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des autres phénomènes physiologiques, et particulièrement des battements

du cœur.

Or, j'ai constaté que les battements du cœur ne s'arrêtent pas au moment même où l'œuf est sorti de la couveuse; mais qu'ils persistent pendant un certain temps, avant de s'arrêter tout à fait; que, de plus, cet arrêt des battements du cœur est d'autant plus rapide que la température est plus basse.

J'ai fait presque toutes ces expériences l'hiver dernier. Or, la température de cet hiver était exceptionnellement douce. Dans mon laboratoire, le thermomètre marquait de 8° à 10°. A cette température, le cœur des embryons battait encore 24 heures après la sortie de la cou veuse: tandis qu'il était arrêté à 48 heures. D'autres expériences, faites pendant l'été et à une température de 19° à 21° m'ont appris que, dans ces conditions nouvelles, l'arrêt complet des battements du cœur est beaucoup plus tardif, puisque le cœur battait encore 7 jours après que l'œuf avait été retiré de la couveuse.

L'arrêt complet des battements du cœur est toujours précédé d'un arrêt de la circulation. En effet, la force des battements diminue en même temps que leur fréquence. A cette époque de l'évolution, c'est-àdire au commencement du quatrième jour, les vaisseaux ne se sont pas encore produits dans les divers organes de l'embryon, et l'appareil circulatoire n'est encore constitué que par les vaisseaux de l'aire vasculaire; c'est-à-dire par l'aorte et les artères omphalo-mésentériques qui conduisent le sang jusqu'à ces vaisseaux, et par les veines omphalo-mésentériques, par la veine ascendante et la veine descendante qui ramènent le sang de l'aire vasculaire jusqu'au cœur. Il résulte alors de la diminution de force des battements que le cœur ne se vide plus complétement pendant la systole, comme il le fait dans les conditions normales. Tous les embryogénistes savent que lorsqu'à cette époque, on observe le cœur à l'œil nu, il apparaît sous la forme d'un point rouge qui disparaît complétement pendant la systole, pour reparaître pendant la diastole. Ce point rouge persiste au contraire pendant la systole, lorsque les battements du cœur ont perdu de leur force. On voit alors le mouvement du sang s'arrêter dans les vaisseaux capillaires de l'aire vascu laire; et cet arrêt du sang est le point de départ de congestions. Je n'ai pu voir si, dans ce cas, il y a, comme beaucoup de physiologistes l'admettent, une dilatation des vaisseaux capillaires. Mais j'ai constaté un fait qui me parait avoir une assez grande importance dans le mécanisme des congestions. Lorsque le sang circule, même dans les vaisseaux dont le calibre est le plus petit, les globules rouges ne se trouvent jamais que dans l'axe des vaisseaux; ils sont séparés de la paroi vasculaire par une couche liquide de sérum. Or, j'ai toujours vu que

lorsque le sang s'arrête, les globules rouges se répandent dans toute la cavité du vaisseau. Si l'on n'observait qu'à la vue simple, on pourrait croire à une dilatation; mais l'emploi de la loupe et du microscope permet de reconnaître que cette apparence dépend seulement de l'expansion des globules rouges dans toute l'étendue de la cavité vasculaire.

La fréquence des battements du cœur est alors considérablement diminuée. Elle tombe à huit par minute; puis à quatre et trois par minute. Les battements sont alors séparés par d'assez longs intervalles. On voit alors, au moment de la systole, le sang se mouvoir dans les artères omphalo-mésentériques en suivant son cours normal, et en même temps refluer dans les veines omphalo-mésentériques, la veine ascendante et la veine descendante. Immédiatement après la systole, le sang éprouve dans tous ces vaisseaux un mouvement en sens inverse qui le fait refluer dans les cavités du cœur, mouvement qui se manifeste aussi bien dans les artères que dans les veines.

Il arrive enfin un moment où le cœur cesse de se contracter. Comme je l'ai dit plus haut, ce fait se produisait entre la 24° et la 48 heure après l'arrêt de l'incubation, lorsque je faisais ces expériences par une température de 8o à 10o. Or, j'ai vu que, lorsque l'on ouvrait les œufs durant cette période, et qu'on touchait le cœur avec de l'eau tiède, les battements recommençaient, même plusieurs jours après leur cessation complète. Toutefois la fréquence et la force des battements étaient d'autant plus marquées que l'arrêt avait été moins long. Il arrivait un moment où l'oreillette seule était capable de se contracter. On sait que Galien a déjà signalé l'oreillette comme l'ultimum moriens. Après cinq jours d'arrêt, je n'ai plus rien obtenu.

La réapparition du battement du cœur se produit de la même façon, quand, au lieu d'employer le contact de l'eau chaude sur des embryons retirés des œufs, on laisse les œufs intacts et on les replace dans la couveuse. Mais alors j'ai observé des faits entièrement inattendus.

Lorsque j'ai remis en incubation des œufs retirés de la couveuse de puis deux jours, l'évolution complétement arrêtée depuis ces deux jours, s'est généralement rétablie et a repris son cours normal. Les embryons soumis à ces conditions, n'ont pas, pour la plupart, atteint l'époque de l'éclosion. Toutefois, j'ai pu voir éclore un poulet soumis à ces conditions et qui a brisé sa coquille le 23 jour au lieu du 21°. Le poulet, né au commencement du mois de mars, est devenu un très-beau coq, qui vit encore au moment même où j'écris ces lignes. Dans quelques cas seulement, la reprise de l'évolution n'avait pas eu lieu.

Dans tous ces cas, la circulation avait été complétement arrêtée. Quant aux battements du cœur, ils s'étaient considérablement ralentis ou même avaient complétement cessé.

Je ne puis assurément en donner la preuve directe, car les battements du cœur ne peuvent se voir au travers de la coquille. Mais, à défaut d'une certitude absolue, j'ai, du moins, de très-fortes présomptions, résultant de l'ouverture d'oeufs qui avaient été soumis exactement aux mêmes conditions que ceux que je replaçais dans la couveuse. Pour éviter les causes d'erreur pouvant se produire pendant le détachement du blastoderme, je me contentais d'enlever la partie de la coquille qui recouvrait l'embryon, et j'étudiais l'embryon au travers de la membrane vitelline en l'éclairant à l'aide d'un miroir et en l'observant à la loupe, comme les médecins observent la rétine à l'aide de l'ophthalmoscope. Ces observations que j'ai faites avec le concours du Dr Martin, médecin de l'École polytechnique, m'ont permis de constater, dans certains cas, l'arrêt complet des battements du cœur.

Les phénomènes physiologiques dont l'embryon est le siége après trois jours d'incubation, ne consistent encore que dans l'évolution et la circulation de l'aire vasculaire. Il y avait donc eu suspension de la vie sous l'influence du refroidissement; puis réapparition des phénomènes de la vie sous l'influence de la chaleur de l'incubation.

Cette suspension complète et cette reprise de la vie, constatées depuis longtemps chez les végétaux et chez les animaux à sang froid, n'avaient jamais été observées chez les animaux à sang chaud. Nous savons, en effet, par les travaux de M. Bouchut, que dans la syncope, si longtemps attribuée à la cessation complète des battements du cœur, il y a seulement diminution du nombre et de l'énergie des battements.

M. Bouchut s'en est assuré par l'emploi de l'auscultation qui permet de constater l'existence des battements du cœur, lorsqu'ils ne sont perceptibles ni par l'application de la main sur les parois thoraciques, ni par l'inspection des battements des artères.

Ces observations de M. Bouchut ont d'autant plus d'intérêt qu'elles s'appliquent aux mammifères hibernaux. Y a-t-il dans l'hibernation arrêt complet des battements du cœur, puis reprise des battements avec la cessation de l'engourdissement hibernal? Il y a des observations de Saissy qui sembleraient indiquer que, dans l'hibernation, le cœur s'arrête complétement. Mais, dans ces observations, l'arrêt complet des battements du cœur n'a été constaté que par la mise à nu de cet organe; et il aurait bien pu en être la conséquence. On doit donc se demander si, avant l'opération, l'auscultation n'aurait pu faire constater l'existence de battements complétement imperceptibles par d'autres méthodes.

A l'époque de l'évolution où j'ai observé ces faits, l'embryon est déjà presque entièrement formé. Il en résulte que ce refroidissement temporaire ne peut déterminer qu'un très-petit nombre d'événements tératogéniques. Les seules monstruosités que j'ai observées chez quelques-uns

de ces embryons, étaient des cas d'éventration ou de célosomie, tenant à un arrêt de développement des parois abdominales.

La reprise de l'évolution ne s'est pas produite, lorsque j'ai replacé dans la couveuse des œufs qui en avaient été retirés depuis trois ou quatre jours. Il y a eu seulement, dans plusieurs de ces œufs, réapparition des battements du cœur qui ont duré pendant quelque temps, puis se sont complétement arrêtés. Ces battements étaient d'ailleurs peu fréquents et peu intenses. La mort s'est toujours produite au bout de deux ou trois jours.

Il faut ajouter que ces faits se rattachent tous à une certaine période de l'évolution, et aussi à un certain degré de température. Il m'est absolument impossible de prévoir ce qui aurait lieu si l'on prenait des embryons à un autre âge, ou bien si l'on soumettait des embryons du même âge à un degré différent de refroidissement. L'expérience seule pourra décider la question.

Les conséquences de ces faits sont évidemment très-nombreuses. Mais je ne puis que les indiquer, pour le moment. On voit de suite que l'incubation peut être suspendue pendant un certain temps, sans que cette suspension ait d'autre résultat que celui d'un retard de l'éclosion. Cela n'explique-t-il pas comment, chez certains oiseaux, les autruches, par exemple, l'incubation n'est pas continue.

On n'a pas encore étudié les conditions du développement de l'embryon dans les œufs des animaux à sang froid, que l'absence d'incubation au moins dans le plus grand nombre des cas, expose à des alternatives de refroidissement et de réchauffement. Il est très-probable que ces alternatives ont pour effet de ralentir et même de suspendre pendant un temps plus ou moins long les phénomènes physiologiques de l'embryon, et que là aussi la suspension de ces phénomènes n'entraîne pas immédiatement la mort. C'est une question que je soumets aux physiologistes qui s'occupent de l'étude de ces animaux.

DISCUSSION

M. POUCHET rappelle en quelques mots son procédé et pense qu'on pourra, en se plaçant dans certaines conditions de température et de milieu et en se mettant autant que possible à l'abri des moisissures, développer un œu de poule en dehors de la coquille de l'œuf, dans un vase poreux, par exemple.

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M. GIARD a rencontré sur le littoral de la Loire-Inférieure deux espèces nouvelles de ce genre, observé seulement jusqu'ici par Fritz Muller sur la côte du Brésil. L'une d'elles, parasite du Grapsus varius, présente un embryon trèsintéressant. Cet embryon possède, en effet, entre les rudiments des yeux latéraux des Isopodes un œil médian offrant tout à fait la constitution de l'œil du Nauplius. Le stade Nauplius n'avait pas été constaté d'une façon bien nett chez les Isopodes. A ce point de vue, l'observation de M. Giard présente une grande importance pour la théorie de la descendance en général, et en particulier pour l'établissement de l'arbre phylogénique des crustacés.

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J'ai entrepris, il y a déjà un an, une série de recherches sur la nutrition des animaux invertébrés (vers, arthropodes, mollusques), qui m'a conduit à étudier les échanges gazeux avec l'atmosphère aux différentes périodes de la vie de l'animal.

Aujourd'hui, j'appellerai seulement l'attention sur les variations du poids des insectes aux différents états de leur métamorphose, et surtout dans la nymphe où les excreta sont uniquement gazeux. Ces variations ont été observées, soit dans l'évolution normale, c'est-à-dire quand l'animal parcourt toutes ses transformations depuis l'œuf jusqu'à l'état parfait; soit lorsque, par des circonstances naturelles ou provoquées il s'arrête dans l'un des états intermédiaires où il se dessèche.

Si l'on trace une courbe en prenant pour abscisses les temps et pour ordonnées les poids, on trouve

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