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§ 6.

DES OCTROIS.

sommaire.

581. Historique des droits d'octroi.

582. Les droits d'octroi peuvent porter sur tous les objets de consommation locale, soit industrielle, soit domestique.

583. Matières exemptées en vertu de décisions ministérielles.

584. Les droits d'octroi doivent garder un caractère purement fiscal. 585. Les produits fabriqués à l'intérieur doivent être taxés à l'octroi comme ceux qui viennent du dehors.

586. Limite des taxes d'octroi sur les boissons.

587. Dans les grandes villes la banlieue peut être comprise dans le rayon de l'octroi.

588. Les communes ne peuvent recourir aux taxes d'octroi qu'en cas d'insuffisance des revenus.

589. Formalités à suivre pour l'établissement des octrois.

590. Formalités à suivre pour la suppression d'un octroi.

591. Modifications à ces formalités par la loi du 24 juillet 1867 sur les conseils municipaux.

592. Périmètre de l'octroi.

593. Courriers chargés des dépêches. - Chemins de fer.

594. Perception des droits d'octroi dans les communes ouvertes.

595. Du transit.

596. Du passe-debout.

597. De la faculté d'entrepôt.

598. Modes de perception de l'octroi.

599. Comparaison du bail à ferme avec la régie intéressée.

600. L'adjudication n'est définitive qu'après l'approbation du ministre des finances.

601. Le preneur est obligé de fournir un cautionnement. 602. Des réclamations élevées par le fermier.

581. Plusieurs communes et villes furent, avant 1789, autorisées par des ordonnances royales à établir des taxes locales de consommation, sous le nom d'octrois, mot qui exprimait la permission donnée par le

1 Ottroium, licentia vasallo data, dit Ducange. C'est un mot de basse latinité qui vient, par corruption, de auctoritas, dont on a fait octorisare, ocorisar et enfin octroyer; en espagnol, otorgar.

souverain. Dans plusieurs circonstances les rois, pressés par le besoin d'argent, firent contribuer les villes au moyen d'un prélèvement sur le produit de leurs octrois. C'est ce qui eut lieu sous Mazarin, en 1663, en vertu d'un édit qui attribua au trésor la moitié des recettes de l'oetroi. La législation de la Constituante supprima les octrois comme toutes les taxes qui formaient, à l'intérieur, des barrières fiscales entre les parties du même pays. Cet état de choses dura jusqu'au Directoire. Une loi du 27 vendemaire an VII rétablit à Paris un octroi dit mynicipal et de bienfaisance. Bientôt après une loi générale (la loi du 11 frimaire an VII) détermina les règles à suivre pour l'établissement des taxes indirectes et locales qu'elles permettaient de créer, pour suppléer à l'insuffisance des recettes ordinaires, dans les villes formant à elles seules un canton. Plusieurs communes profitèrent de la faculté écrite dans la loi du Directoire, et deux ans après on comptait 293 octrois. Le nombre augmenta peu à peu et en l'an XIII, lorsque la France était composée de 108 départements, il y avait 3,262 octrois. Les réductions de notre territoire et la suppression de l'octroi dans quelques villes avaient, en 1863, ramené ce nombre à 1,434 établis dans les départements et donnant un produit brut de 72 millions environ. Dans ce chiffre n'est pas compris l'octroi de Paris qui, à la même époque, rapportait brut 80 millions.

Les lois et règlements déterminèrent d'abord sur quels objets porteraient les taxes d'octroi, et certaines

1 En 1323, un édit avait fixé le prélèvement aux deux tiers.

consommations furent exceptées, à cause de la faveur spéciale qu'elles méritaient. Ainsi, l'ordonnance du 9 décembre 1814 interdisait l'imposition des grains et farines, beurre, lait, légumes et autres menues denrées. La même ordonnance divisait en cinq catégories les matières qui pourraient étre taxées à l'octroi 1° les boissons et liquides; 2° les comestibles; 3° les combustibles; 4 les fourrages; 5 les matériaux. Cette division est encore de fait conservée dans les décrets qui autorisent l'établissement d'un octroi; mais elle n'est pas obligatoire, et les tarifs pourraient être composés d'une suite d'articles sans classification.

582. L'exception écrite dans l'art. 16 de l'ordonnance du 9 décembre 1814 n'a pas été reproduite dans l'art. 147 de la loi du 28 avril 1816, qui permet, sans aucune exception, d'imposer à l'octroi « les objets de consommation locale.» Des termes généraux de cette disposition la jurisprudence a conclu avec raison : 1: qu'on peut légalement imposer les farines et les blés; 2° qu'on peut soumettre aux taxes d'octroi les objets qui sont employés, par l'industrie locale, à la fabrication de produits destinés à sortir de la ville pour entrer dans le commerce général. Il est vrai que géné ralement les farines et les blés ne sont pas taxés à l'octroi, et qu'on introduit ordinairement dans le

* Les blés sont imposés à l'octroi de Marseille parce que, en raison de la situation de cette ville, le droit d'oetróf est une espèce de droit de douane (observations de M. Thiers dans l'Enquête sur les boissons, p. 201). A l'oćtroi de Paris, les bles ét farines ont été imposés pour alimenter la caisse de la boulangerie, lorsque, après le décret du 22 Juin 1883, les règlements sur Ya boulangerie de Paris étant abrogés, Il a fallu modifier aussi l'organisation de la caisse de la boulangerie (C. cass., arr. des 18 juillet 1834, 18 février 1852 et 19 juillet 1854).

décret une clause qui dispense la consommation industrielle'. Mais la question de légalité diffère de la question d'opportunité.

583. Des décisions ou ordonnances ministérielles ont exempté des taxes d'octroi les matières suivantes : 1° Les consommations faites à bord des bâtiments de l'État;

2o Les matières servant à la fabrication des poudres; 3o Les papiers imprimés du gouvernement; 4. Les médicaments;

5° Les morues.

Généralement, on ne soumet pas au droit d'octroi les matières qui sont atteintes par les droits de douane, tels que les sucres et les cafés. Les sucres, cependant, ont été taxés et le sont encore dans quelques villes de l'ouest, du centre et du midi de la France 2.

584. Les droits d'octroi ne sont établis que dans un but fiscal, et ce serait en altérer le caractère que de s'en servir pour favoriser un produit au détriment de pro

1 Dans les décrets qui autorisent l'établissement d'un octroi, on insère ordinairement une clause ainsi conçue : « Ne seront pas soumis aux droits établis par les présentes les matières destinées à entrer dans la fabrication des produits manufacturés pour le commerce général. » Mais si cette clause manquait, la taxe serait exigible sur toutes les matières portées au tarif, sans distinction entre la consommation domestique et la consommation industrielle; car la loi ne fait aucune distinction, et la question d'opportunité ne se confond pas avec celle de légalité (C. cass., arr. des 8 mars 1847, 20 mai et 6 décembre 1847, 18 février 1852). La jurisprudence paraît être définitivement fixée sur la question de légalité concernant les blés ou farines, et les objets destinés à la consommation industrielle. La question en ce qui touche la consommation industrielle a été discutée à l'occasion des charbons, dont l'emploi sert à tant d'industries, et des soudes qui sont employées pour la fabrication des savons. La plupart des décrets exemptent les bois qui entrent pour le charbonnage et la tonnellerie.

2 V. Traité des impôts, par M. de Parieu, t. IV, p. 17.

duits analogues. Ainsi des avis du Conseil d'État ont repoussé des différences proposées entre la taxe des fourrages artificiels et celles des fourrages naturels'; entre les bœufs et les vaches 2; entre les agneaux de saisons différentes 3.

585. Par respect encore pour la liberté de la concurrence, il faut que les produits venant du dehors soient taxés comme ceux qui sont fabriqués à l'intérieur (ord. du 9 décembre 1814, art. 24). Il y a cependant exception en ce qui concerne les bières (art. 14). On a vu aussi se glisser, dans quelques tarifs d'octroi, des droits protecteurs en faveur des productions locales, et c'est ainsi que dans le midi, les bières sont surtaxées pour diminuer la concurrence qu'elles font aux vins. Ce procédé est contraire au principe de l'octroi; car cette taxe ne doit être qu'une mesure fiscale prise dans le cas où les ressources de la commune sont insuffisantes, et c'est par abus qu'on l'a transformée en droit protecteur ou douane intérieure.

586. Les boissons étant déjà frappées, au profit du trésor, de droits à l'entrée des villes, le législateur a limité le chiffre des taxes d'octroi qui pourraient être établies sur cette denrée. L'art. 149 de la loi du 28 avril 1816 avait disposé qu'on ne pourrait pas lever

1 Avis du Cons. d'Ét. des 4 et 25 juin 1846.

2 Avis du Cons. d'Et. des 25 février et 13 juillet 1847.

3 Avis du 24 août 1847.

4 « On a vu aussi, dit M. de Parieu, des droits différentiels établis sur certains objets d'après le lieu de leur fabrication, par exemple pour les tuiles et carreaux (octroi de Melun, 12 août 1847). On a même admis en Corse la faculté d'imposer sur les vins, d'après leur provenance, des tarifs différentiels dont les octrois de Bastia et d'Ajaccio montrent l'application. (Traité des impôts, t. IV, p. 17 et 18.)

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