2158. 3 juillet 1849.

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V. C. cass., arr. du

tradiction avec l'esprit général de la loi et même avec son texte. Le seul parti qui soit logique c'est d'assimiler cet acte aux donations, avec charge de payer une somme déterminée.

384. Si l'acquéreur n'a pas purgé, il peut être pour suivi comme tiers détenteur, et, à défaut de payement, l'immeuble est vendu aux enchères à la requête des créanciers (art. 2167 C. Nap.). L'adjudication qui suit cette réquisition est une revente, et si elle est faite au profit d'une personne autre que l'acquéreur, il y a une nouvelle mutation, par conséquent, un deuxième droit de 5 fr. 50 c. p. 100. Aucune disposition ne dit que l'acte de vente volontaire sera considéré comme un jugement d'enchère, et que la nouvelle adjudication ne sera que la suite ou la fin d'une opération unique. Il y a donc revente et double mutation.

385. En serait-il de même si le tiers détenteur se portait adjudicataire? La propriété qu'il avait acquise ne serait alors que confirmée sur sa tête; par conséquent, il n'y aurait pas une nouvelle mutation. Il serait dû seulement un supplément de droit pour l'excédant, l'adjudication ayant eu pour résultat de faire connaître le véritable prix.

386. Le tiers détenteur, qui ne veut pas subir l'expropriation sous son nom, a la faculté de délaisser, et, en ce cas, on nomme un curateur à l'immeuble délaissé, sous le nom duquel la vente est poursuivie. En prenant ce parti, le tiers détenteur n'abandonne que la possession, et, comme il n'y a pas mutation, l'abandonnement ne donne lieu qu'au droit fixe de 5 fr. (art. 68, § 4, no 1 de la loi du 22 frimaire an VII). La

vente aux enchères étant faite sur le curateur, les choses se passeront comme si elle avait été poursuivie sous le nom du tiers détenteur; car celui-ci reste propriétaire malgré le délaissement. Il est censé avoir renoncé seulement à la possession pour détourner la vente vers un curateur nommé à cet effet. Si donc un tiers se porte adjudicataire, il y a revente et double mutation. Que si le tiers détenteur lui-même reste adjudicataire, un supplément du droit de mutation est dû pour l'excédant du prix, s'il y a lieu.

387. Les ventes d'immeubles sont rescindables pour cause de lésion de plus des sept douzièmes. Cette rescision, une fois prononcée, produit ses effets rétroactivement en ce sens que le vendeur lésé reprend sa propriété et que l'acquéreur est censé n'avoir pas été propriétaire. Aussi les hypothèques et autres droits réels, conférés par l'acquéreur, sont-ils anéantis par le jugement qui prononce la rescision (art. 1681 C. Nap.). Il résulte de là que le vendeur reprend sa propriété ex causâ primævá et antiquâ. Aussi pensons-nous qu'il n'y a pas lieu à percevoir un deuxième droit de mutation comme s'il y avait rétrocession de l'acquéreur au vendeur. La jurisprudence est cependant contraire à notre solution, et, depuis longues années, elle décide que la nullité, pour cause de lésion, n'est pas radicale, puisque la lésion suppose la validité de l'acte. Cette doctrine part donc de l'idée qu'il y a contradiction à dire qu'une nullité pour lésion est radicale, alors que la lésion présuppose un contrat valable '. Mais cet argument est loin

1 C. cass., arr. du 5 germinal an V et autres des 17 décembre 1811 et 11 novembre 1833. Le premier arrêt fut rendu sur les conclusions conformes de Merlin.

d'être concluant. La nullité radicale a pour caractère essentiel qu'elle fait tomber l'acte radicitùs, c'est-à-dire ab initio, et la rescision pour lésion produit cet effet; car les droits réels, constitués par l'acheteur, sont anéantis rétroactivement comme si la vente n'avait pas eu lieu. La meilleure raison qui puisse être invoquée pour soutenir cette opinion, est analogue à celle que nous avons indiquée en matière de résolution pour défaut de payement du prix. On pourrait craindre que des rétrocessions ne fussent faites volontairement, sous la forme d'un procès en rescision pour lésion, sans payer un nouveau droit de mutation. Mais la fraude serait ici bien plus difficile, parce qu'il faudrait, circonstance qu'on ne réalise pas à volonté, qu'il y eût une lésion de plus des sept douzièmes. L'acquiescement de l'acheteur ne servirait même qu'à prouver jusqu'à l'évidence la réalité de la fraude à la loi fiscale.

388. Au reste, la controverse consiste à savoir si on se bornera à payer le droit fixe ou le droit proportionnel de 4 p. 100. Quant au droit de 1 fr. 50 c. p. 100 pour la transcription, il est reconnu généralement qu'il n'est pas exigible. Comme la résolution s'opère rétroactivement, il n'y a pas utilité à faire transcrire et conséquemment le droit de transcription n'est pas dû.

L'acheteur actionné en rescision pour lésion a le moyen de repousser la demande en offrant de payer un supplément du prix. Son option peut même s'exercer après que l'action a été admise (art. 1681 C. Nap.). Le jugement ne, doit pas condamner l'acquéreur, même éventuellement, à payer ce supplément du prix.

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