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plus la grêle. C'est donc en somme dans les propriétés physiques ou dynamiques des vents d'Ouest à Sud-Ouest qu'il faut chercher les causes de la production et de la propagation du météore dans le Languedoc. La même remarque, du reste, s'applique, dans certaines limites, au restant de la France. On lit dans l'ouvrage de Muschembroek que la grêle tombe en moyenne 5 fois par an à Utrecht, et qu'en 50 ans elle est tombée 13 fois par le vent d'Ouest, 5 fois par le Sud-Ouest, 2 fois par l'Est, 2 fois par le Nord-Est, 9 fois par le Nord, 8 fois par le Nord-Ouest et une seule fois par le Sud. Nous sommes loin de ce que je viens de dire pour le Languedoc. Cette variété trouve sa raison d'être dans la situation de cette région par rapport à toutes les mers qui peuvent servir de relais de vapeur pour les nuages que tous ces vents y apportent. Elle doit sans doute aussi, comme dans d'autres pays, et même dans le Nord de la France, entrer pour beaucoup dans les insuccès qu'on a généralement rencontrés dans l'étude de la grêle. La conclusion qui semble résulter de ce que je viens de rappeler, c'est que la grêle apparaît dans les diverses régions, comme pour le Midi de la France, portée par des vents violents, froids et humides leur eau devant être généralement à l'état d'aiguilles de glace. Force du vent dans les orages de grêle. Les caractères généraux des orages de grêle sont depuis longtemps acceptés sans qu'on ait cherché à en tirer tout le parti possible pour l'explication du phénomène. Qui dit orage de grêle, dit ouragan. La force du vent est en effet généralement constatée par les désastres qu'il produit et par la vitesse qu'elle imprime aux orages de grêle, supérieure à celle des orages de pluie, comme le prouvent les évaluations nombreuses qu'il est possible de faire, et cela avec une généralité qui, de même que pour la distribution géographique, n'est pas absolument nécessaire à notre cause. Abaissement de température correspondant aux orages de grêle. L'abaissement de température qui accompagne généralement un orage de grêle est encore un élément important qu'on a négligé de considérer. Le froid n'a été invoqué qu'au point de vue de la formation des grêlons. Kaemtz, cependant, a parfaitement énoncé le fait l'orage de grêle correspond généralement au début du règne du vent plus froid, qui persistera pendant des semaines, et parfois des mois entiers. Cet abaissement de température ne résisterait pas à la puissante insolation qui se produit à l'époque des orages de grêle, s'il était dû à toute autre cause passagère comme le sont les mouvements tourbillonnaires et les effets électriques, par exemple.

Etat général de l'atmosphère. Il y a enfin à tenir compte de l'état général de l'atmosphère, que les aéronautes nous montrent à chaque instant sillonnée par trois ou même quatre courants différant par la température, l'état hygrométrique, électrique, et la direction pouvant transporter, par suite, ces nuées de vapeur, ou d'aiguilles de glace, de neige et de grésil si souvent rencontrées dans les ascensions aérostatiques.

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Constitution et formation des grêlons. Ces préliminaires posés, il y a d'abord à se rendre compte de ces formation qui constituent une série continue depuis les aiguilles, les étoiles de neige jusqu'à ces agglomérations que l'on a comparées à du plum-pudding ou aux poudingues des géologues; tandis que il est possible encore de suivre les transformations qu'elles doivent éprouver

généralement pour que leurs couches successives passent à un état plus neigeux ou plus voisin de la glace transparente. Des considérations de dynamique prouvent que les grêlons font boule de neige, d'aiguilles de glace, de grésil, dans le milieu orageux de plusieurs manières: tandis qu'ils peuvent ramasser dans leur mouvement absolu ce qu'ils trouvent sur leur passage, le vent doué d'une vitesse plus grande que celle de ces mobiles lance contre eux de plus petits éléments qui se rapprochent davantage de faire partie intégrante du courant. Cette considération nous explique toutes les formes diverses que l'on a rencontrées dans un grand nombre d'orages. Celui du canton de Vaud est remarquable à ce sujet. Le mouvement de translation et cette accumulation d'éléments se sont trouvés encore parfaitement accusés dans un orage étudié à Lyon il y a peu d'années et dans un autre observé par M. Lecoq. Dans le second, les deux pôles des grêlons allongés étaient criblés d'aiguilles de glace, beaucoup plus rares vers l'équateur. Dans le premier, trois rangées d'imbrications rappelaient les pommes de pin. Enfin les bulles d'air qu'on a souvent rencontrées dans les grêlons témoignent encore du mode de formation que je viens d'indiquer.

Importance d'un accroissement rapide eu égard à la force du courant. Cet accroissement rapide des grêlons est important à considérer en ce sens qu'il tend à restreindre la force du courant qui les transporte à travers l'atmosphère, quelque puissance cependant qu'il soit possible de lui supposer par suite des effets de transport dont il a souvent été capable. Cet accroissement rapide explique les différentes variétés de grêlons qui sont tombés parfois dans des stations assez rapprochées et aussi les grêlons de formes différentes qui se sont parfois succédé assez rapidement dans le même orage, après un coup de tonnerre par exemple.

Il me semble qu'il y a lieu encore ici de s'étonner de ce que, malgré les exemples nombreux des formations que je viens de rappeler, on n'ait parlé que des condensations successives qui s'opèrent à la surface des grêlons. Cela rend bien obscurs la plupart des phénomènes qui se rapportent à leur accroissement, à leur propagation et à leur chute.

On ne saurait exclure cependant ce dernier mode d'accroissement, et il peut être parfois assez rapide pour donner lieu, sous l'influence d'une couche froide et neigeuse, à un dépôt de verglas pouvant constituer la couche suivante. Sur le Puy-de-Dôme, si souvent plongé dans les nuages, les masses de glace qui se déposent ainsi sur les instruments et partout, deviennent un des plus grands obstacles que l'observation y rencontre. Il serait donc possible d'étudier dans quelles limites ce mode de formation peut intervenir dans l'accroissement des grêlons. On a souvent cité l'observation de M. Espy au sujet de la glace qui s'était déposée autour de poussières minérales ou de fragments de végétaux, de branches même que le vent avait soulevées dans les airs. Dans tous les cas ces agglomérations de glace, parfois de la grosseur d'un homme, sous le poids desquelles rompent les fils télégraphiques, qui se produisent enfin dans le court intervalle de 24 heures, sont d'un grand intérêt dans l'étude de l'accroissement des grêlons. Et cet intérêt augmente encore quand on vient à savoir qu'elles se forment par les vents froids et humides de la nature de ceux que nous avons

considérés et qui dans notre région méditerranéenne possèdent ces propriétés, à l'exclusion des autres vents parfois tout aussi violents. A ce sujet encore, je dois remercier M. Alluard de nous avoir renseigné sur la force du vent au sommet du Puy-de-Dôme. Je vois que comme dans les Cévennes, il pourrait parfois enlever un homme comme une plume, d'après l'expression de Delambre, si on ne se hâtait de ramper pour se mettre à l'abri. Je dirai tout à l'heure que la vitesse de la grêle ne saurait dépasser la moitié de celle du vent: il est donc probable qu'au fond les accumulations de verglas que je viens de rappeler correspondent à des agglomérations d'aiguilles de glace et qu'alors encore, pour les grêlons les choses se passent comme si un vent chargé de ces aiguilles soufflait avec une vitesse moitié moindre sur des corps immobiles. On conçoit, enfin, la possibilité de réaliser des expériences de physique reproduisant assez bien des faits qui se produisent sur une aussi vaste échelle dans la nature. La vitesse du vent diffère de celle de la grêle. Vérification générale de nos principes théoriques. - La force du vent était telle, disent certains observateurs, que la grêle était transportée horizontalement. Une contradiction entre la grandeur de la vitesse du vent pendant un ouragan de grêle, et celle du météore, paraît au premier abord évidente, puisque toutes les évaluations qu'il est possible de faire, et elles sont nombreuses, donnent au météore une vitesse tout au plus égale à la moitié de celle du vent auquel nous donnons la mission de le 7 propager. La contradiction n'est qu'apparente; le calcul donne en effet pour 12

le rapport de ces vitesses. Ce résultat est considérable dans notre manière de voir, puisqu'il offre une confirmation des principes qui nous ont servi de point de départ, et de l'ensemble de nos déductions.

Chute et propagation de la grêle. Raisonnant maintenant sur cette grêle à la production et à l'accroissement de laquelle il nous a été possible d'assister : nous voyons les circonstances de sa chute de faible durée, et sur une longue bande, le plus souvent bien irrégulière, se présenter comme conséquence de la force du courant et de la diminution relative de cette force, que cette diminution soit due à l'accroissement des grêlons ou à la diminution effective de la violence du vent. Ces derniers cas peuvent résulter de l'inertie des masses d'air qu'il traverse, de l'effet de courants contraires, ou de la résistance que les massifs lui opposent. De là des grêles locales qui pourront tomber en véritables avalanches, ou d'autres se propageant sur une longue bande. Les premières s'expliquent aisément; celle étudiée dans la Lozère en 1875, une autre qui vient de ravager quelques communes de la partie occidentale de l'Aveyron sont de ce nombre. Reste à se rendre compte de chutes analogues à celle de 1788. Imaginons alors un torrent de grêle constitué comme il nous a été donné de le voir, avec ces aiguilles de glace, ces neiges et ces grésils qui sont poussés en avant pour aller accroître les dimensions des grêlons ou pour aller constituer les noyaux de nouvelles formations, jusqu'à ce que la grandeur de celles-ci deviennent de moins en moins en rapport avec la force du courant. La couche qui marche en avant éprouvera surtout la résistance du milieu, ses grêlons devront par suite tomber, tout en ouvrant le chemin aux couches suivantes. De là une durée de chute dont la grandeur dépendra de

l'épaisseur du nuage et de sa vitesse en ce point. Elle correspond, en général, aux limites connues de la grandeur de ces éléments.

Vérification par l'observation. En tenant compte de toutes les résistances qui peuvent se présenter, on s'explique complétement toutes les circonstances observées par M. Lecoq dans un orage souvent cité, et qui semble se présenter ici comme imaginées à plaisir pour confirmer les idées théoriques que nous avons émises

Bruit de la grêle. Les autres circonstances relatives à la propagation de la grêle s'expliquent encore avec la plus grande facilité; le bruit par exemple, bien constaté surtout sur nos causses méridionaux où, suivant le proverbe local, il est possible de faire plusieurs licues de chemin sans trouver de quoi faire un bouton de guêtre; ce bruit, dis-je, résulte de la grandeur relative de la vitesse du vent et de celle de la grêle. Les choses se passent en effet, comme si le vent soufflait avec une vitesse moitié moindre de celle qu'il possède, sur un réseau de grêlons à tout instant supposés immobiles.

Chute et vitesse limite suivant la verticale. Les circonstances relatives à la chute suivant la verticale résultent de la considération de la vitesse limite dans l'atmosphère qui joue, comme à l'ordinaire le rôle de régulateur. Cette vitesse croît comme la racine carrée des diamètres. On se rend compte alors des chutes de grêle aux diverses hauteurs, des observations comparatives faites dans les montagnes et dans les vallées, ainsi que des effets dynamiques dus à la force vive que les grêlons ont acquise en atteignant le sol. Enfin les mêmes considérations nous rendent compte de la distribution des grêles, en France surtout où elle s'accomplit avec une assez grande netteté; elle avait été vaguement formulée par Tessier, sans que ce savant rapporteur ait songé à émettre une théorie à ce sujet.

Conclusion, importance des observations à faire dans le midi de la France. Je ne viens en somme que de résumer les principaux résultats d'une étude bien longue, qui exige de patientes recherches, de longs calculs: je ne sais si l'exposition complète eût permis de voir un peu mieux à quelles conditions la météorologie pourra prendre rang à côté des sciences exactes, ou tout au moins atteindre une perfection relative, plus en rapport avec l'état actuel de la science générale et des besoins nouveaux des sociétés modernes.

L'ensemble des faits eût probablement justifié un vœu relatif aux observations qu'il est possible de faire dans cette région méridionale que j'aurai eu bien souvent à citer, qu'il se fùt agi de la climatologie de notre pays ou de toute question de météorologie générale. L'importance d'une station que tôt ou tard on sera conduit à y établir, sans exclusion aucune, il va sans dire, ne doit pas d'ores et déjà échapper aux météorologistes et à tous ceux qui se montrent soucieux des progrès de la science, et de ses applications à la conservation ou à l'accroissement de la richesse nationale. Du reste, dans l'intérêt surtout de notre région méditerranéenne, si intimement lié à celui de notre colonie, il serait bien à désirer qu'on voulût bien prendre en considération la savante et puissante organisation italienne dont M. Tacchini nous a si bien entretenus.

M. VAUTHIER

Conseiller municipal de Paris.

CONSIDÉRATIONS SUR LES REPRÉSENTATIONS GRAPHIQUES
DES LOIS DES PHÉNOMÈNES.

Séance du 29 août 1878.

M. ALLUARD

Directeur de l'Observatoire du Puy-de-Dôme.

COMPARAISON DES TEMPÉRATURES AUX DEUX STATIONS DU PUY-DE-DOME.

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DE LA MARCHE DES TEMPÊTES QUI TRAVERSENT L'OCÉAN ATLANTIQUE
ET DE LA POSSIBILTÉ D'ANNONCER LEUR ARRIVÉE EN EUROPE.

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Je viens exposer à l'Association française pour l'avancement des sciences quelques-uns des résultats d'une entreprise du journalisme moderne, je veux parler des travaux du bureau météorologique du New

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