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celle de savoir ce qu'il faut entendre par le mot con-struire qui est employé dans les règlements sur la matière des alignements. La jurisprudence donne à ce mot un sens fort étendu, et elle exige l'autorisation quelle que soit la nature de la construction'.

Nous avons vu plus haut

60. Chemins de fer. que, d'après la loi du 15 juillet 1845, les chemins de fer font partie de la grande voirie (art. 1). L'art. 3 s'occupe des servitudes d'utilité publique qui sont applicables aux chemins de fer. Toutes ne le sont pas, et il y a dans l'art. 3 une énumération qui doit être considérée comme limitative:

« Sont applicables aux propriétés riveraines des che

1

« Ainsi, dit M. Féraud-Giraud, on peut dire qu'elle serait nécessaire :

• Pour construire un embattoir (ord. du 29 septembre 1810, Petit);

« Un hangar (C. cass., arr, du 5 juillet 1837);

Un simple mur de clôture (C. cass., 13 juillet 1838, aff. Daguerre);
Pour adosser des constructions au mur de soutenement d'une route

(ord. du 6 septembre 1826, aff. Freidheim);

<< Pour reconstruire même sur les anciens fondements (aff. Pascal); « Pour exhausser les murs de clôture d'une rue (arr. Cons. d'Ét. dụ 30 mai 1844, aff. Hugon).

« Pour faire de simples réparations;

<< Se fût-on contenté de faire réparer un pied-droit endommagé par le choc d'une voiture (arr. du Cons. d'Ét. du 22 février 1838, aff, veuve Nourry);

« N'eût-on réparé qu'un mur de clôture (arr. du Cons. d'Ét. du 23 mai 1827, aff. Trigant-Brau);

« Alors même que les réparations à ce mur auraient été rendues nécessaires par des dégâts dus à la malveillance (C. cass., arr. du 2 août 1839, ch. crim., aff. Hoas), ou résultant des travaux faits par une commune (arr. du Cons d'Ét. du 13 février 1845, aff. Perruchon);

« On ne pourrait pas faire sans autorisation un simple crépissage (C. cass., arr. du 17 décembre 1830, aff. Goujon de Cerisay);

« Une construction provisoire (arr. du Cons. d'Ét. du 24 janvier 1845, aff. Dandrey). »

Servitudes de voirie, t. 1, p. 24-26.

mins de fer les servitudes imposées par les lois et règlements sur la grande voirie -et qui concernent l'alignement, l'écoulement des eaux, — l'occupation temporaire des terrains, en cas de réparation, la distance à observer pour les plantations et l'élagage des arbres plantés,-le mode d'exploitation des mines, minières, tourbières, carrières et sablières, dans la zone déterminée à cet effet. Sont également applicables à la confection et à l'entretien des chemins de fer les lois et règlements sur l'extraction des matériaux nécessaires aux travaux publics.

61. Indépendamment des servitudes de grande voirie qui sont déclarées applicables aux chemins de fer, la loi a créé un certain nombre de charges spéciales à raison du voisinage des chemins de fer. D'après l'art. 5 de la loi du 15 juillet 1845, « aucune construction, autre qu'un mur de clôture, ne peut être établie dans une distance de 2 mètres d'un chemin de fer. » Il est naturel que la loi ait fait exception pour les murs de clôture, puisque d'après l'art. 4 tout chemin de fer doit être clos des deux côtés et sur toute l'étendue de la voie. Le mur de clôture satisfait à cette prescription mieux qu'une haie sèche ou une palissade. Si la loi écarte les constructions autres que les murs de clôture, c'est de crainte que par les ouvertures des maisons habitées ne soient jetées des matières qui seraient un obstacle à la liberté de la voie. Quant au point de départ qui doit servir à calculer la distance de 2 mètres, il est fixé par l'art. 5 de la loi du 15 juillet 1845: « Cette distance sera mesurée soit de l'arête supérieure du déblai, soit de l'arête inférieure du talus du rem

blai, soit du bord extérieur des fossés du chemin, et, à défaut, d'une ligne tracée à 1 mètre 50 centimètres à partir des rails extérieurs du chemin de fer. >>

62. L'interdiction s'applique-t-elle aux constructions qui existaient déjà au moment où le chemin de fer a été établi? L'art. 5 a prévu le cas dans le § 3, qui porte « Les constructions existantes au moment de la promulgation de la présente loi, ou lors de l'établissement d'un chemin de fer, pourront être entretenues dans l'état où elles se trouvaient à cette époque. » Cette disposition a fait naître une difficulté assez grave. Il s'agit de savoir si, en donnant au propriétaire le droit d'entretenir la construction dans l'état où elle se trouve, la loi lui donne le pouvoir de faire toutes les constructions quelles qu'elles soient, confortatives ou non confortatives, la reconstruction totale demeurant seule interdite, ou bien s'il faut entendre ces mots dans le sens où ils sont pris ordinairement par les règlements de voirie, c'est-à-dire en distinguant les réparations confortatives de celles qui ne le sont pas. Les travaux préparatoires nous laissent, sur ce point, dans la plus grande perplexité, parce qu'ils fournissent aux deux opinions des arguments d'une valeur égale. A la Chambre des députés, la loi fut votée avec la pensée que le propriétaire aurait le droit de faire toutes les réparations, confortatives ou non, et qu'il lui était seulement interdit de faire une reconstruction totale. A la Chambre des pairs, au contraire, il fut reconnu que la disposition serait prise dans le sens ordinaire des règlements de voirie, et que, par conséquent, le propriétaire ne pourrait faire que les travaux d'entretien, à

er

l'exclusion des travaux confortatifs 1. Il y a donc doute sur la question, et je conclus de ce doute qu'il faut se prononcer en faveur de la liberté du propriétaire. On objecte que nous sommes en matière de voirie et que les règlements de voirie qui distinguent entre les réparations confortatives et celles qui ne le sont pas doivent être appliquées ici en vertu de l'art. 1" de la loi du 15 juillet 1845. Nous répondons à cette observation que la loi du 15 juillet 1845 établit une servitude nouvelle, et que, pour en fixer l'étendue, s'il y a doute sur ce que le législateur a voulu faire, les principes d'une bonne interprétation demandent qu'on laisse au propriétaire riverain tout ce que la loi ne lui a pas enlevé positivement. C'est chose grave qu'une servitude d'utilité publique, puisqu'elle grève la propriété privée sans indemnité. Au moins ne faut-il pas aggraver les servitudes établies en suppléant au silence de la loi par une interprétation défavorable au propriétaire 2.

63. Le propriétaire ayant le droit d'entretenir les constructions dans l'état où elles étaient avant l'éta

1 Duvergier, Collection des lois, note sur la loi du 15 juillet 1845. 2 Jousselin, Servitudes d'utilit publique, cherche dans l'ordonnance du 1 août 1821, sur les Servitudes militaires, l'interprétation du mot entretien qu'emploie la loi du 15 juillet 1845. « Sommes-nous, ajoutait-il, oui ☐ ou non, en matière de voirie? Si nous sommes en matière de voirie, le - mot entretien, dont la signification n'a été déterminée ici par aucune « qualification additionnelle, doit, par cela même, être entendu «< avec les - restrictions légalement prescrites en matière de voirie, c'est-à-dire sous la condition expresse de ne faire aux constructions aucune espèce de travaux confortatifs. » (T. II, p. 390 et 391). Je réponds que nous sommes en matière de voirie, mais qu'il s'agit d'une servitude nouvelle, et que la loi n'en ayant pas suffisamment déterminé la portée, il faut, dans le doute, se prononcer pour la propriété privée contre la servitude.

blissement du chemin de fer, comment constaterat-on l'état des constructions et fixera-t-on le droit du propriétaire? L'art. 5, dernier paragraphe, dispose que les formalités à remplir par le propriétaire pour déterminer l'état dans lequel les constructions pourront être entretenues seront déterminées par un règlement d'administration publique.

64. Une autre disposition de la loi du 15 juillet 1845 (art. 7) défend d'établir à une distance de 20 mètres d'un chemin de fer desservi par des machines à feu, des dépôts de matières inflammables, à l'exception seulement des récoltes pendant la moisson. Cette servitude a pour but de prévenir les incendies qui n'auraient pas manqué d'arriver fréquemment, notamment dans les pays où l'usage des couvertures en chaume est encore suivi.

65. L'interdiction de construire dans les 2 mètres et celle de déposer des matières inflammables à moins de 20 mètres sont absolues; le préfet ne pourrait pas par un arrêté spécial dispenser de leur observation. Les distances déterminées pour ces deux servitudes, comme pour celles dont nous allons parler, peuvent être réduites mais seulement par décrets impériaux rendus après enquête (art. 9). Indépendamment de la réduction des distances, les servitudes dont nous allons parler ont ce caractère que le préfet peut, par. un arrêté, lever les interdictions d'une manière complète.

Ainsi l'art. 6 dit que dans les localités où le chemin de fer se trouvera en remblai de plus de 3 mètres au-dessus du terrain naturel, il est interdit

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