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mètres de la voie publique. En effet, comme la distance n'est déterminée par aucun texte, toute limite serait arbitraire. L'application logique de l'obligation de demander l'alignement à quelques lignes en retraite conduit à l'exiger à plusieurs mètres; or cette conséquence équivaudrait à une véritable confiscation du droit de propriété. La difficulté est égale des deux côtés, et la question serait véritablement insoluble, si, en pareille matière, le silence de la loi ne devait pas être interprété dans un sens favorable à la liberté du propriétaire. Nous croyons donc que le propriétaire a le droit de construire librement, sans demander d'alignement, toutes les fois qu'il n'ira pas jusqu'à la limite, et que le juge de paix ne pourra pas, en ce cas, le condamner à l'amende. Une législation bien faite aurait fixé un rayon dans lequel toute construction serait astreinte à l'alignement; mais cette disposition n'existe pas, et la jurisprudence ne pourrait pas, sans tomber dans le bon plaisir, combler cette lacune'.

42. Indépendamment du recours au Conseil d'État pour excès de pouvoir, les parties intéressées pourraient-elles se pourvoir au fond contre un alignement individuel délivré en l'absence de plan général? Avant le décret de décentralisation, l'art. 52 de la loi du 16 septembre 1807 permettait de recourir au Conseil d'État sur le rapport du ministre de l'intérieur et, d'après un décret du 27 juillet 1808, cette voie de re

1 Une fois délivré, l'alignement constitue un droit acquis pour la partie qui l'a obtenu. Arr. Cons. d'Et. du 16 décembre 1864 (aff. Massé et Dubois), D. P. 65, 3, 68. La notification n'est même pas nécessaire pour qu'il y ait droit acquis. C. cass., ch. crim., arr. du 21 juillet 1864 (D. P. 65, I, 327).

cours pouvait être employée tant en matière d'alignement partiel que de plan général d'alignement. Alors, en effet, le recours était porté devant la même autorité qui était chargée d'approuver les plans généraux. Le décret de décentralisation a changé l'ordre et la distribution des pouvoirs. C'est le préfet qui est compétent pour homologuer les plans généraux d'alignement. Si les recours contre les alignements individuels étaient encore jugés par l'Empereur en Conseil d'État, sur le rapport du ministre de l'intérieur, les décisions du chef de l'État sur les alignements partiels pourraient être réformés par le préfet homologuant un plan général d'alignement, ce qui serait contraire aux règles de la hiérarchie administrative. La partie qui se plaint d'un alignement partiel, en l'absence d'un plan général, ne peut donc, si d'ailleurs il n'y a pas excès de pouvoir, que se pourvoir hiérarchiquement du maire au préfet et du préfet au ministre. Le ministre aura le dernier mot, et le recours administratif s'arrêtera devant l'arrêté ministériel'.

43. Il pourrait se faire qu'au lieu de forcer à reculer, le plan d'alignement eût pour effet de rétrécir la voie publique sur un point déterminé. En ce cas, l'art. 53 de la loi du 16 septembre 1807 donne aux propriétaires riverains le droit d'avancer et de requérir

Cette doctrine a été consacrée par le Conseil d'État, arr. du 19 juillet 1855 (aff. Crouzet et Sensalva). Le ministre avait rejeté le pourvoi contre un arrêté du préfet de Lot-et-Garonne, et les parties attaquaient la décision du ministre comme entachée d'excès de pouvoir, attendu qu'au lieu de rejeter le pourvoi purement et simplement, ou mème de statuer lui-même, le ministre aurait dù renvoyer l'affaire au Conseil d'Etat, d'après l'art. 52 de la loi du 16 septembre 1807 combinée avec le décret du 27 juillet 1808.

l'acquisition des terrains qui sont en dehors du nouveau tracé de la voie. L'administration a même le moyen de forcer indirectement les propriétaires à faire cette acquisition. Elle peut en effet, en cas de refus par le propriétaire, exproprier le propriétaire de sa propriété bâtie en lui payant le prix de sa maison d'après la valeur qu'elle avait antérieurement aux travaux. Comme leur exécution augmentera presque toujours la valeur de la construction, cette déposession renferme une action indirecte pour forcer le propriétaire à faire l'acquisition.

44. Voirie vicinale. Le plan général, en matière de voirie vicinale, n'est pas autre chose que la reconnaissance et la fixation de la largeur du chemin; ce que nous avons dit plus haut, en nous occupant des chemins vicinaux, sur la reconnaissance et la déclaration, doit être rappelé ici et nous nous contenterons d'y renvoyer. D'après les art. 15 et 21 de la loi du 21 mai 1836, les préfets sont compétents pour fixer la largeur des chemins de moyenne et de petite vicinalité, et l'art. 15 particulièrement attribue à la voie publique les parties des propriétés riveraines qui sont atteintes par l'arrêté du préfet. Quant aux chemins vicinaux de grande communication, ils sont classés par le conseil général. Le classement, dans tous les cas, déterminera la largeur du chemin suivant les indications portées au plan annexé.

45. L'art. 21 de la loi du 21 mai 1836, qui charge le préfet de faire un règlement pour assurer l'exécution de la loi, comprend au nombre des matières qui peuvent être l'objet de ces règlements « les alignements,

« les autorisations de construire le long des chemins, « l'élagage, les fossés et leur curage, et tous autres « détails de surveillance et de conservation. » Ce règlement doit, aux termes de l'art. 21, être communiqué au conseil général et transmis avec ses observations au ministre de l'intérieur pour être approuvé, s'il y a lieu. Dans le règlement-modèle qui a été fait en 1854, la matière des alignements pour la voirie vicinale a été réglée par les art. 281 et suivants. «Il est interdit, dit l'art. 281, de construire, de reconstruire ou de réparer aucune maison, aucun bâtiment, mur ou clôture, de quelque nature que ce soit, d'ouvrir des fossés, de planter des arbres ou des haies, le long et joignant les chemins vicinaux, sans en avoir demandé et obtenu l'autorisation. » D'après l'art. 283, l'alignement est donné par le maire pour les chemins vicinaux ordinaires et pour ceux d'intérêt commun. Quant aux chemins vicinaux de grande communication, l'alignement individuel doit être donné par le préfet, conformément à l'art. 9 de la loi du 21 mai 1836: « Les chemins vicinaux de grande communication sont placés sous l'autorité du préfet. » L'art. 286 du règlement-modèle porte, en effet, que ces alignements partiels seront donnés par les préfets sur le rapport des agents voyers et l'avis des maires et du sous-préfet de l'arrondissement.-En aucun cas, l'alignement n'est verbal; il est donné par écrit sous la forme d'un arrêté « qui est transcrit aux registres du maire, et dont une expédition doit être remise aux parties intéressées. » Cette formalité est également suivie par le préfet dans les cas où il est compétent.

46. Le maire et le préfet, quand ils donnent un alignement partiel, doivent se conformer au plan général; s'ils ne le faisaient pas, il y aurait atteinte à un droit acquis et, par conséquent, lieu à recours par la voie contentieuse. Faute de plan général, le maire ou le préfet devraient ou se conformer à l'état des lieux, ou provoquer une reconnaissance de la largeur ou une déclaration régulière portant fixation d'une largeur nouvelle, en vertu de l'art. 15; mais l'alignement partiel ne pourrait pas déroger à la situation actuelle des riverains par rapport à la voie publique.

Cette règle comporte cependant une exception, et elle est relative aux chemins qui n'ont pas la largeur légale :

Art. 289 du règlement-modèle. «Lorsque les chemins vicinaux, soit de grande, soit de petite communication, auront la largeur légale, les alignements à donner pour constructions ou reconstructions seront donnés de manière à ce que l'impétrant puisse construire sur la ligne séparative de sa propriété et du chemin. - Lorsque ces chemins n'auront pas leur largeur légale, les alignements pour constructions et reconstructions seront délivrés de manière à donner aux chemins cette largeur, sauf règlement de l'indemnité due pour la valeur du sol à incorporer au chemin, si les propriétaires ne consentent pas à l'abandon gratuit du sol. Lorsque les chemins auront plus que leur largeur légale, les propriétaires riverains pourront être autorisés, par mesure d'alignement, à avancer leurs constructions jusqu'à l'extrême limite de cette largeur, sauf par eux à payer

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