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Mme Clémence ROYER

SUR LE SYSTÈME PILEUX CHEZ L'HOMME ET CHEZ LES MAMMIFÈRES.

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Mme Crémence Royer examine cette question : l'homme provient-il d'une espèce qui a perdu ses poils ou d'une espèce qui n'en a jamais eu?

Elle penche vers cette dernière solution bien que la tendance générale actuelle semble être en faveur de la première.

L'homme, en effet, se distingue nettement de toute la classe des mammifères, non-seulement par le peu de développement de son système pileux, mais plus encore par sa distribution en quelque sorte inverse sur les diverses parties du corps. Les points de l'épiderme qui sont le plus abondamment pourvus de poils chez les animaux sont les plus glabres chez l'homme, et réciproquement.

Tandis que la fourrure des animaux est surtout développée sur les parties dorsales, ce sont, au contraire, les parties pectorales qui, chez l'homme, sont les mieux pourvues de poils. La chevelure est absolument caractéristique de l'homme.

Ces caractères semblent primitifs et datent de l'origine même de l'espèce. Si l'homme avait eu un vêtement de poils comme les animaux, on ne voit pas d'ailleurs pourquoi il l'aurait perdu. La sélection naturelle n'aurait pu avoir ce résultat, car il eût été évidemment utile à l'homme à l'état sauvage d'être naturellement vêtu contre les variations climatériques. Ce serait encore aujourd'hui une économie de temps et d'argent. Le sentiment du beau lui-même aurait pu n'y rien perdre, car les femmes les plus élégantes pourraient se contenter de la toilette de l'oiseau de paradis; et même chez les mammifères les variations du pelage auraient pu répondre aux exigences les plus capricieuses de la mode, sous l'influence de la sélection sexuelle dirigée par l'idéal spécifique instinctif.

Il faut donc attribuer la nudité spécifique de l'homme à l'influence directrice de cet idéal qui, agissant également sur les deux sexes, et assurant les sympathies de tous aux individus qui le réalisent le mieux, leur rend toujours plus faciles les conditions de vie et leur assure, en général, une postérité plus nombreuse.

Mais cette influence a dû être primitive, et commencer d'agir dès l'époque où le système pileux a commencé à se développer chez toute la classe des mammifères pour en arrêter dès lors l'évolution chez notre espèce seule

ment.

Cet arrêt d'évolution du système pileux serait donc consécutive à la séparation du groupe des bimanes marcheurs à station droite d'avec le reste des

SYSTÈME PILEUX CHEZ L'HOMME ET LES MAMMIFÈRES 809 anthropoïdes. Le développement du système pileux chez les mammifères, en général, serait ainsi postérieur à cette séparation, postérieur par conséquent à la séparation du groupe des anthropoïdes d'avec les autres primates et de ceux-ci d'avec les autres familles de mammifères.

Nous ne sommes nullement autorisés à croire que ceux-ci ont toujours eu le pelage abondant qui les distingue aujourd'hui, et que les espèces tertiaires aient eu les mêmes fourrures que leurs congénères actuels. Il est évident, au contraire, que les formes dominantes dans les temps géologiques appartiennent à des genres chez lesquels le système pileux est encore aujourd'hui rudimentaire, tels que les pachydermes tapiroïdes, les éléphants, les rhinocéros, les cétacés; tandis que les formes, aujourd'hui si nombreuses en espèces, qui sont caractérisées par les fourrures les plus riches, étaient peu développées quant au nombre et à la taille de leurs individus. On peut admettre que c'est sous l'influence de variations climatériques de plus en plus extrêmes, des climats polaires ou de montagnes et des périodes glanaires successives que les espèces les mieux vêtues se sont multipliées.

Il faut remarquer encore que, dans l'espèce humaine, c'est chez notre race blanche que le système pileux est relativement le plus abondant. Il est étrange que, par ce caractère seulement, elle soit intermédiaire entre les races inférieures et les primates; tandis que les groupes très-inférieurs des races noires et surtout des races jaunes sont restés beaucoup plus glabres. On en peut trouver la raison dans l'origine évidemment boréale des races blanches acclimatées exclusivement aux régions tempérées et froides.

DISCUSSION

M. TOPINARD fait remarquer que quelques races noires sont aussi très-velues et que probablement quelques anciennes races disparues l'ont été encore davantage, et il cite en exemple les Aïnos et l'homme-chien récemment arrivé à Paris et dont on connaît d'autres analogues.

Mme CLÉMENCE ROYER répond qu'elle-même, dans une communication à la Société d'anthropologie, a attribué le développement du système pileux chez l'homme-chien et chez un analogue à une influence d'atavisme convergente qui aurait fait disparaître en ces individus les caractères d'une ancienne race éteinte dont le sang circulerait dans toute notre race blanche, et dont les Aïnos seraient les derniers représentants vivants. Mais l'existence de cette race velue qui aurait eu la peau blanche, confirmerait, en l'expliquant, le développement plus complet du système pileux chez la race blanche qu'elle a signalé.

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Dès que l'on eut remarqué aussi chez l'homme le type de quatre circonvolutions, la barrière entre le cerveau de l'homme et celui de certains carnassiers, par exemple, fut surmontée.

Les sillons radiaires présentaient une grande difficulté pour reconnaître qu'il n'existe pas de différence essentielle entre le cerveau de l'homme et des singes, d'une part, et celui des autres mammifères, d'autre part.

Mais l'étude des cerveaux atypiques a démontré que, si un sillon sagittal est empêché dans son développement sagittal, il forme deux branches radiaires à son extrémité. Ces branches deviennent souvent séparées de la partie sagittale par des masses grises, ce qui donne naissance aux sillons radiaires. On constate ce fait le plus clairement, lorsqu'un sillon typique, comme le premier frontal, est divisé en quelques parties.

Ce mode d'évolution des sillons radiaires étant connu, ceux-ci n'offrent plus de différence essentielle.

La différence la plus essentielle consiste, selon l'opinion vulgaire, dans l'occiput (lobe occipital). On croyait que les mammifères à l'exception de l'homme et du singe, n'avaient pas d'occiput. Si l'on sépare bien le cervelet et les ganglions quadri-jumeaux du cerveau, on voit avant tout, qu'il y a chez chaque mammifère un lobe basilaire occipital dans la fosse-réduite-postérieure du crâne; et dans les cerveaux un peu développés, on voit même la séparation en deux circonvolutions, correspondante à la circonvolution linguale et la circonvolution fusiforme de l'homme.

L'occiput de la surface extérieure et le « cuneus >> ne manquent jamais non plus.

Chez l'homme et les singes le lobe pariétal va directement en arrière et se plie en dedans sur le plan médian. Par ce procédé le procès du lobe pariétal forme le lobe (occipital et celui-ci a pour voisins dans le plan médian en avant le « procuneus et en bas la circonvolution linguale.

Chez les mammifères le lobe pariétal reste à la surface extérieure, en se pliant en bas, parallèlement aux parties qui correspondent au lobe temporal.

Ainsi, par exemple, chez le chat, la partie postérieure des deux circonvolutions supérieures, dès que celles-là se plient en bas, correspondent à l'occiput de l'homme. La partie la plus inférieure des deux dites circonvolutions qui avoisine le bord extérieur du lobe occipital de la base, correspond au « cuneus » de l'homme.

Par ce procédé différent de rotation de l'occiput chez l'homme et les singes d'un côté et chez les autres mammifères de l'autre, le « cuneus » chez les uns, devient voisin de la circonvolution linguale, et chez les autres de la circonvolution fusiforme.

On peut se convaincre par des sections, que cette manière de voir est juste.

Chez tous les mammifères il existe une corne postérieure du ventricule latéral et un procès postérieur de la corne d'ammon, seulement la situation est opposée.

Chez l'homme, le calcar avis est à l'intérieur de la corne postérieure du ventricule latéral; chez les mammifères, il est situé extérieurement et toute la position du « calcar avis » correspond à la position de la partie postérieure et inférieure du lobe pariétal devenue, selon notre manière de voir, le lobe occipital.

Il existe presque toujours un sillon qui sépare la partie postérieure de la surface externe, laquelle correspond à l'occiput du lobe occipital basilaire. Ce sillon représente au point de vue topographique à la fois le sillon occipital inférieur de Vernicke et le sillon calcarin, parce qu'il sépare la partie qui correspond au cuneus du lobe occipital basilaire. De fait, les sections démontrent que ledit sillon joue chez les mammifères le même rôle que le sillon calcarin chez l'homme, car il représente le canal auxiliaire vasculaire de la corne postérieure du ventricule latéral. Quelquefois, comme chez l'ours, ce sillon calcarin des mammifères se prolonge en haut et sépare la partie qui correspond au procuneus de l'occiput et joue alors en même temps le rôle de sillon perpendiculaire occipital.

Chez l'ours, on voit aussi comme prolongement du sillon supérieur un sillon central de Rolando. Ce sillon est caractérisé par sa position au milleu du lobe paracentral qui est très-bien formé chez l'ours.

DISCUSSION

M. TOPINARD regrette que M. Broca, retenu chez lui par une indisposition, n'ait pu entendre le mémoire de M. Benedick, auquel il aurait certainement répondu. Comme M. Benedick, M. Broca a déterminé les analogies qui exis

tent entre le type cérébral des primates et ceux des autres mammifères, mais il les a déterminés tout autrement que lui, en se basant sur l'évolution du grand lobe limbique et sur les connexions qui existent entre les divisions primaires de l'hémisphère et les autres parties du manteau. M. Benedick paraît n'avoir pas connaissance des travaux qui ont été faits en France par ce professeur et par ses élèves et qui ont éclairé d'un jour tout nouveau la question des circonvolutions cérébrales, déjà si bien étudiée cependant par Leuret, Gratiolet et Dareste. M. Topinard s'étonne surtout de la délimitation vague et arbitraire que M. Benedick établit entre son lobe antérieur ou frontal et son lobe postérieur ou occipito-pariétal. A quoi les reconnaît-il ?

M. BENEDICK. A leur situation. J'appelle lobes antérieurs ce qui se trouve à peu près en avant du milieu et postérieur ce qui est en arrière.

M. TOPINARD. C'est bien simple, en effet! Eh bien, en France, nous avons un autre procédé qui est absolument classique. C'est à la scissure de Rolando qui les sépare que nous les reconnaissons.

Cette scissure chez l'homme est la première après la scissure de Sylvius qui apparaît sur le fœtus. Elle est constante dans sa direction et ses moindres dispositions. Elle interrompt complétement le système topographique de circonvolutions de la surface externe de l'hémisphère. Hormis ses deux lèvres qui donnent lieu à deux circonvolutions ascendantes et parallèles, toutes les circonvolutions qui sont soit en avant soit en arrière d'elles sont dirigées dans le sens longitudinal, abstraction faite des sinuosités secondaires de chacune. C'est grâce à elle qu'il nous est permis de suivre les dispositions des lobes antérieur et postérieur chez les animaux, leur degré de développement, leurs relations, leurs plis de passage. C'est par elle que M. Broca a pu décrire ces lobes chez les animaux et dire, les preuves en main, que l'homme a pour caractéristique cérébrale l'exubérance de son lobe frontal et des facultés élevées qui l'occupent.

Le même caractère se retrouve plus ou moins atténué chez tous les primates, tandis que les autres animaux ont au contraire un lobe frontal réduit à peu de chose et en revanche un lobe pariéto-occipital ou plutôt pariétal qui à lui seul remplit presque toute la cavité cérébrale, car, dans les ordres inférieurs aux primates la portion occipitale et la portion temporale se confondent avec le lobe pariétal.

Je me mets du reste à la disposition de M. Benedick et des membres de la section pour leur montrer les 500 moulages de cerveaux de toutes sortes sur lesquels s'appuie M. Broca dans les trois mémoires qu'il a publiés sur ce sujet dans la Revue d'Anthropologie.

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