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Puisque la faculté est écrite dans la loi, il est inutile qu'elle soit rappelée dans le jugement, fût-elle énoncée seulement sous la forme d'une condamnation éventuelle.

389. La vente d'un immeuble peut enfin être annulée comme faite en fraude des droits des créanciers (art. 1167 C. Nap.). Si l'acquéreur se porte adjudicataire sur l'expropriation qui suit l'annulation, il ne pourra pas imputer les sommes payées au fisc, lors de la première vente, sur les droits auxquels donnera lieu l'adjudication; car l'annulation pour cause de fraude n'aurait pas donné lieu à restitution des sommes payées, et l'imputation serait une restitution indirecte. Il en serait autrement si l'acheteur avait fait un accord pour consolider le premier contrat avant que l'annulation de ce dernier eût été prononcée. Il n'y aurait pas, en ce cas, deux contrats mais une confirmation d'une convention annulable '.

390. L'art. 69, § 5, no 1 fixe à 2 fr. p. 100 le droit sur « les adjudications, ventes, reventes, cessions, rétrocessions, marchés, traités et tous autres actes, soit civils, soit judiciaires, translatifs de propriété à titre onéreux de meubles, récoltes de l'année sur pied, coupes de bois taillis et de haute futaie, et autres objets mobiliers généralement quelconques. » La différence du tarif n'est pas la seule qui distingue les ventes de meubles des ventes d'immeubles. Ce n'est même pas la plus importante. La plus remarquable vient de ce que le droit de mutation sur les ventes mobilières

C. cass., arr. da 5 décembre 1866. (D. P. 67, I, 103.)

est un droit d'acte, qui n'est dû qu'autant que les parties présentent à l'enregistrement un titre constitutif de propriété. L'administration n'a donc pas le droit de rechercher les mutations de meubles comme elle peut le faire en matière de mutation d'immeubles, Il est évident, d'un autre côté, que le droit de transcription n'est pas exigible, puisque la transcription est inapplicable aux meubles qui sont régis par le principe: En fait de meubles, possession vaut titre. Au reste, les meubles n'ont pas de situation, et, par conséquent, ils manquent de la première condition exigée pour la transcription.

391. La loi ne frappe pas seulement la vente, mais aussi le marché par lequel une personne s'engage à livrer une certaine quantité de denrées, ce qu'en d'autre termes on appelle, au moins en droit fiscal, le marché-vente. Le droit de 2 fr. p. 100 est applicable en ce cas, quoiqu'il n'y ait qu'obligation, comme s'il s'agissait d'une vente proprement dite avec translation actuelle de propriété. Il n'en serait pas de même pour les marchés-ventes ayant des immeubles pour objet. Le marché-vente d'immeubles que le vendeur promet de livrer n'est qu'un acte innomé soumis uniquement au droit fixe de 2 fr. A quoi tient cette différence? C'est que les marchés-ventes de meubles se réalisent par une simple tradition et sans acte qui les constate. Aussi sont-ils taxés sur le titre d'obligation qui fournit l'occasion unique d'exiger ce droit. Pour les ventes d'immeubles, au contraire, la réalisation du marché sera certainement constatée ultérieurement, et l'occasion ne manquera conséquemment pas de per

cevoir le droit de mutation, sans qu'il soit besoin de faire une dérogation aux principes.

392. Le marché-vente, que l'objet soit mobilier ou immobilier, est dans une situation particulière quant au droit de résiliement. A quelque époque que soit conclu l'accord de résilier, il n'y a lieu à percevoir qu'un droit fixe pour acte civil innomé. Au contraire, dans la vente translative de propriété mobilière ou immobilière, le résiliement, après un délai de plus de vingtquatre heures, est soumis à un second droit de mutation de 2 fr. p. 100. Cette distinction tient à ce que, dans la vente translative de propriété, le résiliement emporte une rétrocession qui est taxée à un second droit de vente, tandis que dans le marché-vente, il n'y a pas de translation de propriété, ni conséquemment de rétrocession, tant que la réalisation n'a pas été effectuée. Aussi l'accord de résiliement n'est-il qu'un distrat, à quelque époque qu'il soit fait avant la résiliation du marché'.

393. Il arrive quelquefois que dans le même acte on traite sur des meubles et des immeubles. Or, les règles des ventes mobilières étant très-différentes de celles qui sont suivies pour les ventes immobilières, il Y a grand intérêt à déterminer quels principes seront

1 Quelques dispositions spéciales ont modéré le droit de vente:

Les procès-verbaux constatant les ventes de navire, soit totales, soit partielles, ne sont soumis qu'au droit fixe de 1 fr. (Loi du 21 avril 1818, art. 64.) Le droit est réduit à 50 cent. p. 100 pour les ventes de marchandises, lorsqu'elles sont faites à la bourse et aux enchères, par les courtiers de commerce, avec l'autorisation du tribunal de commerce. (Loi du 15 mai 1818, art. 74.) Ne payent que 50 cent. p. 100 les marchandises vendues conformément à l'art. 492 C. com. (Loi du 24 mai 1834, art. 12.)

Le droit d'enregistrement sur les ventes de marchandises en gros est fixé à 10 cent. p. 100. (Loi du 28 mai 1858, art. 4.)

adoptés. Cette question a été prévue par l'art. 9 de la loi du 22 frimaire an VII. D'après cette disposition, le droit est perçu sur l'acte entier suivant le tarif des ventes d'immeubles, à moins que les parties n'aient fixé un prix spécial pour ce qui concerne les meubles : « à moins, dit la loi, qu'ils ne soient désignés et estimés article par article dans le contrat. » Sans cette précaution, les parties n'auraient pas manqué d'exagérer la portion du prix afférente aux meubles, afin de payer une somme moindre. Il est vrai que l'administration aurait pu contester et rétablir la vérité; mais la difficulté se serait présentée fréquemment, et il était plus simple, pour prévenir la fraude, de contraindre les contractants à bien déterminer le prix de chaque objet mobilier, sous peine du droit le plus élevé '.

394. Faut-il appliquer aux récoltes et aux fruits pendants par branches et par racines le tarif des ventes mobilières ou celui des ventes immobilières? Ce qui est vendu, c'est une récolte destinée à être détachée du fonds, et qui, par conséquent, est au moment de la vente considérée dans sa nature mobilière. On pliquera donc le tarif de 2 fr. par 100 fr. Il en serait de même de la vente d'un bâtiment à démolir; car il est évident, en ce cas, que l'objet vendu est considéré par les parties comme objet mobilier.

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395. Cependant, les parties ne pourraient pas, lorsqu'elles traitent sur un terrain couvert de bois

1 La vente d'un terrain sur lequel des constructions ont été commencées, et doivent être complétées ultérieurement, par exemple, pour former un hôtel, est une vente d'immeuble, et le droit proportionnel est exigible pour le prix entier. Ce n'est pas un simple marché. Trib. civ. de la Seine, jugement du 21 juillet 1865. (D. P. 66, 3, 15.)

prêt à être coupé ou sur la propriété d'un terrain qu'occupe un bâtiment prêt à être démoli, diviser le prix par ventilation entre le fonds et la superficie. Du moment qu'on transmet la pleine propriété, l'acquéreur acquiert le plenum in re dominium. Ce droit absolu lui donnera le pouvoir de faire de sa chose ce qu'il entendra, de la garder dans l'état où il la reçoit ou de séparer la superficie du fonds. Le vendeur ne pourra donc pas, pour un moment où il ne sera plus maître, diviser la propriété de la chose par une séparation à laquelle il n'a aucun intérêt. Il est si peu intéressé que, l'acquéreur n'observant pas cette division, la réclamation du vendeur serait repoussée comme ayant été faite sans intérêt. Si les parties avaient commencé par traiter sur la superficie, et que bientôt après elles fissent une convention sur le fonds, les juges du fait verraient là une dissimulation faite pour frauder la loi. Ils pourraient donc annuler ces actes correspectifs de la même manière qu'ils annuleraient l'acte unique où ces clauses seraient renfermées. Il est de principe, en effet, qu'on ne doit pas pouvoir faire indirectement, et par dissimulation, ce qui ne peut pas être fait directement et ouvertement. Il faut remarquer seulement que l'annulation des actes correspectifs ne peut être prononcée que sur la foi de présomptions de fait (art. 1353 C. Nap.), et qu'il n'existe sous ce rapport aucune présomption légale de fraude.

396. La vente d'immeubles par destination est soumise au droit de vente immobilière. Cependant,

1 C. cass., arr. du 23 avril 1833; Championnière et Rigaud (no 3162). V. contrà, ch. req., arr. du 20 juin 1832.

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