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M. G. LAGNEAU.

DISCUSSION

A propos du double rapprochement fait par M. Rivière d'une part entre les sculptures des rochers des Hautes-Alpes et celles des rochers des Canaries, et, d'autre part, entre les troglodytes de Cro Magnon, voire même de Baoussé Roussé et les Guanches des Canaries, je ferai remarquer que dans des pays intermédiaires aux Canaries habitées par les Guanches dolichocéphales, et aux rives de la Vézère habitées par les troglodytes de Cro Magnon dolichocéphales, aux fémurs à colonne, aux tibias platycnémiques, ont habité d'autres humains présentant des caractères anthropologiques plus ou moins analogues; tels sont les kabyles dolichocéphales du nord de l'Afrique occidentale observés par M. le Gal Faidherbe, les troglodytes dolichocéphales de Gibraltar, chez lesquels M. Busk a pour la première fois remarqué la platycnémie, certains Basques dolichocéphales du Guipuscoa étudiés par MM. Broca et Velasco, les troglodytes de Sorde étudiés par MM. Chaplain Duparc, Lartet et Hamy, etc. (1).

Des données archéologiques signalées par M. Rivière, des données anthropologiques actuellement rappelées, on peut également rapprocher les documents légendaires, sinon historiques, tirés de Platon, de Théopompe tendant à montrer qu'en effet, de nombreux conquérants, 9,000 ans avant Solon, éváxi xian soit environ 9,600 ans avant notre ère, sortis des îles Atlantiques, en partie submergées depuis, auraient envahi notre Europe occidentale; légende historique que Posidonius et Strabon paraissent admettre, et qu'Ammien Marcellin semble confirmer en rapportant d'après les Druides gaulois, qu'une partie des habitants de notre pays provenait d'îles éloignées, ab insulis extremis (2).

M. LEGUAY expose que le procédé graphique suivant lequel les dessins du lac des Merveilles ont été exécutés lui paraît absolument le même, au point de vue pratique, que celui employé par les auteurs des dessins des îles Canaries, dont M. Chil lui a montré les estampages.

rentré en France peu de temps après cette communication, confirment entièrement ces analogies, par les renseignements et les dessins qu'il a bien voulu me communiquer.

der.

(1) FAIDHERBE: Rech. anthrop. sur les tombeaux mégalithiques de Roknia: Bull. de l'Acad. d'Hippone, 1868 et Congr. int. d'anthrop. et d'archéol. de Bruxelles 1872, p. 406. BUSK: the ReaBROCA Sur les crânes Basques: Bull. de la Soc. d'Anthrop., t. IV, p. 38-62, 1863. CHAPLAIN-DUPARC et HAMY: Bull. de la Soc. d'Anthrop. 2o sér., t. IV, p. 516, 525, etc. 1874. D. QUATREFAGES et HAMY: La race de Cro Magnon dans l'espace et dans les temps: Bull. de la Soc. d'Anthrop. 2o sér. t. IX, p. 260 et Croniathen, p. 96.

(2) PLATON. Critias, p. 251 du t. II; Timée, p. 202, coll. Didot.

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THEOPOMPE, fragm. 76, p. 289

du t. Ier des Hist. Græcor. fragm. coll. Didot.- STRABON: liv. II, cap. 1, § 6, p. 84 coll. Didot. AMMIEN MARCELLIN: liv. XV, cap. IX.

M. le Dr CHERVIN

SUR UN ESSAI DE GÉOGRAPHIE MÉDICALE DE LA FRANCE.

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Lorsqu'on parcourt les rares ouvrages écrits depuis vingt ans sur la géographie médicale, on est véritablement étonné de voir combien les renseignements et les opinions présentés dans ces travaux sont vagues et manquent de précision. Aussi ai-je voulu combler, dans la limite de mes moyens, cette lacune si regrettable à tant d'égards.

Or, le ministère de la guerre publie chaque année les procès-verbaux des conseils de révision; on y trouve détaillé pour chaque département lenombre des conscrits exemptés comme atteints d'infirmités les rendant impropres au service militaire. C'est à ces sources officielles que j'ai puisé pendant vingt ans les renseignements qui ont servi à mes calculs et m'ont permis de tenter un essai de topographie pathologique de la France.

Ce n'est pas la première fois qu'un semblable travail a été entrepris. Boudin, Devot, Broca, Lagneau, Chervin ont déjà indiqué la distribution géographique de quelques infirmités; mais, outre que leurs calculs embrassent en général un petit nombre d'années, un vice de méthode d'exécution, que nous avons su éviter, a enlevé à leurs calculs une partie de leur valeur.

Voici donc comment j'ai procédé :

Pour étudier la fréquence d'une infirmité, il faut comparer le nombre des conscrits exemptés pour cette infirmité à celui des examinés. Le rapport indique le chiffre moyen proportionnel des exemptés. C'est de cette façon que tous les statisticiens qui se sont occupés de la question ont opéré. Mais que doit-on entendre par « examinés »>?

Quelques auteurs, au nombre desquels se trouve Bourdin, considèrent comme examinés tous ceux qui ont été l'objet d'un examen de la part du conseil de révision, ce qui est absolument illogique. Voici en effet comment procèdent les conseils de révision.

Lorsqu'un conscrit se présente devant le conseil, sa taille est tout d'abord constatée. S'il n'a pas la taille réglementaire, il est exempté comme tel sans autre examen; s'il a la taille voulue, il est admis à faire valoir ses cas d'exemption. En première ligne se trouvent les motifs légaux spécifiés dans l'article 13 de la loi du 21 mars 1832 (fils aînés de veuves, etc.). S'il se trouve dans un de ces cas prévus par la loi, il est exempté, et le Conseil ne s'occupe pas de savoir s'il est ou

non affecté d'une infirmité quelconque. Ce n'est donc qu'en troisième lieu, alors qu'il a la taille voulue et qu'il n'a aucun motif légal d'exemption à faire valoir, qu'on examine le conscrit au point de vue de ses infirmités physiques. Il paraît donc bien évident par conséquent que, si nous faisons la statistique des bossus, des bègues ou des boiteux, les exemptés pour petitesse de taille et ceux qui l'ont été en vertu de l'article 13 doivent être défalqués du nombre des examinés, puisqu'en réalité le Conseil ne s'est pas inquiété de savoir s'ils étaient atteints de l'infirmité en question.

Mais il y a plus, je dis que le nombre des examinés au point de vue d'une infirmité n'est pas encore représenté par le nombre total des conscrits soumis à l'examen du Conseil, moins les courts de taille et ceux compris dans l'article 13.

Les examinés au point de vue d'une infirmité se composent du nombre des déclarés bons pour le service et des exemptés pour cette infirmité.

Un exemple le fera mieux comprendre.

Le nombre des conscrits de la classe de 1850 soumis à l'examen du conseil de révision a été de 164,405, se décomposant comme il suit :

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J'ai montré tout à l'heure que les défauts de taille et les exemptions spécifiées par l'article 13 n'étaient pas à proprement parler examinés, cela fait déjà 35,812 à défalquer. Voyons ce qui arriverait si on étudie les hernies par exemple.

Les cas de réforme pour hernies se sont élevés pour la classe de 1850 à 2,839; eh bien, je dis que les 45,594 autres exemptés pour diverses infirmités doivent être également défalqués, car ils n'ont pas été examinés au point de vue des hernies; puisqu'ils ont été exemptés pour un autre motif, c'est qu'apparemment ils n'avaient pas de hernie.

Le nombre des conscrits véritablement examinés par le conseil de révision pour savoir s'ils étaient porteurs de hernie, et par conséquent les seuls qui doivent servir de point de comparaison, sera donc de: 164.405 (35.81245.594) 82.999. =

Comme on le voit, la différence est grande. Au lieu de trouver pour moyenne 17.2, comme cela arriverait si on se servait du chiffre brut donné par les chiffres officiels, je trouve 34.2 par la méthode que je viens de développer et qui est infiniment plus exacte.

C'est là une erreur qu'ont commise Boudin, Lagneau et d'autres, et qui, par conséquent, doit nous mettre en garde dans l'appréciation des résultats donnés par eux.

Je suis malheureusement obligé d'avouer de mon côté que, si mon procédé est plus rigoureux, et, partant, que les résultats sont d'une probabilité plus approchée, ils ne représentent pas exactement les faits. Quelle valeur doit-on donc attribuer à mes calculs ?

Outre les erreurs d'approximation inévitables dans tout calcul de probabilité, je dois dire qu'il y a nombre de conscrits qui, déclarés bons pour le service au moment du conseil de révision, sont exemptés au corps lorsqu'un examen plus attentif, une observation plus prolongée a démontré qu'ils sont incapables de servir. D'autres, en plus grand nombre, appartenant à des familles aisées, préféraient payer un remplaçant (1), à être exemptés, dans la crainte que cela ne nuise à leur établissement. Enfin, il faut compter nombre de malheureux considérés comme bons pour le service et dont cependant le développement physique incomplet n'a pu supporter les fatigues des camps et la mauvaise hygiène militaire, et qui sont morts quelques mois après leur entrée au corps.

Toutes ces causes réunies nous empêchent donc d'étudier d'une façon complète l'aptitude au service militaire de nos jeunes gens de 20 ans. Je ne puis donc dire qu'une chose, c'est que mes calculs représentent les faits dans leur intensité minimum.

(1) Mes calculs se rapportent aux années 1850-69, époque a laquelle le service militaire n'était pas obligatoire.

GÉOGRAPHIE MÉDICALE DE LA FRANCE Maintenant que j'ai exposé la méthode de calcul, je vais indiquer sommairement la marche suivie dans mes études.

Mon travail comprend deux parties.

J'ai d'abord calculé le nombre de conscrits exemptés pour toutes les infirmités en général, ce qui m'a montré dans quelle mesure les conscrits de chaque département étaient aptes au service militaire.

Ainsi qu'on le verra dans le tableau suivant (tableau no 1), les variations sont très considérables, et le minimum est au maximum à peu près comme 1 est à 2.

J'ai ensuite étudié quelles étaient les variations quinquennales et décennales éprouvées à cet égard par chaque département, et j'ai dressé alors un tableau de ces variations qui montre les départements où le nombre des cas d'exemption a augmenté d'une période décennale à l'autre, ceux où il a diminué, ceux enfin où il est resté stationnaire.

Si des infirmités en général considérées dans chaque département, je passe à l'étude spéciale de chacun des cas d'exemption pour la France entière, je vois qu'ils se présentent d'une façon très inégale.

J'ai alors étudié dans chaque département vingt-trois des infirmités les plus fréquemment observées en France, et j'en donne la répartition géographique d'après les calculs reposant sur une période de vingt ans.

La deuxième partie comprend l'étude, dans chaque arrondissement, chaque canton, des sept départements où les cas d'exemption sont les plus nombreux, des dix infirmités les plus fréquemment observées dans ces départements. Grâce à cette étude méthodique, je suis arrivé à constituer la topographie cantonale d'une certaine partie de la France, et je crois que, sous ce rapport, je suis le premier à avoir abordé un semblable travail.

Comme on peut le voir dans le tableau suivant, le nombre proportionnel des cas d'exemption pour infirmités varie considérablement d'un département à l'autre.

La proportion des exemptés pour infirmités est de 343.1 pour 1,000 conscrits, c'est-à-dire à peu près 1 sur 3.

Dans le but de rendre plus facile l'étude des causes du plus ou moins grand nombre d'exemptés dans tels ou tels départements, j'ai groupé les départements en cinq catégories, et voici comment je m'y suis pris. Mais d'abord pourquoi cinq catégories ?

Il est généralement admis qu'il est préférable d'adopter un nombre impair de catégories, et je me suis arrêté au chiffre 5, pour répondre à cette pensée d'avoir deux catégories pour les moyennes extrêmes, minima et maxima, une catégorie pour les moyennes voisines de la moyenne générale et deux catégories intermédiaires entre les catégories extrêmes et la catégorie moyerne.

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