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on s'explique comment une trombe sévit avec fureur en un endroit et sera inoffensive dans un autre endroit du voisinage où elle passera.

Il se transporte parallèlement à lui-même avec une vitesse qui varie depuis celle d'un piéton, jusqu'à celle d'un train rapide de chemin de fer. La trajectoire est une courbe dont le centre de courbure est situé à droite dans l'hémisphère boréal, et à gauche, dans l'autre ; l'observateur étant supposé suivre le tourbillon. La courbure augmente ou diminue avec l'énergie de la gyration. Les éléments de la courbe ont toujours l'un des côtés de l'angle de contingence dans la direction du vent qui règne, composée avec celle du vent factice qui naît de la translation. Le vide que le sillage tend à former derrière le tourbillon, diminue la courbure, augmente la vitesse de translation et celle de rotation d'ensemble.

Contexture du tourbillon.

La masse de gaz qui gyre dans le tourbillon est disposée en filets héliçoïdaux, serrés les uns contre les autres par des forces centripètes qui naissent des conditions mêmes du mouvement. Elle est séparée de l'air ambiant par une surface qui est aussi une conséquence des mêmes conditions du mouvement.

Rationnellement, le tourbillon devrait être composé d'une série de tubes concentriques, formés chacun d'un système de filets héliçoïdaux et d'un système de filets radiants. Dans les trombes marines, on aperçoit assez souvent trois de ces systèmes doubles. On les a observés aussi dans la trombe de Königswinter, qui fut successivement trombe de terre puis trombe d'eau, puis, une seconde fois, trombe de terre, et finalement trombe d'eau. Mais, en général, il n'existe qu'un seul système double, les autres étant détruits par le vent factice.

Toutes ces propriétés se déduisent rationnellement de ce seul principe f ndamental, qu'il y a gyration ascendante autour d'un axe vertical. Elles fournissent l'explication des nombreuses particularités remarquables que présentent la propagation et les effets des trombes et des cyclones et suggèreront vraisemblablement des moyens d'atténuer les désastres que causent ces météores.

Cyclones.

Je parlerai des cyclones, qui sont les météores qu'il importe le plus de connaître, et spécialement des cyclones de l'océan Atlantique boréal, desquels nous recevons souvent les dernières atteintes sur les côtes occidentales de l'Europe.

Ils naissent généralement dans la région équinoxiale de l'Atlantique, à des latitudes entre 10 et 15°. Ils décrivent une courbe parabolique, dont

le sommet est dans le voisinage de la côte orientale des Etats-Unis et dont la seconde branche s'étend quelquefois jusqu'à l'un des points situés entre le golfe de Gascogne et le cap Nord.

Dans un cyclone, l'organe qui imprime à chaque instant le mouvement, c'est un tourbillon, une grande trombe, qui a pris naissance à une altitude élevée, et au-dessus des mers.

La région de l'Atlantique équinoxial, où passe la branche du Gulfstream, qui remonte du cap Saint-Roch (au Brésil), le long des Guyanes, de la Nouvelle-Espagne, des côtes du Mexique et des États-Unis, cette région, dis-je, est très-favorable à la naissance et au développement du tourbillon particulier des cyclones dont il s'agit : les nuages y abondent, favorisés par le Gulf-stream; ils s'y tiennent à une grande altitude. De plus, le calme y règne souvent et s'y maintient longtemps.

Dès ses premiers mouvements, le cyclone naissant se dirige vers l'ouest, puisqu'un tourbillon marche toujours contre le vent; et, en temps de calme, le vent régnant dans ces parages doit être nécessairement une très-légère brise d'ouest, déterminée par l'appel du Sahara.

Comme le tourbillon n'absorbe que de l'air placé au-dessus d'une mer relativement chaude, et par conséquent mêlé de vapeur d'eau, il sera d'une énergie faible et prendra rapidement un grand volume par suite de la dilatation causée par la chaleur de la gyration. On voit souvent des cyclones ayant acquis, après un ou deux jours de développement, trois à quatre cents kilomètres de diamètre, atteindre huit cents kilomètres lorsqu'ils arrivent dans nos parages d'Europe. Une trombe de un millier de mètres, de diamètre à la section la plus étroite de sa base inférieure, suffit pour actionner cet immense météore.

Lorsque le tourbillon arrive près de la côte mexicaine ou américaine, il aspire, en partie, de l'air plus sec, qui lui vient du continent. Aussitôt l'énergie de gyration augmente; il descend vers le sol; et par le fait de ces deux circonstances, il développe sur la mer et sur la côte des effets mécaniques plus violents.

Mais, en même temps, la courbure de la trajectoire augmente, et cela, tellement presque toujours, que le cyclone est reporté en pleine mer.

Dès lors, il n'aspire plus que de l'air humide; par suite, l'énergie reprend sa valeur primitive; le tourbillon remonte et traverse l'Atlantique, se dirigeant presque en droite ligne vers les côtes septentrionales de l'Europe.

Si, dans ce long trajet, il ne s'écarte pas trop du Gulf-stream, il a des chances de trouver sur sa route des nuages alimentaires, et alors il parvient jusqu'en Norwège ou aux Iles Britanniques, où généralement il arrive épuisé et ne donnant plus lieu qu'à de faibles dépressions (ces dépressions, que nous signalent les observations de Valentia, de Copenha

gue, d'Helsingfors et autres, et qui sont annoncées souvent trois ou quatre jours d'avance par le « Signal Office » de New-York).

Ces cyclones décrivent donc une sorte de parabole dont le sommet est situé près de la côte orientale américaine. Suivant que le lieu du sommet est plus ou moins bas en latitude, la trajectoire est moins ou plus inclinée sur les méridiens qu'elle traverse, et le cyclone nous aborde à une latitude plus ou moins élevée.

Mais il arrive souvent, surtout quand la trajectoire est un peu inclinée, que le cyclone, s'éloignant ainsi du Gulf-stream, ne trouve plus de nuage alimentaire et s'évanouisse C'est ce qui explique comment les avertissements du « Signal Office » pour les cyclones qui devraient hanter nos côtes, ne réussissent guère qu'une fois sur deux.

M. de TOUCHIMBERT

Président de la Société d'agriculture, belles-lettres, sciences et arts de Poitiers.

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La météorologie n'a pas de meilleurs adeptes que ceux qui étudient la nature et, par contre, elle n'a pas de plus rudes adversaires que les purs théoriciens.

Les études de cabinet, avec toutes les ressources de la physique et de la chimie, entraînent souvent à des assimilations contraires à la vérité naturelle des faits: la grandeur et la complexité des phénomènes atmosphériques ne sauraient être comparés aux petites expériences faites dans nos laboratoires.

Les ascensions aérostatiques n'ont pas donné jusqu'ici les résultats qu'on pouvait en attendre. La mobilité du ballon, sa vitesse ascensionnelle inégale à travers les couches atmosphériques, sa dépendance du courant dans lequel il est plongé, ne permettent pas aux observateurs de se rendre un compte exact des phénomènes qui les entourent.

Les observations de montagnes se bornent à des études de climatologie et s'il est vrai comme l'affirme M. Tissandier, que, les courants aériens suivent, dans une proportion qui reste à définir, les reliefs du sol, il en résulte que l'observateur dans les montagnes n'est pas sensiblement mieux placé, pour l'étude des courants aériens, que l'observateur de la plaine.

Je crois donc que pour étudier les grands phénomènes de l'atmosphère, il n'est pas besoin de s'élever à des altitudes considérables et que partout on peut trouver des lieux d'observation aussi satisfaisants que possible. Cependant, les contrées méridionales présentent des conditions très-favorables, à cause de la transparence de l'air et peut-être aussi eu égard à la proximité des causes initiales des phénomènes météorologiques.

J'ai eu l'avantage d'étudier les courants nuageux aériens sous diverses latitudes et à des altitudes différentes. En France d'abord, ensuite sur mer pendant de longues traversées à la voile d'Europe en Amérique et surtout aux Antilles où j'ai séjourné trois années.

Dans ces différentes positions géographiques, j'ai toujours constaté les mêmes phénomènes en ce qui concerne les courants aériens.

Sous les tropiques, dans les dernières régions nuageuses de l'atmosphère, on rencontre fréquemment d'immenses traînées nuageuses, ayant la forme de queues cométaires ou d'épées gigantesques, et dirigées d'un pôle magnétique à l'autre. M. de Humboldt a décrit dans son Cosmos ces sortes de nuages qui ont reçu le nom de bandes polaires. En France on voit parfois ces bandes polaires, mais ce spectacle est rare; le plus ordinairement, les nuages les plus élevés sont les cirri.

Sous ces bandes polaires et sous les cirri s'étagent parfois trois ou quatre courants aériens et dans les positions qui suivent :

1° Tous les courants sont sensiblement parallèles entre eux et se dirigent dans le même sens;

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2° Tous les courants sont sensiblement parallèles entre eux et se dirigent en sens contraire en alternant;

3o Tous les courants sont sensiblement parallèles entre eux et se dirigent en sens contraire par couple de deux; c'est-à-dire que les deux plus élevés marchent dans le même sens, et les deux plus près de terre dans le même sens, mais en sens contraire aux deux premiers; 4o Tous les courants sont sensiblement perpendiculaires entre eux. Tous ces courants forment dans la verticale des systèmes séparés par un vide relatif de l'air; il en est de même dans l'horizontale.

Le ciel présente depuis le zénith jusqu'à l'horizon sensible une série de ces traînées nuageuses ordonnées suivant une des quatre positions que nous venons d'indiquer et espacées entre elles par des bandes libres de toute vapeur visible, plus ou moins distantes des traînées nuageuses (1). Au zénith cette séparation est apparente mais mal définie, tandis qu'à mesure qu'on regarde vers l'horizon, les traînées nuageuses sont parfaitement délimitées par des lignes courbes et les intervalles clairs

(1) Les vapeurs invisibles contenues dans l'atmosphère, en se transformant en nuages occupent un moindre espace, d'où l'intervalle qui existe entre chaque traînée nuageuse.

disparaissent de plus en plus sous l'effet de la perspective. Lorsque cet arrangement n'existe pas, cela tient à ce que la lutte est vivement engagée entre tous les courants et que le mauvais temps approche ou est déjà venu.

Dans toutes les positions des traînées nuageuses le courant supérieur ramène tous les courants inférieurs à sa direction, si bien que lorsqu'on peut apercevoir la direction du courant supérieur, on peut préciser la direction que prendra prochainement le courant inférieur. En été ces changements de direction ont lieu très-rapidement, en hiver il faut douze ou quinze heures pour qu'ils se produisent.

Les changements de direction, sous la dépendance du courant supérieur, se font par étages de courants aériens : le plus élevé ramène à sa direction celui qui est immédiatement placé au-dessous de lui; celui-ci agit de la même façon à l'égard de celui qui est immédiatement au-dessous de lui et ainsi de suite jusqu'au courant de terre.

Ce travail s'opère sous les yeux de l'observateur et on peut en suivre facilement toutes les phases, surtout dans les derniers courants aériens placés les plus près de nous. Ces luttes offrent à l'observateur attentif un spectacle très-intéressant et des plus grandioses.

Prenons deux courants de cumulus pour exemple et supposons qu'ils sont parallèles et marchent en sens contraire. Dès que les masses nuageuses de ces deux courants sont en présence et cherchent à se superposer, on constate une hésitation dans leur marche et un temps d'arrêt, bien marqué, se forme.

Si le nuage inférieur présente des flocons légers à sa partie antérieure, on les voit se contourner comme la vapeur qui sort des cheminées de nos machines puis se fondre et disparaître entièrement.

Les deux nuages s'abordent sans se toucher, conservent leur distance et sont refoulés par les masses qui les suivent.

Le nuage inférieur trahit de suite sa faiblesse, il cherche une issue en prenant une direction contraire, mais les traînées de même étage qui l'avoisinent le maintiennent dans sa voie normale et il perd dans cette manœuvre une partie de sa force et de sa matière aqueuse. Pendant ce temps le nuage supérieur, après avoir vu fondre quelques-unes de ses vedettes avancées se tient ferme, recule parfois, mais reprend vite l'offensive; ses crêtes arrondies roulent les unes sur les autres dans la direction imprimée au courant, comme si elles se distendaient; il gagne du terrain à l'avant sans que la partie postérieure se déplace, puis la traînée entière reprend sa marche.

Si le nuage inférieur n'a pas pu échapper à l'influence du nuage supérieur et qu'il soit sensiblement moins volumineux que lui, il se conoturne et ses bribes, les plus voisines de son adversaire, s'unissent au

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