Page images
PDF
EPUB

pays, la majorité, si faible qu'elle fût, emporterait la totalité des nominations. Dans la pratique, il s'établit, d'un collège à l'autre, une certaine compensation, mais le résultat en est purement aléatoire, et le hasard y joue un si grand rôle qu'il pourrait même arriver qu'une minorité assez faible obtint la majorité dans le Parlement. Supposons,

51

51

en effet, qu'un parti réunisse les des voix, dans les des collèges,

100

100

26 sans en avoir aucune dans les autres; il n'aura en tout que les du 100 51 100

nombre total des votants, et cependant il emportera les des siéges, c'est-à-dire la majorité.

On n'a proposé jusqu'à présent, pour remédier à cet inconvénient, que des procédés peu pratiques. Celui que nous allons exposer, tout en étant simple dans l'exécution, assurerait la représentation proportionnelle des différentes opinions. Voici quelle serait la manière de procéder.

Le pays étant divisé en grandes circonscriptions comme pour le scrutin de liste ordinaire, les électeurs seraient invités à inscrire les noms des candidats sur leurs bulletins, non plus au hasard, mais par ordre de préférence.

Dans chaque bureau électoral, le dépouillement serait fait séparément, pour les noms placés en première ligne, puis en seconde ligne, puis en troisième, etc.

Au chef-lieu de la circonscription, on ferait l'addition de ces différents dépouillements, et on proclamerait élu tout candidat ayant obtenu au premier rang, une fraction du nombre total des voix émises, inver 1 sement proportionnel au nombre des députés à nommer, s'il y a dix 10

députés, s'il y en a sept, etc., etc.

On ferait ensuite l'addition des voix données dans les deux premières lignes réunies des bulletins, et on proclamerait également élus, les can1 didats ayant réuni du nombre des suffrages, s'il reste huit députés à 8

1 nommer, s'il en reste cinq, etc., etc., défalcation faite de ceux qui 5

ont été proclamés après le dépouillement de la première ligne seule.

La même opération serait faite successivement sur l'ensemble des trois premières lignes, puis des quatre premières, et ainsi de suite, en exigeant chaque fois un nombre de voix croissant en proportion inverse du nombre de députés restant à élire après chaque nouveau dépouille

ment,

Si, au bout d'un certain nombre d'opérations, il s'en trouvait une qui donnât plus de candidats remplissant cette condition qu'il ne resterait de sièges à pourvoir, la majorité relative prononcerait entre eux.

Si, au contraire, après le dépouillement de toutes les lignes, il restait encore un ou plusieurs sièges vacants, aucun des candidats ne réunissant le nombre de voix nécessaire, ces siéges seraient attribués aux candidats ayant obtenu la majorité relative sur l'ensemble des votes émis. Ce dernier cas se présenterait toutes les fois qu'après le dépouillement d'un certain nombre de lignes, on arriverait à n'avoir plus qu'un seul député à élire, car il faudrait alors, pour suivre la même loi, qu'il réunit l'unanimité des suffrages.

Nous allons rendre notre idée plus claire par un exemple. Supposons que dans une circonscription ayant dix députés à élire, il y ait trois listes en présence, réunissant, l'une 50 0/0 des suffrages exprimés (liste A), l'autre 30 0/0 (liste B), et la troisième 20 0/0 (liste C).

1

10

Au dépouillement de la première ligne, il ne faut pour être élu que

du nombre des voix émises; les trois candidats portés en tête seront donc élus. Il restera sept siéges à pourvoir; il faudra au second dé1 7

pouillement, ou 14,3 0/0 du nombre des votants, et les trois listes

feront passer les candidats inscrits en deuxième ligne. Mais au dépouil

lement collectif des trois premières lignes, il faudra obtenir

1

높이

ou 25 0/0

des voix; la liste C ne compte pas assez d'adhérents pour cela, et les candidats placés en troisième ligne sur les deux autres listes seront seuls élus. Il restera encore deux députés à nommer: la liste A seule pouvant arriver à réunir la moitié des voix, son quatrième candidat sera élu, et elle obtiendra également le dernier siége à la majorité relative. Elle comptera donc en tout cinq nominations, pendant que la liste B on obtiendra trois, et la liste C, deux, nombres proportionnels à ceux de leurs adhérents.

Le principe très- simple de ce système étant clairement établi, il est facile d'étudier, en supposant la lutte établie entre plusieurs listes distinctes, quel nombre de siéges sera dévolu à un nombre quelconque d'adhérents. Les calculs que j'ai faits en supposant l'existence de deux, trois, quatre et même cinq listes, aboutissent toujours au même résultat proportionnalité presque toujours rigoureusement exacte, et écart maximum d'un siége sur dix, dans les hypothèses les plus forcées. Je ne puis donner ici tous ces calculs. Je me contenterai de citer au hasard un des nombreux tableaux que j'ai établis.

Dans une circonscription ayant dix députés à nommer, s'il y a trois

listes en présence et que l'une d'elles, la liste C, réunisse 30 0/0 des suffrages, l'une des deux autres obtiendra les nombres suivants de nomi

nations, d'après le chiffre de ses adhérents.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

La liste C de son côté, aura toujours trois nominations, sauf lorsqu'une des deux autres réunira moins de 10 0/0 des voix; dans ce cas, la liste C obtiendra un siége de plus.

On voit que l'exactitude est aussi rigoureuse qu'on peut le demander. La liste C obtient seulement un léger avantage, lorsque les voix données à l'une des deux autres se trouvent perdues, le nombre de ces voix n'étant pas suffisant pour emporter une nomination. Il est clair que dans ce cas, les listes principales doivent, en effet, bénéficier des sièges correspondant aux voix perdues.

J'ai étudié directement l'influence exercée sur la répartition des sièges par un certain nombre de voix perdues, en ayant soin de calculer le nombre des nominations revenant à chaque liste, proportionnellement, non plus au nombre total des voix émises, mais au nombre des voix utiles. Les résultats sont toujours de même nature. Pour en donner un exemple, supposons que, dans les mêmes conditions que plus haut, il y ait 20 0/0 de voix perdues; voici le tableau qui s'établit dans ce cas.

[merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][ocr errors][ocr errors][ocr errors][ocr errors][merged small][ocr errors][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

La liste C avec ses 30 0/0 de voix (35, 7 0/0 des voix utiles) aura comme plus haut trois ou quatre nominations; elle en atteindra cinq, lorsque les deux autres listes, se répartissant à peu près également les 50 0/0 de voix restantes, seront toutes les deux au-dessous de 30 0/0. Cela tient à ce que les derniers sièges sont donnés à la majorité relative,

Il y a, du reste, un certain avantage à mieux asseoir une majorité peu accentuée,

Il ne faut pas croire, d'ailleurs, que pour arriver à une exacte réparti tion proportionnelle, il faille toujours donner à chaque parti le nombre de députés dont la proportion du chiffre de ses adhérents le rapproche le plus deux, s'il a pour lui 15 à 25 0/0 du nombre des votants, trois, s'il en a de 25 à 35 0/0, etc., etc. Il est facile de voir qu'on arriverait ainsi à donner quelquefois un ou deux députés de plus ou de moins qu'il n'en revient à la circonscription, lorsque le nombre des adhérents des différents partis se rapprocherait de l'une ou de l'autre des deux limites. L'écart autour du nombre de voix mathématiquement proportionnel doit donc s'étendre quelquefois assez loin.

J'ai dû examiner également le cas où un même parti, au lieu de concentrer ses voix sur une seule liste, les disperserait sur plusieurs portant les mêmes noms dans un ordre différent. Il peut arriver, dans ce cas, que le même parti fasse passer plusieurs candidats dès le dépouillement de la première ligne, et il semble qu'il doit en résulter un avantage pour lui. Mais cet avantage disparaît aux dépouillements suivants. Les candidats élus ainsi étant évidemment les plus influents et les plus estimés de leur parti, leurs noms se retrouveront à la 2me ou à la 3me ligne de presque tous les bulletins qui ne les auront pas portés à la première, et ne laisseront plus assez de voix libres pour faire passer de nouveaux candidats. J'ai fait à ce sujet une grande quantité de calculs qu'il m'est impossible de reproduire ici; ils m'ont clairement démontré que pour arriver à obtenir ainsi un siége seulement de plus qu'il ne lui en revient, il faudrait qu'un parti pût faire dans la répartition des voix de ses adhérents, des prodiges de tactique complètement inexécutables avec un collége de plusieurs milliers d'électeurs.

Ce système de scrutin présenterait donc une supériorité incontestable sur ceux en usage actuellement, par l'exacte répartition proportionnelle sur laquelle il permet de compter d'une manière presque absolue. Mais ce ne serait pas là son seul avantage.

Le scrutin uninominal entraîne avec lui des luttes personnelles passionnées, en particulier dans les petites villes. La division pénètre dans la société, et même dans les familles. Au lieu de tendre vers la conciliation, on voit s'accentuer l'antagonisme des partis, et par suite, la tendance à reléguer au second rang l'intérêt général du pays. Le mode que nous proposons, étant un scrutin de liste, ne présente ce danger que dans une bien moindre mesure.

Le scrutin de liste ordinaire partage avec le scrutin uninominal un autre inconvénient. C'est celui d'obliger les électeurs à une discipline absolue, sous peine de voir leur vote rester inutile. C'est toujours entre

deux noms ou entre deux listes fixées d'avance par des comités que s'établit la lutte. Tout vote émis en dehors de ces premiers choix est une voix perdue. De là souvent le grand nombre des abstentions. L'électeur ne trouvant pas, parmi les noms présentés à son choix, ceux à qui il désirerait donner son suffrage, ne se dérange pas pour aller porter dans l'urne un bulletin qu'il sait devoir être inutile. D'autres, certains que la liste qui a leurs préférences obtiendra une forte majorité, ne se donnent pas la peine d'aller lui apporter une voix de plus.

Dans le système que nous proposons, au contraire, chaque électeur sera puissamment incité à prendre part à la lutte électorale. Les adhérents des partis peu nombreux, sachant qu'il suffit pour être élu au premier dépouillement, de réunir une assez faible fraction du nombre total des voix, auront l'espoir d'obtenir au moins une nomination en réunissant leurs votes pour porter le même nom en première ligne. Les adhérents des partis puissants n'auront plus seulement à faire prévaloir une liste de noms, dont ils connaissent quelquefois à peine la moitié, et pour lesquels cependant leur voix pèse du même poids; ils pourront, dans cette liste, faire un classement efficace et intervenir ainsi d'une manière plus personnelle dans le choix de leurs mandataires. La lutte deviendra donc plus intéressante pour tous, et les abstentions seront, par suite, plus rares.

De cette intervention plus effective des électeurs dans le choix des candidats, résultera un autre avantage important: c'est que le choix sera mieux fait. Lorsqu'une liste est composée par un comité peu nombreux, comme cela se passe forcément avec le scrutin de liste ordinaire, à côté des noms estimés et influents qui en font le succès, il s'en glisse toujours quelques-uns peu connus dans le pays, mais que des influences personnelles, des amitiés, des intrigues, des articles bruyants dans les journaux, font accoler aux autres. La liste faite, l'électeur est obligé de l'adopter en bloc, et ces noms passent à la faveur des premiers. Ce fait bien connu a été la base la plus sérieuse des attaques subies par le scrutin de liste, et on a baptisé ces candidats du nom de remorqués.

Il n'en sera plus de même lorsque dans les listes présentées par les comités, chaque électeur pourra faire lui-même son triage, et mettre en première ligne les noms qu'il préfère. Pour peu que les partis opposés enlèvent quelques nominations, les premiers noms seuls passeront, et les remorqués, relégués au dernier rang, resteront sur le carreau.

On verra ainsi l'accès du Parlement ouvert à des hommes de haute valeur, assez estimés dans la contrée qu'ils habitent pour être portés en première ligne par leurs concitoyens, mais ayant une notoriété trop peu étendue pour obtenir la majorité des suffrages dans un département,

« PreviousContinue »