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Les électeurs ne pourront accueillir que favorablement un système qui leur donnera une action plus directe sur le résultat des élections. Ils auront ainsi plus de liberté et une plus grande compétence dans le choix de leurs mandataires.

Rien n'empêchera cependant l'emploi des listes imprimées, qui simplifient de beaucoup les opérations électorales. D'après le résultat de tous les calculs dans les hypothèses les plus diverses, la plus sûre tactique pour un parti sera encore de se grouper autour d'une liste unique. Ce sera au comité à la composer avec assez de tact pour qu'elle entraîne la grande majorité du parti, et subisse le moins de modifications possible.

Une seule objection peut être faite à ce système: c'est que le dépouillement des votes sera un peu plus long que dans le scrutin de liste ordinaire. Nous ferons observer tout d'abord que cet inconvénient fût-il beaucoup plus marqué qu'il ne le sera en réalité, il trouverait une ample compensation dans cette considération qu'il n'y aura jamais lieu d'avoir recours à un second tour de scrutin. Il y aurait tout avantage à demander le premier jour aux scrutateurs un peu plus de travail, pour les dispenser d'avoir à recommencer quinze jours plus tard, en dérangeant de nouveau tout le corps électoral.

Mais il est même permis de croire que cette difficulté n'en est pas une, et qu'on pourrait arriver facilement à faire le dépouillement à peu près aussi vite que pour le scrutin de liste ordinaire. Quelle différence y aurait-il, en effet? Tout simplement qu'à l'appel des noms portés sur les bulletins manuscrits, ou sur les groupes de bulletins imprimés semblables, les scrutateurs, au lieu d'inscrire les voix toujours à la suite, en dessous de chaque nom, les inscriraient successivement sur un premier, puis un second, puis un troisième, etc., etc., groupe de lignes préparées à l'avance et correspondant au premier, au second, au troisième, etc., rang sur le bulletin.. L'opération n'en serait nullement allongée. Le seul travail supplémentaire, c'est qu'il faudrait faire plusieurs additions partielles pour chaque candidat, au lieu d'une seule plus longue. Or le temps nécessaire pour ces petites opérations est peu considérable relativement à celui qu'exige le dépouillement lui-même. L'ensemble du travail ne serait donc allongé que dans une faible proportion. On ne peut faire entrer sérieusement en ligne de compte le petit surcroît de calculs très-simples que l'on aurait à faire, en face des avanlages d'une tout autre portée qui en résulteraient pour la valeur da scrutin lui-même.

M. P. VIAL

Agent principal de la Compagnie générale transatlantique.

ORGANISATION RATIONNELLE DE L'ADMINISTRATION DES COLONIES (1)

(EXTRAIT.)

Séance du 26 août 1878.

S'il suffisait naguère de gouverner, ou plutôt d'exploiter les colonies au point de vue très étroit des intérêts de la métropole, cela ne suffit plus maintenant; il faut désormais tenir compte des intérêts, des besoins et des aspirations de tous les habitants des colonies, sous peine d'agitations et de révoltes chaque fois que la métropole se trouve embarrassée dans une crise ou dans un danger quelconque témoin l'Algérie en 1871, et l'Inde en 1858.

En fait de procédé de colonisation dans un pays nouvellement conquis, on peut citer comme modèle la marche adoptée par l'amiral de la Grandière en Cochinchine.

Un même système ne saurait, d'ailleurs, convenir à toutes les colonies; chacune réclame souvent une organisation distincte. Les Anglais, qui ont environ une quarantaine de colonies, leur ont octroyé à peu près autant de constitutions différentes, sans qu'on puisse dire pour cela qu'ils ont réussi à prévenir toute révolte.

Il serait nécessaire d'avoir en France un Conseil supérieur des colonies siégeant auprès du ministre des colonies et ayant des attributions semblables à celles du Conseil d'Etat en matières coloniales, mais avec plus d'initiative. Il examinerait et rédigerait les projets de lois et de règlements concernant les colonies; les pétitions des colons lui seraient soumises, et ses rapports seraient adressés aux Chambres. Mais il ne pourrait intervenir dans les détails de l'administration intérieure de chaque colonie, qui seraient réservés aux administrations locales. Les éléments de ce Conseil supérieur des colonies seraient recrutés parmi les colons, les administrateurs, les magistrats, les militaires, les prêtres, les médecins qui ont vécu dans nos possessions lointaines. Ils seraient nommés par le gouvernement, sur la proposition du ministre de la marine.

Une Commission supérieure, composée des sénateurs, des députés des colonies et de plusieurs officiers généraux, a déjà été nommée pour réviser le régime militaire aux colonies. L'œuvre de cette Commission sera un premier pas, sans doute, vers la révision complète du régime colonial.

En attendant, on peut résumer ainsi le but de toute bonne administration coloniale :

Rechercher le développement de la population, de la moralité et du bien-être dans les colonies.

(1) Le travail in extenso a paru dans la Bibliothèque coloniale et maritime. Challamel, éditeur

à Paris.

Le principal moyen pour atteindre ce but est l'assimilation par l'instruction. En outre, les habitants et les gouvernants de la métropole doivent faire tous leurs efforts pour bien connaître leurs colonies, et en même temps pour initier à leur langue, à leurs idées et à leurs mœurs les habitants des possessions loinlaines.

En n'y comprenant pas l'Algérie, nos colonies de Cochinchine, des Antilles, du Sénégal, de l'Inde, de la Guyane, de l'océan Pacifique et de Terre-Neuve, comptent ensemble près de 2,500,000 habitants. L'ensemble de leurs budgets représente 34 millions de francs, dont 14 millions pour la Cochinchine seule. En outre, l'État dépense pour leur entretien et leur protection plus de 20 millions, sans compter 6 millions pour le système pénitentiaire, et non compris les dépenses militaires du service maritime aux colonies. Les dépenses totales faites aux colonies ou pour les colonies, pour leur garde et leur administration, s'élèvent à 71 millions, non compris les budgets des municipalités. Cette somme considérable est administrée avec une rigoureuse probité, mais non pas employee aussi utilement qu'elle pourrait l'être si le gouvernement était mieux renseigné et guidé par un plus grand esprit de suite.

DISCUSSION

M. HIPPEAU s'associe complétement aux réflexions très-judicieuses de M. Vial; il pense que ce dernier est dans le vrai, mais il est triste, selon lui, de reconnaître que presque partout les conquérants ont fait le contraire et que le plus fréquemment, pour ne pas dire toujours, ils ont montré peu de dispositions à assimiler les populations conquises et à les instruire. En Amérique, par exemple, on semble n'avoir qu'un seul et unique but l'extermination. Il y a toutefois des pays où l'on a compris combien ce régime était vicieux; au premier rang il convient de citer la République Argentine. Ce petit pays qui n'est pas très-peuplé était, il y a quelques années, en contact avec plus de 100,000 Indiens résidant sur les frontières et disposés à se livrer à tous les excès; pour mettre un terme aux pillages et aux ravages on a imaginé de constituer sur les frontières des villages et d'y attirer les indigènes. Tout d'abord on a créé des écoles pour les instruire. De grands résultats ont été ainsi obtenus; les jeunes enfants ont quitté leur existence nomade et ils sont devenus de vrais citoyens de la République Argentine; au lieu d'être entourée de 100,000 ennemis cette dernière voit de jour en jour diminuer le nombre de ces sauvages et s'assimile une population de plus en plus nombreuse. A présent on compte plus de 10,000 Indiens assimilés aux habitants de la République.

M. NOTTELLE après avoir recommandé le commerce avec les indigènes comme un excellent moyen de civilisation, proteste contre la tendance actuelle de demander des colonies à la conquête.

M. VIAL reconnaît que l'on peut abuser du droit de conquête, mais il ajoute que l'on ne peut dire que toutes les colonies ont été acquises par suite d'un vain désir de conquête, car il est des cas où un peuple peut être absolument obligé de s'établir sur un point déterminé.

M. LOYSON ne méconnaît pas les grands résultats que l'on est en droit d'at

tendre de la diffusion de l'instruction parmi les populations conquises, mais il faut avoir soin d'éviter tout ce qui pourrait sembler une tentative de conversion religieuse. Il ne faut pas que sous prétexte d'instruction on se livre à une propagande religieuse et que, comme il l'a vu faire, on demande à de jeunes enfants venus d'Algérie d'abandonner leurs croyances. Cette pratique ne saurait aboutir à des résultats bien certains; de plus elle a le grand tort de mécontenter et d'irriter les indigènes.

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Aux termes du tarif conventionnel actuellement en vigueur (1), les fers finis, laminés, en barres, rails, etc., paient un droit de 6 francs par 100 kilog., soit 60 francs la tonne. Les fers bruts en massiaux ou prismes, retenant encore des scories, paient 4 fr. 50 par 100 kilog., soit 45 fr. la tonne.

Il résulte de ces dispositions que les auteurs du tarif ont classé les fers en deux catégories au point de vue des droits de douane: d'une part, les fers finis; d'autre part, les fers bruts, et qu'ils ont entendu frapper les fers finis d'un droit supérieur à celui des fers bruts. Mais que doit-on entendre par fer fini et par fer brut? Est-ce la forme, la consistance ou l'apparence extérieure qu'il faut envisager? A ne considérer que les termes du tarif, il semblerait au premier abord que ce soit la forme. Les fers se présentent-ils sous forme de massiaux ou de prismes, c'est-à-dire de blocs plus ou moins informes, ils doivent être taxés comme fers bruts. Ont-ils, au contraire, subi une modification de forme quelconque; ont-ils, par exemple, été étirés en barres au laminoir, il faudrait les taxer comme fers finis au droit de 60 fr. Mais dans le commentaire officiel du tarif, note 6, on lit : « C'est moins la forme des »fers que la présence ou absence des scories qui détermine le classement » des produits. Des fers, même en massiaux ou prismes, devraient être assujettis au droit des fers en barres, s'ils étaient purgés de scories; tandis que » des fers passés au cylindre, mais non purgés de scories, suivraient le régime » des massiaux ou prismes retenant encore des scories. Les fers contenant » encore des scories se distinguent par un aspect inégal, rugueux et criqué. »

(1) Cette note était écrite en 1878.

Ce commentaire dissipe toute espèce de doute sur le sens de la distinction

établie par le tarif.

La différence entre les deux classes de fer, telle que l'on vient d'en préciser le sens, est très-marquée et d'une application facile.

Les fers finis soumis au droit de 60 francs par tonne, sont parfaitement soudés; leurs arrêtes sont vives et ne présentent ni criques, ni rugositės, ni pailles; en un mot, ils sont propres, dans l'état où ils se trouvent, à être livrés au commerce. Au contraire, les fers auxquels s'applique le droit de 45 francs sont des matières encore à l'état brut; ils ont toujours besoin d'une préparation complémentaire pour leur donner la forme et les dimensions exigées par le commerce. Que ce soient des massiaux ou des billettes, peu importe; ils présentent tous le caractère commun d'être d'aspect inégal et rugueux; ce n'est qu'une ébauche sortant de l'état de fonte et qui pour devenir propre à la consommation doit passer par le feu de la forge et être soumise à un nouveau travail.

Les fers importés par l'industrie métallurgique française, et provenant en général de la Suède, appartiennent à cette seconde catégorie. Pendant longtemps le caractère de fers bruts ne leur a pas été contesté; mais récemment l'Administration des douanes a soutenu qu'ils devaient être assujettis au droit de 60 francs. La question a été soumise aux commissaires experts institués par le Ministre du commerce. Autrefois ces commissaires statuaient, pour les fers de Suède, dont l'importation en France est considérable, sans autre élément d'appréciation qu'un seul échantillon prélevé par le service des douanes à la gare frontière dans un lot très-souvent considérable; aujourd'hui, conformément au décret du 4 mars 1878, ils entendent contradictoirement deux experts, l'un nommé par l'Administration, l'autre par l'importateur, mais toujours après examen d'un seul échantillon.

Depuis le décret du 4 mars 1878 comme auparavant, les commissaires ont varié dans leurs appréciations sur la catégorie dans laquelle devraient être rangés les fers importés, décidant tantôt pour, tantôt contre les déclarations des maîtres de forges, suivant que les fers leur paraissaient contenir plus ou moins de scories, mais sans observer aucune règle fixe. C'est pour faire cesser ces divergences que la difficulté a été soumise au Comité consultatif des Arts et Manufactures, et à ce propos, l'Administration a émis des prétentions qui tendraient à modifier notableinent la portée de la classification adoptée par le législateur. Il importe de démontrer l'inexactitude de ces prétentions.

Il est un point, tout d'abord, qu'on ne saurait sérieusement contester, c'est que des fers ne peuvent être rangés dans la première classe par cela seul qu'ils ont perdu leur forme primitive de massiaux ou de prismes; la présence des scories, révélées comme l'indique le commentaire du tarif, suffit pour qu'il y ait lieu d'appliquer le tarif réduit de 45 francs par tonne.

Mais il s'est produit un autre système consistant à établir des sous-divisions dans la catégorie des fers retenant des scories, à distinguer entre ceux qui en retiennent plus ou moins, soit à la surface, soit dans toute la masse, les fers dont les scories ne sont qu'extérieures devant, d'après l'Administration, être considérés comme fers finis et soumis au droit de 60 francs.

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