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qu'ils les avaient plantés. En ce cas, ils en auraient la propriété comme pour les arbres qui sont plantés sur le sol de la route dont au reste le fossé fait partie.

3. Les propriétaires riverains du fossé ont, à une certaine époque, eu à supporter trois servitudes d'utilité publique au sujet des fossés : 1° l'établissement du fossé sur leur terrain. Avant la révolution, il était de règle sans doute que l'établissement des fossés était à la charge du trésor public'. Mais, par exception, une ordonnance du 17 juillet 1781 avait disposé, pour la généralité de Paris, « que les seigneurs, propriétaires, lo<< cataires ou fermiers de terres labourables, prés, vignes, bois et autres héritages aboutissant auxdites grandes routes et chéneaux, seront tenus de les « border de fossés hors des largeurs fixées, lesquels «fossés auront six pieds de largeur dans le haut, deux

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pieds dans le bas et trois pieds de profondeur, en « observant les talus et pentes nécessaires pour l'écou<«<lement des eaux. » Cette exception emportée par la révolution, n'a plus été rétablie, de sorte qu'aujourd'hui il est de règle absolue que l'établissement des fossés est à la charge de l'État, du département ou de la commune 2. La règle est la même pour les chemins vicinaux que pour les routes impériales ou départementales. Seulement le préfet peut, en matière vicinale, prendre un arrêté d'élargissement qui, sans

1 Arrêt du conseil, du 3 mai 1720.

2 Quoique les riverains ne soient pas tenus de faire les fossés, les autorités chargées de donner les alignements pourraient faire reculer de manière à laisser un espace suffisant pour établir ultérieurement les fossés, sauf à payer la valeur du terrain lors de la prise de possession. Arr. Cous. d'E¿., du 18 août 1842 (aff. Brunet).

expropriation, prendra le terrain nécessaire aux fossés (art. 15 de la loi du 21 mai 1836). La même faculté n'est pas applicable aux routes impériales ou départementales; le préfet pourrait seulement, dans les portions où on lui demande un alignement, faire reculer jusqu'aux limites fixées par le plan général, mais, outre que cet élargissement suppose une demande d'alignement par le riverain, la prise de possession ne pourrait pas être faite sans juste et préalable indemnité.

La largeur des fossés était déterminée par les anciens règlements. Aujourd'hui ces règles ne sont plus en vigueur, et c'est l'administration qui, suivant les besoins, fixe quelle doit être la largeur des fossés, besoins qui dépendent d'une foule de circonstances locales.

4. 2° La deuxième servitude consistait en ce que les propriétaires riverains étaient obligés de pourvoir au curage des fossés. Cette charge, que la loi du 9 ventôse an XIII faisait supporter par l'État, était redevenue une obligation des particuliers en vertu de l'art. 109 du décret du 16 décembre 1811; mais la loi du 12 mai 1825 en déchargea les riverains, et l'administration a depuis lors été obligée d'y pourvoir.

Le curage des fossés le long des chemins vicinaux n'est pas non plus à la charge des propriétaires riverains, et il y est pourvu avec les ressources qui ont été créées pour l'établissement et l'entretien des chemins'.

5. 3° Les riverains étaient obligés de supporter le rejet des terres provenant du curage des fossés. La loi

1 V. instruction ministerielle du 24 juin 1836.

du 12 mai 1825 garde le silence sur cette troisième servitude, ce qui soulève la question de savoir si elle a été maintenue ou si son abrogation ne résulte pas de la suppression de l'obligation du curage. Si les rédacteurs de la loi du 12 mai 1825 avaient entendu abroger la servitude de rejet des terres, ils l'auraient dit, et jamais application plus décisive n'a pu être faite de la maxime: Qui dicit de uno negat de altero. Il est vrai que cet argument n'est qu'une raison à contrario, mais cette manière de raisonner a une grande force toutes les fois qu'il conduit, comme dans l'espèce. au maintien d'une disposition existante. Cette servitude, au reste, est dans la pratique moins lourde qu'on ne le croit; car on ne fait supporter aux riverains que le rejet des terres végétales, de celles, par conséquent, qui sont utiles à la fertilité du sol. Quant aux cailloux, ils sont employés à fermer les ornières des routes, et les terres graveleuses servent à réparer les accotements'. Ce n'est là cependant qu'un tempérament de fait; car, en droit, le propriétaire riverain est obligé de supporter le rejet de tout ce qui vient du curage, même les cailloux et graviers 2.

1 Annales des ponts et chaussées de 1839, article de M. Doyat.

2 En 1840, les habitants d'Anacourt (Vosges) présentèrent à la Chambre une pétition par laquelle ils demandaient la suppression de la servitude du rejet des terres. La Chambre, sur la proposition de la commission, ordonna le renvoi de la pétition aux ministres des travaux publics et de l'intérieur (Moniteur des 8 février et 30 mai 1840). V. dans le sens enseigné au texte : Cotelle, t. III, no 218, § 13; Husson, t. II, p. 9; Jousselin, Servitudes d'utilité publique, t. II, p. 327; Duvergier, Recueil des lois, 1825, note sur l'art. 2 de la loi du 12 mai 1825; Féraud-Giraud, Servitudes de voirie, t. II, p. 240. - V. contrà, Dufour, 1TM édit., t. IV, no 2898, et Journal des communes, t. X, p. 356.

6. Écoulement des eaux des routes.

D'après l'art. 640 C. Nap., le propriétaire du fonds inférieur est tenu de recevoir les eaux qui découlent du fonds supérieur naturellement et sans que la main de l'homme y ait contribué. La route étant construite de main d'homme, et sa chaussée étant disposée à dos d'âne pour faciliter l'écoulement des eaux, l'art. 640 C. Nap. n'obligerait pas les riverains à recevoir les eaux de la voie publique; ils y sont tenus en vertu d'anciens règlements, et notamment de l'ordonnance du bureau des finances, du 29 mars 1754, art. 6, dont la disposition a été reproduite par l'art. 8 d'une autre ordonnance du même bureau, en date du 17 juillet 1781. Ces ordonnances sont encore en vigueur par suite de la sanction qui a été donnée, après 1789, aux anciens règlements sur la voirie.

Quant aux chemins vicinaux, l'art. 21 de la loi du 21 mai 1836 donne aux préfets le droit de régler tout ce qui concerne l'écoulement des eaux, et le règlement-modèle de 1854, art. 342 et 343, après avoir disposé que l'art. 640 du C. Nap. serait applicable aux propriétés riveraines situées en contrebas des chemins vicinaux, ajoute : « Les maires, en donnant les autorisations de construire ou reconstruire le long des chemins vicinaux, devront stipuler les réserves et conditions nécessaires pour garantir le libre écoulement des eaux, sans qu'il en puisse résulter de dommages pour ces chemins. » Lorsque les propriétés riveraines ne sont pas en contre-bas, et qu'il n'y a pas une pente suffisante pour l'éoulement des eaux, on y pourvoit soit par des pentes artificielles,

soit par l'établissement de puits sur les côtés. Les maires doivent, pour faire ces pentes artificielles et ces puits, s'entendre autant que possible avec les propriétaires et traiter à l'amiable. S'ils ne peuvent pas traiter de gré à gré, les terrains seront occupés conformément à l'art. 16 de la loi du 21 mai 1836, c'est-à-dire après déclaration d'utilité publique par le préfet et moyennant juste et préalable indemnité. (V. art. 344 et 345 du règlement-modèle.)

7. L'administration a le droit de prendre les mesures qui seront propres à assurer le libre écoulement des eaux de la route; mais si la disposition qu'elle donne aux lieux avait pour effet d'aggraver la servitude, le riverain pourrait réclamer une indemnité, et comme le préjudice résulterait de l'exécution de travaux publics, la question d'indemnité serait de la compétence du conseil de préfecture. Le conseil appréciera, suivant les circonstances, si la charge imposée aux propriétaires n'est que l'exercice normal du droit d'écoulement des eaux ou si elle constitue une aggravation qui donne droit à une indemnité.

8. Les propriétaires riverains ont-ils réciproquement le droit de faire couler les eaux de leurs fonds sur la voie publique? L'art. 681 C. Nap. porte que « tout propriétaire doit établir les toits de manière « que les eaux pluviales s'écoulent sur son terrain ou « sur la voie publique; il ne peut les faire verser sur « le fonds de son voisin. » Il résulte de cet article que

1 Grandvaux, Code pratique des chemins vicinaux, t. II, p. 168.

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