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travail et de l'industrie et nous donnent ainsi une preuve de sympathie que nous n'oublierons pas.

Mais Paris sait aussi comment il faut accueillir et fêter les hommes qui représentent, comme vous, la science dans ce qu'elle a de plus utile et de plus élevé.

Paris a tenu d'abord à vous recevoir dans cette vieille Sorbonne, dans ce monument vénérable de la science et des lettres, qui rappelle de si glorieux et de si nobles souvenirs.

Il veut vous montrer surtout ces établissements qui s'appliquent à tous les degrés de l'enseignement public et qui, mieux que les discours, attestent la puissance de notre pays et font comprendre comment il est arrivé par le travail à reconquérir en peu de temps le rang qui lui est dû.

Pendant notre session, Paris veut vous ouvrir ses ateliers, pour que vous voyiez à l'œuvre les ouvriers parisiens si habiles et si justement vantés, qui exportent leurs produits dans le monde entier et qui, par leur goût artistique, savent donner aux matières premières les plus simples une valeur considérable.

Paris est persuadé que vous visiterez aussi avec intérêt ses appareils hydrauliques, ses réservoirs, ses égouts, et que vous rendrez pleine justice aux efforts de la municipalité parisienne qui a fait de notre ville une des plus saines du monde.

Enfin nos principaux inventeurs ont voulu mettre sous vos yeux, dans ce Conservatoire des Arts et Métiers, qui est le Louvre de l'industrie, quelques-unes de ces machines que vous avez admirées à notre Exposition.

C'est ainsi que Paris a compris le rôle qu'il avait à jouer dans notre Congrès de la science; c'est ainsi qu'il entend vous recevoir et qu'il veut être jugė.

En vous montrant ses écoles, ses ateliers et ses usines, Paris a pensé qu'il répondrait dignement à ceux qui le calomnient et qui considèrent notre capitale comme une ville d'oisiveté, de luxe et de plaisir.

Quant à nous, qui connaissons Paris; qui l'avons vu aux heures de gloire et de tristesse dépasser, dans son dévouement, tout ce qu'on pouvait espérer, nous n'hésitons pas à lui demander de nous aider dans l'oeuvre d'initiative individuelle que nous avons entreprise, pour augmenter encore les encouragements que nous donnons aux sciences.

Je suis tranquille; notre voix sera entendue; déjà le Conseil municipal de Paris, qui ne laisse échapper aucune occasion de prouver l'intérêt qu'il porte à la science, nous a voté, avec une générosité dont nous ne saurions trop le remercier, une somme de 30,000 francs pour faciliter nos travaux.

J'affirme donc que Paris répondra à notre appel et qu'il soutiendra largement une association comme la nôtre, qui a pour devise: Science et Patrie.

Messieurs,

M. le D THULIÉ

Président du Conseil municipal de Paris,

Paris vous remercie d'avoir, par une exception heureuse, voulu tenir votre session de 1878 dans notre chère ville et de contribuer ainsi par vos travaux à la splendeur de l'Exposition universelle. Vous nous apportez les fruits de vos recherches qui sont l'inspiration du producteur, qui sont le germe des merveilles que l'on exposera plus tard.

Au lendemain de nos défaites, mus par une idée généreuse et patriotique, vous avez pensé que la France ne pouvait pas se borner à réparer ses désastres matériels et financiers. En fondant l'Association française pour l'avancement des sciences, vous avez voulu qu'elle grandit par ses travaux intellectuels, qu'elle redevînt la France initiatrice et lumineuse.

Vous avez compris que cette ardeur au travail et à la recherche ne devait pas se localiser sur quelques points du pays, mais que la France entière devait participer à ce mouvement des esprits. C'est ainsi que, chaque année, vous allez de ville en ville porter la grande et irrésistible parole de la science.

Non-seulement vous avez permis aux savants de province, condamnés quelquefois à une injuste obscurité, de faire connaître leurs travaux; non-seulement vous avez excité leur émulation et leur zèle en leur donnant un auditoire et une publicité dignes d'eux, mais encore vous les avez rehaussés dans l'esprit de leurs compatriotes qui, exclusivement occupés d'intérêts matériels, n'apprenaient souvent la haute valeur de ces savants modestes que par les applaudissements des savants étrangers; vous avez démontré enfin, partout où vous avez passé, que la science n'est pas un mot vide de sens ou une arme de combat et de révolution comme tant de gens voudraient le faire croire encore, mais au contraire la source la plus féconde de la prospérité d'un pays.

L'Association française, d'ailleurs, permettra désormais à l'homme qui travaille de faire le traditionnel tour de France: il pourra entrer en relations avec tous les chercheurs de notre pays, et connaître notre patrie complétement, aussi bien dans ce qu'elle a de beau que dans ce qu'elle présente de défectueux. Votre association n'est donc pas seulement la fraternisation de tous les savants du territoire, c'est aussi le mouvement d'ensemble de la France vers le progrès.

La France est aujourd'hui dans sa vraie voie, elle suit son penchant naturel. Un aventurier a pu la faire dévier pour un temps; il a pu donner le change au monde sur nos aspirations et sur nos instincts. Mais ce n'est pas en persécutant quelques hommes qu'on éteint le génie d'une nation, et quand le torrent des événements a emporté l'obstacle, la France a repris son niveau et sa marche: l'an 1878 démontre au monde, qui l'avait un instant méconnue, ce qu elle est et ce qu'elle veut,

Quoique mutilé, quoique ses blessures saignent encore, notre pays tient aujourd'hui un assez beau rang dans le monde ; et si, en 1870, nous avons cruellement expié la faiblesse de nos pères, notre courage, notre ardeur au travail, notre patience préparent pour nos enfants une patrie relevée et embellie.

C'est que les événements ont leur marche logique et fatale comme tout dans la nature; une impulsion donnée produit toujours ses effets, et l'on vit ou l'on meurt d'un principe, selon qu'il est ou qu'il n'est pas scientifique. Or, let principe social de la France républicaine c'est le droit prime la force.

La République française fait aujourd'hui ses preuves; malgré les oscillations inévitables dans l'établissement de tout ordre nouveau, elle vient de produire une œuvre grandiose et féconde. Non-seulement l'Exposition est matériellement splendide, mais encore elle a été l'occasion d'un mouvement intellectuel jusqu'ici inconnu, et dans les nombreux Congrès qui auront pu se réunir pendant cette courte période, quelques-unes des grandes idées qui préoccupent l'humanité et doivent lui apporter un progrès prochain auront été soulevées et discutées.

L'Association française vient, elle aussi, apporter ses rayons à cette gloire nationale.

Et quand vos travaux seront terminés, quand chacun aura regagné son foyer, l'esprit encore plein des splendeurs du génie humain, ne manquez pas de dire et de répéter, vous, nos chers collègues de la province, que cette République qui a dù réparer tant de désastres, qui a dù lutter jusqu'ici et qui lutte encore pour sa propre existence, vient de donner au monde un spectacle tel qu'aucune monarchie ne l'a jamais donné. Dites bien aussi que cet antagonisme entre la province et Paris, organisé dans un intérêt dynastique, que cette hostilité établie artificiellement entre les hommes d'une même nation, d'un même sang, n'existent plus. La République a fait tomber ces barrières factices il n'y a plus de provinciaux et de Parisiens, mais des patriotes qui veulent élever leur pays par la paix, l'ordre scientifique et le travail; il n'y a plus que des Français.

Au nom des habitants de Paris, je vous souhaite la plus cordiale bien

venue.

M. PERRIER

Commandant d'état-major, Membre du Bureau des longitudes,
Secrétaire général.

L'ASSOCIATION FRANÇAISE EN 1877

L'Association française est arrivée à la septième année de son existence. Après avoir visité successivement Bordeaux, Lyon, Nantes, Lille, ClermontFerrand et le Havre, elle ouvre aujourd'hui sa septième session à Paris. C'est du Congrès du Havre que j'ai d'abord à vous entretenir.

Vous savez que nous avons trouvé au Havre l'accueil le plus cordial et l'hospitalité la plus large, grâce aux efforts du comité local, présidé par M. le docteur Lecadre, à la bonne volonté de l'administration municipale et grâce aussi à l'empressement de la population tout entière.

La ville s'était pavoisée spontanément, comme aux grands jours de fête, pour recevoir notre Association; des appartements particuliers avaient été offerts à un grand nombre de membres français et de savants étrangers; le lycée nous avait ouvert ses dortoirs; la Compagnie générale transatlantique et celle des Chargeurs réunis avaient mis gracieusement à notre disposition deux grands paquebots: la Ville de Paris et le Belgrano, de sorte que, tous les membres du Congrès ont pu trouver, au Havre, une installation suffisante, quelquefois même luxueuse.

En même temps, rien n'avait été négligé pour assurer le succès des conférences, des séances générales et des séances de section, soit au théâtre, soit dans le splendide local de l'Hôtel de ville, où vous avez trouvé aussi des salles de réunion, de lecture et de correspondance.

C'est dans ces conditions favorables de préparation matérielle, sur un terrain éminemment propice à nos travaux, que s'est ouverte la session du Havre le 23 août 1877.

La séance d'ouverture fut remplie par un discours magistral de M. le président Broca, sur les races fossiles humaines de l'Europe occidentale, par une allocution vive et spirituelle de M. le maire Mazurier, par un rapport, plein d'aperçus fins et délicats et très-chaleureusement applaudi, de M. le secrétaire général Dehérain, et enfin par le compte rendu lumineux de notre trésorier, M. Georges Masson, sur la prospérité financière de l'Association.

Les travaux des sections ont commencé le lendemain 24 août. L'apparition du volume, qui en est le tableau fidèle et complet, a été retardée par la grève des ouvriers typographes de Paris. Nous n'avons pu, à notre grand regret, nous conformer cette année à l'habitude et au règlement en vous distribuant le volume avant l'ouverture de la session actuelle; mais nous espérons être bientôt en mesure de le faire remettre à chacun de vous.

Cette circonstance fâcheuse et inattendue enlève à votre rapporteur le périlleux honneur qui lui incombait d'analyser et d'apprécier les travaux présentés au Congrès du Havre. Ces travaux méritent mieux, du reste, qu'une mention rapide ou une analyse superficielle; et si je songe combien il m'eut été difficile, souvent impossible, d'en parler avec compétence, je ne suis pas éloigné de croire, et vous penserez sans doute comme moi qu'il est préférable de laisser à chacun de vous le soin de les lire et de les analyser.

Mais, hâtons-nous de le dire, les divers groupes de notre association ont rivalisé entre eux d'ardeur et d'activité; les sujets traités ont été partout nombreux et variés. Les séances des sections ont été très-suivies; les ordres du jour de plusieurs d'entre elles n'ont pas pu être épuisés. La section de géographie même, qui jusqu'ici paraissait un peu abandonnée, a pu réaliser au Havre un programme qui comprenait les sujets les plus importants, et nous espérons qu'elle saura désormais se maintenir au niveau qu'elle a atteint.

Les deux conférences générales nous ont particulièrement intéressés. Dans

la première, M. le comte de Saporta a exposé de la manière la plus brillante, en se basant sur ses travaux personnels et s'aidant de projections habilement exécutées, la question si difficile des anciens climats considérés dans leurs relations avec la marche et la variation de la végétation en Europe. La seconde a été dévolue à M. Levasseur, qui, récemment revenu d'Amérique, a traité, avec sa compétence habituelle, une question de géographie économique, étroitement liée aux intérêts de la ville du Havre : le sol et la richesse des Etats-Unis d'Amérique.

S'il est permis de juger du succès d'un Congrès par l'affluence des associés et des nvités qui y prennent part, le Congrès du Havre a réussi au delà de toute prévision. Nos collègues français y étaient venus en très-grand nombre; trente sociétés savantes de France s'y étaient fait représenter et les savants étrangers, à qui le conseil avait adressé des invitations, avaient répondu de la manière la plus gracieuse et la plus empressée en venant assister à nos réunions. Parmi eux, je citerai MM. Bauermann, Broadbent, James Glaisher, Huggins, Magens Mello, William Mariott, Shoolbred, Southey, Sylvester, d'Angleterre; Cannizaro, Ragona, d'Italie; Alvin, de Belgique; Grinwis, Gunning, de Vry, de Hollande; Fol, de Suisse; Hampel, de Hongrie; Milet et Mota-Maïa, du Brésil. Il me suffit de vous citer leurs noms pour vous rappeler combien ils ont rehaussé par leur présence la solennité du Congrès et apporté d'éclat à nos discussions.

Mais je tiens surtout à vous signaler la part active et importante prise aux travaux du Congrès par nos compatriotes du Havre. Ils ont voulu nous montrer qu'il n'y a pas seulement parmi eux des industriels habiles préoccupés uniquement du soin jaloux de leurs intérêts, mais qu'il y a aussi des savants véritables, aimant la science et la cultivant avec honneur, soit dans ses parties les plus abstraites, soit dans ses applications utiles à l'industrie et à la navigation, et même en vue du rôle élevé qu'elle doit poursuivre dans les transformations sociales que l'avenir nous apportera.

L'activité scientifique, dont le Havre est comme le centre, s'est révélée dans toutes les sections, dans les lectures en séance générale et dans les visites aux établissements scientifiques et industriels.

En astronomie, M. Normand, l'habile constructeur de navires, a fait connaître ses recherches sur les occultations des étoiles par la planète Mars; M. Renaud, ingénieur des ponts et chaussées au Havre, nous a entretenus des tramways de la ville; MM. Audenet et Daymard, ingénieurs de la Compagnie transatlantique, ont étudié respectivement les progrès réalisés dans les machines marines et la question de la longueur des paquebots. M. Marchand, de Fécamp, a lu un mémoire intéressant sur l'absorption des rayons solaires par l'atmosphère.

Mais c'est surtout dans la section de géologie que le caractère local des communications a été le plus accentué, nous citerons les travaux de M. Deslongchamps sur le Jura normand; les mémoires de M. Lennier sur les Dépôts littoraux récents de la Manche; ceux de M. Meurdra sur le régime des eaux du Havre; de M. Cotteau sur les Cidaris du terrain jurassique en Normandie; de M. Morière, sur l'étage liasique dans le département de l'Orne; de M. de

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