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commerce acquière le développement que la position si favorable de Bordeaux peut produire. Les conditions de navigation, qui en résultent, sont très-inférieures à celles des ports de Londres et d'Anvers.

L'enquête qui a eu lieu en 1874 a montré aux populations intéressées que le tracé de la Garonne comportait sur toutes les barres une profondeur de 5 à basse-mer, qui permettait tous les jours le passage des plus grands navires qu'emploie le commerce. Cette profondeur est supérieure à celles qu'offrent l'Escaut et la Tamise.

La commission d'enquête, instituée en 1874, s'est bornée à demander qu'on réalise au plus tôt le mouillage de 3m50 pour les deux barres placées à la sortie du port et celui de 4m sur les barres suivantes.

Cette amélioration doit suffire pour que les navires employés aujourd'hui ne trouvent plus, que très-exceptionnellement, des causes de retard.

Dans son rapport, présenté le 27 février 1878, la Commission locale du port de Bordeaux a proposé de réaliser ce vœu dans une première période; mais elle a indiqué en même temps que cette amélioration ne peut être stable si ces premiers travaux n'étaient pas suivis d'une seconde période comportant une amélioration complète. Les propositions de la Commission locale ne sont que le développement des conclusions de la Commission d'enquête réunie en 1874, conclusions qui se résument ainsi qu'il suit:

L'unique moyen d'améliorer la Garonne est d'établir les rives suivant des courbes régulières, dont les éléments doivent être déterminés par l'expérience, et, en même temps de donner au fleuve des largeurs graduellement croissantes de la limite où s'arrête la marée jusqu'à l'embouchure.

Le rapport de la Commission d'enquête, qui a indiqué cette règle très-simple, est fondé sur les observations qu'elle a faites sur la Garonne et sur les discussions auxquelles elle s'est livrée. On peut résumer de la manière suivante les considérations qui en font la base.

Le fond du lit de la Garonne est principalement formé, sur une épaisseur de 15 à 20m au-dessous de basse-mer, de sables mobiles contenant des éléments vaseux; dans l'épaisseur de cette couche on trouve, lorsqu'elle n'a pas été remuée depuis longtemps, des bancs de graviers et des bancs de vase produits par des phénomènes antérieurs à l'état actuel.

Le relief du lit résulte de dépôts, plus ou moins réguliers, représentant des bancs et des chenaux de hauteurs médiocres puisque les dénivellations dépassent rarement 3m au-dessus et au-dessous d'un plan moyen situé 450 sous basse-mer.

Sauf dans les moments des étales, toute la surface du fond est cons

tamment enveloppée d'un nuage de sables et de vases mis en mouvement par les tourbillons qui accompagnent les courants du flux et du reflux.

Les matériaux ainsi soulevés sont de diverses dimensions, ils suivent deux modes distincts de déplacement, suivant les relations qui existent entre leurs poids, leurs grosseurs et l'intensité des mouvements de l'eau, sur le point où ils sont plongés.

Les sables très-fins et les vases susceptibles, par exemple, de se tenir en suspension dans des courants de 020 de vitesse par seconde, parcourent successivement de longues étapes qui finissent par les amener à la mer, au large de l'embouchure; quelques-uns se déposent en route sur les bancs qui découvrent et sur les talus des berges, entre les niveaux de haute et de basse-mer.

Les sables plus gros suivent des itinéraires caractérisés par l'intermittence et l'irrégularité de la marche qu'ils accomplissent; ils s'arrêtent à chaque instant sur les accores des bancs, où les mouvements tourbillonnaires viennent les soulever de nouveau, soit de flot, soit de jusant.

Le premier résultat de ces mouvements est de réduire successivement les dimensions de tous les matériaux fournis par la partie supérieure du fleuve et d'en produire finalement le transport dans les grands fonds de la mer. Il faut remarquer, en effet, qu'il s'en arrête très-peu dans la partie du fleuve qui avoisine son embouchure; là on ne trouve que des sables pareils à ceux de la côte. Les sables provenant du haut et qui atteignent les environs de Talmont, par exemple, sont trop fins pour stationner dans ces parages battus par les lames; on ne les rencontre plus qu'à 15 kilomètres au delà de la Pointe de la Coubre, lorsqu'ils trouvent, pour y descendre, des profondeurs dépassant 30m; les plus fins ne s'arrêtent même que dans les profondeurs de 50m et de 75m. Ce fait est très-important à noter; il prouve que la force destructive de la Garonne est plus que suffisante pour la quantité de ses apports; de telle sorte que la gêne de la navigation n'est produite que par un mauvais arrangement des apports et non par leur volume.

Pendant le cours des transports que nous venons de décrire, lesquels constituent une sorte de procession régulière des sables, les mouvements ont lieu alternativement dans les deux sens du flot et du jusant; mais ceux qui sont dans le sens du jusant finissent par dominer, les courants ayant lieu plus longtemps dans ce sens, et la masse d'eau étant plus considérable.

Dès que les matériaux sont soulevés au-dessus du fond par les tourbillons partiels que produisent les courants, ils sont entrainés par frottement suivant le fil d'eau; mais cette force d'entraînement se compose avec celle qui, dans un liquide animé d'un mouvement de rotation, porte

les matériaux solides vers le centre de cette rotation de telle sorte qu'au lieu de suivre la trajectoire plus ou moins rectiligne du fil de l'eau, ils décrivent une courbe qui les rapproche de la rive convexe.

Chaque parcelle de sable est ainsi soulevée par les mouvements tourbillonnaires et suit, tant qu'elle reste en suspension, une trajectoire qui est la résultante de la vitesse du courant et de l'attraction vers le centre de la rotation dont l'élément de courant où elle se trouve placée fait partie. Nous avons même observé que cette trajectoire a la forme d'une volute, quand les courants sont circulaires, c'est-à-dire quand le centre de la rotation, et par conséquent de l'attraction, est un point fixe.

Il sera sans doute possible, en poursuivant cette étude, de déterminer l'intensité moyenne de l'attraction en fonction du rayon et de la vitesse de la rotation; nous n'avons pas encore pu entreprendre ce travail, nous avons seulement remarqué que les plus gros fragments sont toujours ceux qui vont le plus loin et le plus haut sur les accores des bancs, ce qui les laisse toujours les premiers en prise aux tourbillons qui doivent les soulever.

Ainsi la distribution des barres et des rades a toujours lieu, dans un cours d'eau, conformément à l'action moyenne du courant sur les parcelles de sable qui composent le fond, et, par suite, cette répartition dépend uniquement de la forme en plan que présente le cours d'eau.

L'autre circonstance principale qui règle les effets produits est la vitesse du courant, laquelle détermine l'intensité des tourbillons qui se manifestent. On voit, en effet, que la quantité des matériaux soulevés et la force d'attraction qui les entraîne vers les centres successifs des rotations, sont en rapport avec ces vitesses. On s'explique ainsi que les cours d'eau non sujets aux marées arrivant dans les faibles pentes et les grandes sections qui précèdent leurs embouchures, doivent niveler le fond et creuser très-peu de rades profondes. Au contraire, dans les fleuves à marées, le sens des courants change quatre fois par vingtquatre heures, et il s'y produit des vitesses qui dépassent souvent six œuds; il se développe, par suite, des forces capables de creuser des inégalités très-sensibles. Si les reliefs sont disposés d'une manière régulière par suite d'un bon tracé des rives, les passes peuvent offrir à la navigation des conditions très-favorables.

Tous ces effets croissent non-seulement avec l'amplitude de la marée qui dépend du gisement de la côte; mais ils croissent aussi avec l'étendue du fleuve où elle se fait sentir. Le temps d'une oscillation complète étant le même dans toute cette étendue, les mouvements d'eau qui en résultent seront d'autant plus accélérés que la marée pénétrera plus loin. Ces mouvements nécessiteront donc des déplacements d'eau plus considérables dans le même temps et par suite des courants plus rapides.

Comme la marée pénétrera d'autant plus loin que le niveau de bassemer sera plus abaissé sur une grande étendue, les courbes régulières des rives en diminuant les pentes nécessaires à l'écoulement des eaux contribueront de leur côté à accroître la pénétration de la marée.

Le flot se propagera d'ailleurs d'autant plus rapidement que l'espace à remplir n'offrira pas de renflements irréguliers qui retarderaient sa marche en raison du temps nécessaire pour leur remplissage. Cette considération établit que les largeurs doivent décroître d'une manière régulière de l'embouchure jusqu'à la partie supérieure où elles se raccordent avec la largeur naturelle du reste du fleuve.

Si l'on examine les lois de propagation du flot, on arrive aux mêmes conséquences; on voit, en effet, que cette propagation suit la même loi que celle d'une onde et que sa vitesse ne peut s'accroître que si les profondeurs moyennes augmentent.

On peut donc conclure de cet ensemble de considérations que la régularité des rives et celle des largeurs concourent à l'envi aux mêmes résultats, c'est-à-dire à l'augmentation finale des profondeurs générales des passes.

C'est cet avis, formulé le 17 janvier 1876 par la Commission d'enquête à la suite des considérations que nous venons de décrire, qui est la base du projet que la Commission locale a présenté.

Il faut l'examiner et le juger avant d'entrer dans l'examen du projet lui-même, qui en est une application plus ou moins heureuse. Nous résumons de nouveau cet avis dans les termes suivants :

« L'unique moyen d'améliorer la navigation de la Garonne consiste » à donner à ses rives des sinuosités conformes à celles qui existent sur >> les points dont les profondeurs sont les meilleures, et à faire croître » ses largeurs régulièrement, de l'endroit où cesse la marée jusqu'à >> l'embouchure.

» Les sinuosités convenables sont caractérisées par des courbures » proportionnées aux dimensions générales du fleuve, décroissant graduellement vers les points d'inflexion et surtout, aussi symétriques » que possible par rapport aux deux sens des courants.

» Par l'effet de ce tracé, les courants de sens opposé agiront, tous » les deux, de manière à donner la même configuration aux bancs et » aux rades, et l'efficacité de ces deux courants atteindra son maximum » d'intensité par suite de l'extension plus grande donnée à la marée. »

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DES FONDATIONS PAR ENFONCEMENT DE BLOCS ÉVIDÉS (1).

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M. BERGERON propose un nouveau moyen pour couper les bancs de sable au moyen de jets d'eau.

Les bancs de sable forment souvent, à l'entrée des ports, des barres trèsgênantes pour la navigation. Les dragues ou les chasses sont insuffisantes pour en débarrasser le chenal. Il semble qu'on doive mieux réussir en attaquant le sable en suspension au moyen de jets d'eau lancés sur le fond, et en joignant à cette action celle d'un courant, qui entraînerait au large le sable mis ainsi en suspension dans l'eau. Des expériences faites à Boulogne ont démontré l'efficacité des jets d'eau; en Angleterre on a enfoncé dans

(1) Voir le Catalogue des objets exposés par le ministère des travaux publics. Paris, 1878.

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