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431. Le tarif du bail et celui de l'antichrèse diffèrent assez pour qu'il y eût intérêt à dissimuler un des deux contrats sous les apparences de l'autre. Il importe donc d'établir une règle qui permette de ne pas confondre le louage avec l'antichrèse. Ce qui les distingue, c'est que dans le bail chacune des parties est liée jusqu'à la fin du terme, et qu'elles ne peuvent se dégager que d'un commun accord, tandis que dans l'antichrèse le débiteur a le moyen, en remboursant la créance, de faire cesser l'engagement de l'immeuble'.

D'après l'art. 2088 C. Nap., le créancier ne devient pas propriétaire de l'immeuble engagé, faute de payement du prix. Toute clause contraire est nulle, et le créancier n'a que le droit de faire exproprier l'immeuble avec les formalités de justice. Pour éluder cette prohibition, les parties ont recours à une combinaison de contrats qui aboutit au même résultat. Ainsi le débiteur vend l'immeuble au créancier, avec faculté de rachat, et le garde comme locataire (relocatio in instanti) à un prix de bail qui représente un intérêt plus ou moins élevé de l'argent prêté. Ce contrat, qui est formé de la réunion de deux, et qu'on appelle contrat pignoratif, a pour effet non-seulement de tourner la prohibition de l'art. 2088, mais encore de dissimuler souvent des prêts usuraires. Aussi est-il entaché de nullité. Si néanmoins on présentait à l'enregistrement un acte de vente fait dans ces conditions, il y aurait lieu à percevoir : 1° un droit de vente à 5 fr. 50 p. 100; 2o un droit de bail à 20 cent. p. 100 sur les années de bail cumulées. Ces sommes ne seraient pas restituables si l'acte était annulé plus tard; car elles ont été perçues régulièrement (art. 60 de la loi du 22 frimaire an VII). En effet, elles ont été perçues conformément à la qualification donnée par les parties à leurs conventions, en d'autres termes, suivant la teneur du contrat. Le jugement qui prononcera la nullité donnera-t-il lieu à un droit de mutation à titre onéreux? La nullité est radicale, et le demandeur est remis en possession ex causâ primavá et antiqud. Il n'y a donc pas à percevoir un nouveau droit proportionnel de mutation sur le jugement qui prononce la nullité. M. Gab. Demante distingue, avec Chardon (Traité du dol et de la fraude, t. I, no 32, et t. II, no 59), entre le dol et la fraude, reconnaissant que la nullité pour dol a un effet rétroactif, tandis que la fraude n'en aurait pas. Il en tire cette conséquence que, si la nullité est prononcée pour cause de dol, elle est radicale et ne donne pas lieu à un droit de mutation, tandis que ce droit serait dû s'il s'agissait de fraude, parce que la nullité prononcée pour ce motif ne serait pas radicale (Gab. Demante, t. I, p. 361, no 185). Nous ne comprenons pas quelle est la raison de distinguer entre le dol et la fraude. Si l'acte est nul pour une cause qui soit contemporaine du contrat, le demandeur de quelque nom que cette cause s'appelle est réintégré en vertu de son droit antérieur de propriété.

432. Le droit de 2 fr. par 100 fr. étant exigible sur les sommes pour lesquelles l'engagement est fait, les intérêts ne sont pas compris dans la liquidation du droit. On n'en tiendrait compte que si l'engagement avait été fait spécialement pour la garantie du payement des intérêts. On ajouterait, en ce cas, les annuités à courir jusqu'à l'exigibilité du capital. Si le payement n'était pas fait à l'échéance, l'engagement continuerait en vertu d'un consentement tacite (art. 2087 C. Nap.); mais cet accord ne donnerait pas lieu à la perception d'un droit supplémentaire, parce que le droit en matière d'antichrèse est un droit d'acte, c'est-à-dire qu'il n'est pas exigible tant qu'un acte écrit n'est pas représenté au receveur de l'enregistrement'.

433. Obligations. Sont taxées à raison de 1 fr. pour 100 fr.:

« Les contrats, transactions, promesses de payer, arrêtés de compte, billets, mandats; les transports, cessions et délégations de créance à terme; les délégations de prix stipulées dans un contrat pour acquitter des créances à terme envers un tiers sans énonciation de titre enregistré, sauf, pour ce cas, la restitution dans un délai prescrit, s'il est justifié d'un titre prẻcédemment enregistré; les reconnaissances, celles de

1 S'il avait été stipulé expressément dans l'acte que « l'engagement continuerait jusqu'à parfait payement, » M. Gab. Demante décide qu'il y aurait lieu à percevoir un supplément de droit. En effet, le créancier trouve dans l'acte primitif le titre qui lui donne droit à la continuation de jouissance uprès l'échéance. Cette prolongation étant illimitée, on s'en rapporterail, pour l'assiette du droit, à la déclaration estimative des parties (art. 16 de la loi du 22 frimaire an VII).

dépôt des sommes chez les particuliers, et tous autres actes ou écrits qui contiendront obligations de sommes, sans libéralité et sans que l'obligation soit le prix d'une transmission de meubles ou d'immeubles non enregistrée. » (Art. 69, § 3, n° 3, loi du 22 frimaire an VII.) Ce droit avait êté réduit de moitié par la loi du 7 août 1850; mais l'ancien tarif a été rétabli depuis par la loi du 5 mai 1855 (art. 15). Quant à la liquidation du droit, l'art. 14, no 2, porte que le droit est exigible sur « le capital exprimé dans l'acte et qui en fait a l'objet. »

L'obligation de sommes vient ordinairement du prêt; mais ce n'est pas la source unique, et tout actè portant obligation de sommes donne lieu au droit proportionnel de 1 fr. p. 100 fr. La loi exige: 1o que cette obligation ne soit pas une libéralité, sans quoi il faudrait appliquer le tarif des donations, et 2° qu'elle ne contienne pas de transmission de meubles ou d'immeubles, auquel cas il y aurait lieu d'appliquer les droits de mutation à titre onéreux.

434. Pour que le droit proportionnel d'obligation soit exigible, suffit-il qu'il y ait promesse de prêter, ou fautil qu'il y ait obligation actuelle ? La promesse de prêter contient, à la vérité, un engagement immédiat à là charge du promettant; mais c'est une obligation de faire qui se résout en dommages-intérêts en cas d'inexécution (art. 1142 C. Nap.). Il n'y a obligation de sommes qu'après la réalisation du prêt. L'emprunteur n'est donc, au moment de la promesse de prêter, que débiteur sous condition suspensive. Aussi le droit proportionnel n'est-il pas du au moment de l'acte portant promesse

de prêt, mais seulement lorsque le prêt est effectué'. Sur la promesse de prêt, il n'y a lieu d'exiger qu'un droit fixe. C'est ce que le ministre des finances a décidé pour l'enregistrement des prêts faits par le Crédit foncier. Cette compagnie consent aux emprunteurs 1° un prêt conditionnel, en vertu duquel une inscription est prise; 2° une prêt définitif, avec tradition des valeurs, après la purge des hypothèques. Si le prêt définitif n'a pas lieu, l'inscription de l'hypothèque est annulée, et s'il est réalisé, il est garanti par l'inscription prise en vertu de l'acte de prêt conditionnel. D'après la décision du ministre des finances, en date du 20 août 1852, et une pratique conforme à cette décision, l'administration de l'enregistrement perçoit :

1° Un droit fixe sur la promesse de prêter ou prêt conditionnel;

2° Sur le prêt définitif, 1 fr. par 100 fr.;

3o En cas de réalisation du prêt, le droit fixe n'est pas imputable sur le droit proportionnel.

435. On appliquerait les mêmes solutions dans le cas où la promesse de prêter résulterait d'une ouverture de crédit. Mais il pourrait se faire que la promesse de prêter eût un caractère plus positif, par exemple si

1 Comment la réalisation du prêt sera-t-elle établie? La régie ne peut pas rechercher ce fait tant qu'il est tenu secret par les parties, puisque le droit d'obligation n'est qu'un droit d'acte. Mais la preuve peut être puisée dans tout acte émane de la partie, et porté à la connaissance de la régie par la présentation d'un titre à l'enregistrement. C. cas., req., arr. du 1866 (D. P., 66, I, 400). Elle résulterait notamment d'énonciations constatant des delegations consenties au crédité, en vertu desquelles celui-ci aurait fait des encaissements pour des sommes égales ou supérieures au montant du crédit. C. cass., ch. civ., arr. du 23 janvier 1867 (D, P., 67, I, 164). V. aussi C. cass., ch. civ., arr. du 26 décembre 1866 (D. P., 67, I, 165).

l'une des parties s'engageait à fournir une somme que l'autre partie s'engageait à recevoir et à restituer, après l'avoir touchée. La jurisprudence décide qu'il y a là un véritable prêt « dont le capital est certain, qui doit « être fourni intégralement, qui est déclaré aliéné, et « dont le remboursement est promis intégralement'.» Aussi le droit est-il exigible immédiatement et avant la tradition des espèces. S'il en était autrement, il serait facile de frauder le fisc. L'inscription hypothécaire serait prise en vertu de la promesse de fournir, qui contient obligation de rembourser. Quant à la numération des espèces, elle serait faite postérieurement et constatée par un acte sous seing privé qu'on ne présenterait pas à l'enregistrement. Les prêts les plus considérables pourraient ainsi être faits pour un droit fixe, sans que les parties perdissent aucune garantie ni aucun avantage. Au reste, dans les affaires sur lesquelles la jurisprudence a eu à se prononcer, la dissimulation n'était pas douteuse, et le mot promesse avait été employée pour déguiser un véritable contrat de prêt 2.

436. La loi n'ayant assujetti au droit proportionnel de 1 fr. pour 100 fr. que les obligations de sommes, sans ajouter, comme elle l'a fait en plus d'une circonstance, le mot valeurs, il faut conclure de cette différence de rédaction que les obligations de choses en nature ne donnent lieu qu'à un droit fixe. Ainsi

1 Cour cass., arr. du 2 avril 1845 (D. P. 45, I, 200) et Cour de Besançon, arr. du 8 juin 1853.

L'acte par lequel une personne donne mandat à une autre de reconnaître une dette envers un tiers renferme une reconnaissance de dette passible du droit de 1 p. 100. 4 avril 1865, jugement de Beauvais (D. P., 67, 3, 48).

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