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90. Les propriétés voisines des places de guerre ont à supporter des servitudes qui deviennent plus légères à mesure qu'on s'éloigne de la place. Les terrains sont, en conséquence, divisés en trois zones, dont la première s'étend à 250 mètres, la seconde du 250 mètre au 487 et la troisième du 487 au 974. Dans la première zone, on ne peut bâtir ni reconstruire aucune maison ou clôture quelconque, à l'exception des clôtures en haie sèche ou en planches à claire-voie, sans pans de bois ni maçonnerie. La loi n'autorise que les haies sèches, ce qui implique l'interdiction formelle des haies vives et des plantations d'arbres ou arbustes. Il n'y a d'exception que pour les travaux ou constructions tolérés par le ministre de la guerre'. Dans la deuxième zone, toute construction en maçonnerie ou en pisé est interdite. Les propriétaires peuvent seulement y élever des bâtiments et clôtures en bois et en terre, sans employer la pierre ni la brique, même la chaux ni le plâtre, autrement qu'en crépissage, et à la condition de les démolir, immédiament et sans indemnité à la première réquisition de l'autorité militaire, dans le cas où la place, déclarée en état de guerre, serait menacée d'hostilités. Enfin, dans la troisième zone, on ne peut faire aucun chemin, aucune levée ni chaussée, aucun exhaussement de terrain, aucune fouille ou excavation, aucune exploitation de carrière, aucune construction au-dessus du niveau du sol, avec

1 Loi des 8-10 juillet 1791, art. 30, 31 et 32; loi du 7 juillet 1819, art. 3 et 4, et décr. du 1853, art. 5 et 7.

2 Loi des 8-10 juillet 1791, art. 30, 31 et 32; art. 4 de la loi du 17 juillet 1819 et 8 du décret du 10 août 1853,

ou sans maçonnerie, enfin aucun dépôt de matériaux ou autres objets, sans que leur alignement et leur position n'aient été concertés avec les officiers du génie, et que, d'après ce concert, le ministre de la guerre n'ait déterminé ou fait déterminer par un décret les conditions auxquelles les travaux doivent être assujettis dans chaque cas particulier'.

91. Les servitudes de la première zone sont les seules qui soient applicables aux fortifications de Paris (art. 8 de la loi du 3 avril 1841), tant aux forts détachés qu'à l'enceinte continue 2. Quant aux postes militaires de deuxième classe, ils ont cela de particulier qu'autour d'eux la troisième zone ne s'étend qu'à 584 mètres au lieu de 974.

92. D'après le principe que les servitudes légales ne donnent pas lieu à indemnité lorsqu'il n'y a pas de disposition qui en fasse formellement la réserve, l'établissement d'une place de guerre ne peut pas servir de fondement à une demande de dommages-intérêts pour les propriétaires grevés de servitudes militaires. Cette raison générale se fortifie des motifs particuliers qui suivent 1° Il serait difficile d'apprécier le dommage à réparer, parce que, pour grossir l'indemnité, les propriétaires assujettis ne manqueraient pas de prétexter des projets de constructions, même quand ils n'avaient

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Loi du 17 juillet 1819. Il a été jugé que cette loi est en vigueur quoiqu'elle n'ait pas été votée par la majorité qu'exigeait la charte de 1814. Arr. du Cons. d'Ét. du 2 décembre 1853 (aff. Massois). - L'exercice de la servitude n'est subordonné qu'à la publication du classement exigé par l'art. 76 de l'ord. du 1er avril 1821. - V. arr. du Cons. d'Ét. du 21 septembre 1827 (aff. Castre),

Les fortifications de Paris ont été classées parmi les places de guerre, en vertu de la loi du 10 juillet 1851 et du tableau annexé à ladite loi.

aucun projet d'en élever. 2o Le décret du 10 août 1853 prévoit spécialement certains cas où il y a lieu à indemnité, et dans cette énumération ne se trouve pas la servitude défensive. L'indemnité n'est due que s'il y a ordre de supprimer certaines constructions, occupation de terrains, ou dommage matériel; mais l'indemnité formellement accordée pour ces cas exclut l'idée de réparation pour la servitude non ædificandi dans les zones autour des places de guerre1.

93. Les contraventions à la loi du 17 juillet 1819 sont, d'après l'art. 11 de cette loi, poursuivies et punies conformément à la loi du 29 floréal an X, c'est-à-dire comme en matière de grande voirie. Par conséquent,

1 Cette opinion fut reconnue vraie à la Chambre des députés lors de la discussion de la loi du 3 avril 1841 sur les fortifications de Paris. (V. Moniteur du 14 janvier 1841, colonne 3.) Le Conseil d'État a jugé en ce sens. V. arr. du Cons. d'Ét. des 23 juillet 1841 (aff. Lahirigoyen), 24 juillet 1854 aff. Trézel) et 5 février 1857 (aff. Bléville). Serrigny, Organisation et Compétence, t. II, p. 485 et suiv. Foucart, t. II, no 52, et Delalleau, Traité de l'expropriation publique, n° 39, ont adopté le principe du droit à une indemnité. Pour ceux qui adoptent cette manière de voir, il y a lieu de se demander quelle est la juridiction compétente pour statuer sur la demande en indemnité. La jurisprudence décide que la réclamation doit être portée devant le ministre de la guerre, sauf recours au Conseil d'État, et non devant le conseil de préfecture en première instance. Arr. du Cons. d'Ét. des 7 avril 1833 (aff. Guerlin), 31 décembre 1844 (aff. Arnould) et 14 août 1852 (aff. André et Riéder). La raison de cette jurisprudence est tirée de ce que le conseil de préfecture n'est qu'un juge d'exception, tandis que le ministre est le juge ordinaire du contentieux administratif. Or aucun texte n'attribue au conseil de préfecture la connaissance des demandes en indemnité fondées sur les servitudes dont l'érection d'une place de guerre grève les propriétés voisines. M. Serrigny se prononce pour la compétence des conseils de préfecture, Organisation et compétence administratives, t. II, p. 489.

Quant à l'indemnité qui est due pour dépossession, démolition d'édifices et pour privation de jouissance, elle devait, d'après l'art. 15 de la loi du 17 juillet 1819, être réglée par les tribunaux civils conformément à la loi du 8 mars 1810. La compétence des tribunaux civils est aujourd'hui remplacée sur ce point par celle du jury, d'après les lois des 7 juillet 1833 et 3 mai 1841.

la répression appartient au conseil de préfecture, et le conseil pourra prononcer, indépendamment de la démolition des travaux, une amende de 16 à 300 fr. Elles sont constatées par les gardes des fortifications, et, même en vertu de dispositions expresses, les procès-verbaux des gardes du génie font foi, en cette matière, jusqu'à inscription de faux (loi du 29 mars 4806, art. 2, et décret du 10 août 1853, art. 40). Ces procès-verbaux doivent être affirmés dans les vingtquatre heures devant le juge de paix ou le maire (déer. du 10 août 1853, art. 10); car ils sont assimilés aux procès-verbaux des gardes forestiers (art. 2 de la loi du 29 mars 1806).

CHAPITRE TRENTE-SEPTIÈME.

DES MANIÈRES D'ACQUÉRIR.

Sommaire.

94. Observations générales.

95. Différence entre la notion d'impôt et celle de contribution. 96. Contributions directes et contributions indirectes.

94. Entre autres critiques qui ont été faites sur notre plan, nous avons remarqué celle que plusieurs écrivains ont été d'accord pour adresser à notre classification de l'impôt. La majorité de ceux qui nous ont fait l'honneur d'examiner notre méthode se sont récriés sur la place que nous donnions à cette matière. L'impôt, ont-ils dit, n'est pas une manière d'acquérir la propriété, puisque les ressources qu'il procure au trésor sont destinées aux dépenses publiques. L'argent des contribuables en effet ne fait que passer dans la caisse publique, et en sort immédiatement pour payer les traitements, les arrérages de la dette ou les fournitures. L'impôt n'est même légitime que dans la mesure de la dépense et, par conséquent, il ne sert pas à augmenter le patrimoine de l'État, mais seulement à

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