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titre gratuit. Mais l'expertise porte sur les revenus, quand il s'agit de mutations gratuites, tandis qu'elle porte sur la valeur vénale pour les actes à titre onéreux'.

535. L'échange est régi par une disposition particulière; car c'est un contrat à titre onéreux, dont le titre ne contient l'énonciation d'aucun prix. L'art. 15, n° 4, porte que la liquidation du droit proportionnel dû en cas d'échange est « faite en capi« tal d'après le revenu multiplié par 20, sans dis«traction des charges. » Cette évaluation ne doit cependant pas, malgré l'analogie, être faite suivant l'art. 19, mais conformément à l'art. 17 qui est spécial aux actes à titre onéreux. Ainsi l'expertise, en cas d'échange, devra être requise dans l'année de l'enregistrement, terme fixé par l'art. 17, tandis que pour les actes à titre gratuit, l'art. 61, n° 1, accorde deux ans par une disposition générale qui complète l'art. 19, muet sur ce point.

536. Une règle constante en procédure civile n'attribue au rapport des experts que la valeur d'un avis. Nunquam dictum expertorum transit in rem judicatam. La jurisprudence de la Cour de cassation s'est écartée de cette maxime, en matière fiscale; elle reconnaît un caractère obligatoire à l'expertise. Il est cependant impossible de citer un seul texte qui demande cette dérogation aux principes. A défaut de

1 La mutation peut être prouvée par des actes extrajudiciaires présentés à l'enregistrement, spécialement par une sommation de passer un acte authentique avec des acquéreurs auxquels à vendu un premier acheteur qui n'avait pas été mis en possession. C. cass., Req., arr. du 11 juillet 1865 (D. P. 65, 1, 446).

texte, aucune raison tirée de la bonne administration de la justice ne commandait cette exception. Il y a même des inconvénients à transporter le pouvoir de juger à des experts dont la position accidentelle n'offre par les mêmes garanties que celle de magistrats choisis pour une fonction permanente '.

537. C'est pour combattre la dissimulation frauduleuse des parties que l'expertise a été établie. Elle ne peut donc être demandée que dans le cas de ventes amiables. Si la vente avait été faite par autorité de justice, le prix serait définitivement fixé par l'adjudication; car les enchères publiques, sous la surveillance de la justice, sont une garantie suffisante pour l'administration comme pour les parties 2.

538. L'expertise ne peut être demandée que pour les mutations immobilières. Est-ce à dire qu'en matière

1 C. cass., arr. des 28 mars 1831, 17 décembre 1844, 24 avril 1850 (D. P., 1850, I, 127), 7 novembre 1859 (D. P., 1859, I, 499) — V. trib. de Lyon, 19 février 1845 (D. P., 1845, 5, 110); trib. de Nîmes, 28 avril 1845 D. P., 1846, II, 242). Ces jugements ont rectifié le travail des experts en tenant compte, pour la fixation du revenu, des non-valeurs que l'art. 5 de la loi du 3 frimaire an VII fixe au quart du revenu : « Mais à supposer, dit M. Dalloz (D. P., 1859, I, 499, note), que l'expertise dût être rectifiée, ce n'était pas aux juges qu'il appartenait de faire cette rectification. Il ne pou. vait y avoir lieu qu'à une nouvelle expertise. » Cette conséquence de la doctrine adoptée par la jurisprudence démontre, par l'énormité des effets, que l'application du droit commun était préférable. V. dans le sens de la jurisprudence Bonnier, Preuves, no 88, et contrà, Gab. Demante, t. II, p. 725, n° 762.

• Lorsque la mise aux enchères d'un immeuble vendu à l'amiable est requise par un créancier hypothécaire, l'expertise commencée dans l'intervalle devient inutile par suite de la vente aux enchères. L'administration n'a plus d'action contre le premier acquéreur dont le titre est résolu. C. cass., arr. des 10 février 1852 et 15 mars 1854. Cependant l'acquéreur évincé est condamné aux frais de l'expertise. C. cass., arr. du 28 août 1854. Ces décisions n'impliquent pas contradiction. Quoique évincé, l'acquéreur n'en doit pas moins des dommages-intérêts pour avoir, en participant à une dissimu lation frauduleuse, rendu l'expertise nécessaire.

d'actes portant sur des objets mobiliers, les agents de l'administration sont complétement désarmés contre les fraudes à la loi? Il faut distinguer entre les droits d'acte et les droits de mutation. Les premiers sont perçus d'après les clauses du titre présenté à l'enregistrement, et le trésor n'a pas d'autre garantie que l'intérêt civil des parties. Il n'y aurait lieu à forcer la perception que si la dissimulation était découverte par les parties ellesmêmes ou par une contre-lettre (art. 40 de la loi du 22 frimaire an VII). Quant aux mutations mobilières, le droit est dû sur la transmission, et l'insuffisance de la déclaration peut être prouvée par l'administration. Seulement, la loi ne dit pas quels moyens de preuve pourront être employés. Le silence des textes nous conduirait à l'application des règles de droit commun, c'est-à-dire aux preuves écrite et testimoniale, aux présomptions et aux serments', à l'interrogatoire sur faits et articles. Mais plusieurs de ces preuves ont paru incompatibles avec la procédure en matière d'enregistrement; car, d'après les art. 65 de la loi du 22 frimaire an VII et 17 de la loi du 27 ventôse an IX, les procès d'enregistrement sont jugés sur mémoires, sans avoués et sans autres frais que ceux de papier timbré et de jugement. L'interrogatoire, le serment, l'enquête ne peuvent donc pas être ordonnés parce que ces formes impliquent soit la présence des parties, soit le concours des officiers ministériels. Il en est de même des présomptions judiciaires qui, d'après l'art. 1353 C. Nap., ne sont em

1 C. cass., ch. req., arr. de 24 mars 1846 (D. P., 1846, I, 321). — 29 décembre 1857, ch. req. (D. P., 1858, I, 133); trib. de Gourdon, 13 mai 1856 (D. P., 1856, III, 63).

ployées que dans les cas où la preuve testimoniale est admise'. L'administration ne pourra donc combattre la dissimulation que par des actes portant la preuve écrite de la fraude, tels que les inventaires, les liquidations, les partages, répertoires de notaires et généralement tous actes soumis au contrôle de l'administration de l'enregistrement 2. La valeur constatée par l'inventaire pourrait ne pas coïncider avec le prix qui sera produit par les enchères; mais, pour la perception des droits, on ne s'en rapportera pas nécessairement aux enchères pour deux raisons: 1' parce qu'elles sont postérieures au décès et que depuis la déclaration, la valeur des objets a pu changer; 2° parce que la mode et le caprice donnent souvent aux objets d'art une valeur factice que les parties n'étaient pas en mesure de déclarer3.

539. Prescription.

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Quelques prescriptions spéciales ont été établies en matière d'enregistrement (art. 61 de la loi de frimaire an VII).

1. Il y a prescription après deux ans, à compter du jour de l'enregistrement, pour les droits non perçus sur les dispositions contenues dans un acte ou pour les suppléments, en cas de perception insuffisante. Le même délai s'applique aux demandes d'expertise, sauf celles qui ont pour but de constater les fausses

1 C. cass., arr. du 29 février 1860 (D. P., 1860, I, 139); Merlin, Réper toire, v FRAUDE, p. 387; Garnier, Répertoire de l'enregistrement, no 6195; Championnière et Rigaud, Supplément, no 1084; Gab. Demante, t. II, p. 730, n° 767.

* V. un jugement du tribunal de Versailles, du 22 avril 1858, qui admet des présomptions judiciaires (Bull., J. Pal., no 528).

3 C. cass., ch. civ., arr. du 11 février 1867 (D. P. 67. I, 73).

évaluations dans un acte à titre onéreux (art. 17 de la loi du 22 frimaire an VII). La prescription de deux ans s'applique aussi aux amendes des contraventions en matière d'enregistrement et de timbre (loi du 16 juin 1824, art. 14). Se prescrivent également par deux ans les actions en restitution des droits irrégulièrement perçus (art. 61 de la loi de frimaire). Cette prescription s'applique à tous les cas de restitution, soit que le droit ait été irrégulièrement perçu, soit qu'il ait été régulièrement exigé, mais dans des circonstances où les textes formels accordent la dispense et autorisent la restitution, par exemple en cas d'expropriation pour cause d'utilité publique'.

2o Le délai de la prescription est de cinq ans pour les omissions de biens dans une déclaration faite après décès.

3° Il est de dix ans pour les actions relatives aux successions non déclarées (art. 61, n° 2 et 3, de la loi du 22 frimaire an VII, modifié par l'art. 11 de la loi du 18 mai 1850).

La prescription est suspendue par des demandes signifiées et enregistrées avant l'expiration des délais. Mais la discontinuation des poursuites, pendant une année, opère une péremption sui generis qui fait que les droits sont irrévocablement acquis (art. 61, in fine). La prescription est, en général, suspendue par l'effet du principe Contrà non valentem agere non currit præscriptio. Cette règle profite à la régie en matière

1 C. cass., ch. civ., arr. du 5 février 1867 (D. P. 67, I, 23).

La loi dit suspendue, mais plusieurs écrivains font observer que c'est une erreur de terminologie. Suivant eux il aurait fallu dire que c'est une interruption qui rend inutile le temps écoulé jusqu'à la signification.

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