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éteindre son passif. On ajoute enfin que la classification de l'impôt comme manière d'acquérir a l'inconvénient de rapetisser la matière, et de réduire tout notre système de finances aux proportions d'une division du droit privé.

Il est vraiment extraordinaire que des juristes refusent de classer l'impôt parmi les manières d'acquérir, parce que son produit est destiné à payer les dépenses publiques. Si l'objection était fondée, celui qui a un passif supérieur à son actif ne serait pas propriétaire des biens qui forment son patrimoine. Que dans le langage de la conversation on dise que cet homme n'a rien, cela se comprend aisément parce que ceux qui emploient cette locution envisagent le résultat final. Mais que des jurisconsultes disent qu'il n'y a pas acquisition de la propriété, j'ai de la peine à le concevoir. Celui qui emprunte à Pierre, pour acquitter une dette envers Paul, n'acquiert donc pas la propriété des deniers et n'en est pas propriétaire dans l'intervalle qui sépare l'emprunt du payement. Cependant l'emprunt est un contrat que le droit civil classe parmi les manières d'acquérir; car, aux termes de l'art. 711 du C. Nap., la propriété s'acquiert par l'effet des obligations. Il en est de même de l'impôt. Quoique son produit soit destiné à payer les dépenses publiques, il fait acquérir, au moins transitoirement, la propriété à l'État, et cela suffit pour justifier notre classification. Quant à l'importance de la matière, il est facile de répondre que chaque matière a son importance d'après sa nature et non d'après le rang qu'elle occupe ni d'après le moment où elle est traitée. Pourvu que les

développements nécessaires ne soient pas écourtés, il n'y a aucune objection à faire contre la place donnée à une matière, si d'ailleurs elle lui est logiquement attribuée.

95. L'impôt, dans l'ancien régime, était considéré comme un revenu de la couronne, comme une part attribuée au roi sur le produit des propriétés privées ou même comme un droit éminent appartenant au souverain sur les terres, dont les particuliers étaient censés n'avoir que la détention emphytéotique, en vertu de concessions présumées. Le mot impôt exprimait assez bien cette notion, puisqu'il suppose l'idée d'un acte d'autorité sur les sujets. Le terme récent de contribution correspond, au contraire, à la notion de parties intéressées qui s'entendent pour supporter une dépense commune. C'est la dénomination naturelle à employer sous un régime qui exige que la nation vote l'impôt par ses représentants. Au fond cependant la différence n'est pas aussi grande qu'elle apparaît au premier abord. Même avant 1789 il était admis, au moins en principe, sinon en réalité, que les impôts nouveaux ne pouvaient pas être établis sans le consentement des états généraux. C'est donc principalement dans le contrôle des dépenses publiques que consiste la différence; il n'y avait avant 1789 aucun contrôle par le pays, tandis qu'aujourd'hui les comptes de dépenses sont soumis à l'approbation législative. Quant à l'impôt, il était levé, sous l'ancien comme sous le nouveau régime, en vertu d'une loi. Seulement la forme de la loi a varié, et le régime représentatif a succédé à la monarchie absolue ou presque absolue.

Le mot contribution a été substitué à celui d'impôt pour exprimer le concours de la nation au vote du budget, concours qui est aujourd'hui la règle constante, tandis que sous l'ancien régime on ne l'employait qu'à la dernière extrémité et lorsque la royauté aux abois avait besoin de ressources nouvelles. Au reste, le mot impôt et le mot contribution sont employés aujourd'hui indistinctement, et ceux même qui portent le plus haut les droits de la nation, en cette matière, ne se préoccupent pas d'adopter une expression à l'exclusion de l'autre.

96. Nous ne dirons pas ici quelle est la portée, au point de vue économique, de la division des contributions en directes et indirectes. Ce côté de la question a été traité par nous dans d'autres ouvrages'; nous rechercherons le principe de cette distinction au point de vue du droit administratif. Les contributions directes sont celles qui peuvent être exigées contre les redevables en vertu de titres qu'on appelle rôles nominatifs et qui sont exécutoires contre eux nominativement. Le contribuable n'est cependant tenu qu'en qualité de détenteur et propter rem. Il pourrait donc, en abandonnant la propriété qui est l'occasion de la contribution, se libérer de l'impôt; mais tant qu'il la détient, il est tenu d'acquitter l'impôt, à peine de poursuites. La contribution indirecte, au contraire, est anonyme; elle est exigible à l'occasion de certains faits imposables, et au moment où ces faits se produisent, sans aucune relation avec le nom de la per

1 MÉLANGES D'ÉCONOMIE POLITIQUE, Mémoire sur l'Impôt avant et depuis 1789. NOUVEAU COURS D'ÉCONOMIE POLITIQUE, t. II, leçon 48 et suiv.

sonne. Ainsi celui qui introduit dans une ville des denrées soumises au droit d'entrée est obligé de payer la taxe, qu'il soit ou non propriétaire. Les agents du trésor në lui demandent pas son nom, et ils taxent le fait de l'entrée au moment où il se produit, quelle què soit là personne qui se présente pour faire l'introduction.

DE L'IMPÔT.

CONTRIBUTIONS DIRECTES.

Sommaire.

97. Énumération des contributions directes.

Les contributions directes sont au nombre de quatre: 1 la contribution foncière; 2° la contribution personnelle mobilière; 3° la contribution des portes et fenêtres; 4 la contribution des patentes. Les unes sont des contributions de répartition et les autres des' taxes de quotité. L'impôt de répartition a ce caráctère que son produit total est connu d'avance, et que la somme ainsi fixée est divisée et subdivisée par des opérations successives jusqu'à ce que la part individuelle à supporter par chaque contribuable soit déterminée. On pourrait comparer cet impôt à la souscription d'une somme déterminée par plusieurs personnes réunies qui concourraient à la formation de cette somme proportionnellement à leurs moyens. Au contraire, l'impôt de quotité est perçu en vertu d'un tarif, et son produit total dépend du nombre de fois qu'il y aura lieu de l'appliquer. L'application du tarif est plas

ou moins fréquente suivant que les faits imposables sont plus ou moins nombreux. Or cette fréquence dépend de l'activité de la consommation, et la consommation est plus ou moins active, selon les circonstances de temps et de lieu. En temps de révolution ou de crise soit politique, soit commerciale, la consommation et les affaires se resserrent. Aussi le produit des contributions de quotité diminue-t-il brusquement, tandis que le produit des contributions de répartition demeure stationnaire.

On a combiné, dans notre système financier, les contributions à revenu fixe avec les contributions à produit variable. Il est évident que toutes les contributions indirectes sont de quotité. La division ne s'applique donc qu'aux contributions directes; ce sont les seules qui puissent être subdivisées de cette manière. Au nombre des impôts de répartition sont l'impôt foncier, l'impôt personnel mobilier et l'impôt des portes et fenêtres. Les patentes sont une contribution directe de quotité.

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