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pied duquel est un bloc de granit amphibolifère, haut de 98 centimètres et de forme phallique. Le petit bloc, à moitié dressé, a sa partie inférieure enfoncée dans le sol, sous le gros bloc. Il est très-bombé antérieurement; le cône que forme sa partie supérieure révèle le travail de l'homme.

De tout temps, les jeunes gens de Poubeau se sont réunis pour danser près de ce monument et, bien des fois, les garçons et les filles ont abrité leurs rendez-vous à son ombre. Pour enlever tout prétexte au libertinage, M. le curé Soulé a fait planter, en 1871, la croix de fer qui se trouve sur le sommet du gros bloc, et, du haut de la chaire, il a « formellement défendu à ses paroissiens de s'approcher, pour se diver» tir, à moins de cinquante pas de la pierre. »

Naguère encore, les jeunes gens de ce village allaient en procession, le soir du mardi gras, faire sur la pierre un grand feu de paille. Ils marchaient un à un, chacun tenant par derrière celui qui le précédait et s'avançaient dans une attitude et avec des gestes à la fois burlesques et obscènes. Le feu allumé, ils dansaient autour de la pierre, penem manu proferentes. Les rites de cette fête nocturne qu'on célébrait encore il y a une trentaine d'années et qu'on nommait la fête de gagnolis, blessent trop la décence pour que je les décrive avec tous leurs détails.

Sur la montagne de Bourg-d'Oueil se dresse une pierre solidement fichée dans la terre; on l'appelle éra peyra dé Peyrahita. Sa hauteur au-dessus du sol est de 1 mèt. 52 cent. Autrefois, m'a raconté M. Guillaume Cargue, ancien maire de Bourg, les femmes qui voulaient devenir fécondes, allaient se frotter contre cette pierre et l'embrasser avec ferveur. Dans sa jeunesse, M. Cargue a surpris plus d'une femme et plus d'une jeune fille se livrant à cette pratique supertitieuse. Encore aujourd'hui, quand garçons et filles, tout en allant cueillir des fraises, traversent la pelouse où se dresse le menhir, les hommes obligent les filles et les jeunes femmes à embrasser la pierre, et celles qui ne veulent pas l'embrasser s'enfuient en se moquant.

Une autre pierre phallique se trouvait jadis près du village de Portetde-Luchon, sur un monticule appelé le Tyron de la Croix. Justement irrité des pratiques dont la pierre était l'objet, un curé de cette commune la fit briser, et il planta une croix à sa place; mais la croix fut enlevée tout aussitôt, sans que l'on sût comment. Les débris du granit sacré furent recueillis et remis à leur place. En 1871, l'intelligent curé de Portet, en fit disperser de nouveau les fragments, et, grâce à certaines précautions qu'il prit, nous a-t-il raconté, à M. Piette et à moi, il parvint à faire ériger une croix de bois au lieu même où se trouvait autrefois la pierre sacrée. Mais l'ouvrier qui avait façonné et planté la

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croix, Théodore Bilot, homme jeune et très-robuste, tomba malade aussitôt qu'il eût terminé cette besogne et il mourut peu de temps après. Aux yeux de quelques personnes, sa mort eut une cause surnaturelle : « On aurait dû placer la croix un peu plus loin, et non à l'endroit » même où était précédemment la pierre, observa le vieux Germès, en » notre présence, et alors le malheur ne serait pas arrivé, peut-être. » On le voit, le culte de la pierre, même de nos jours, est un fait malheureusement trop réel; il tend à disparaître complétement, mais il est facile de découvrir encore les restes de ce paganisme tenace.

D'ailleurs, ce n'est pas dans le pays de Luchon seulement que l'on constate l'existence de telles superstitions. « A l'entrée de la vallée d'Aspe » (Hautes-Pyrénées), dit M. Dumège, on remarque un rocher de forme » conique les femmes vont y frotter leur ventre, quand elles sont >> frappées de stérilité. » A Ker-Rohan (Côtes-du-Nord), sont divers monuments mégalithiques, notamment un pilier sur lequel on voit une bosse en forme d'œuf qu'on a trouvée sur quelques menhirs. « Ce lieu, dit » M. Henri Martin, est l'objet de pélerinages traditionnels, et les femmes >> vont y demander la fécondité. » Près de Saint-Renan (Finistère), s'élève un grand menhir en granit; sur deux de ses faces opposées, on voit une bosse ronde, taillée de main d'homme. « Ces bosses, dit Fré» minville, reçoivent encore une sorte de culte bizarre de la part des > paysans des environs. Les nouveaux mariés se rendent dévotement au

pied de ce menhir, et, après s'être en partie dépouillés de leurs vête>>ments, la femme, d'un côté, l'époux, de l'autre, se frottent le ventre » nu contre une de ses bosses. L'homme prétend par cette cérémonie >> ridicule, obtenir des enfants mâles, plutôt que des filles, et la femme » se persuade que par là, elle obtiendra l'avantage d'être la maîtresse » absolue dans son ménage. »

III.

Le cadre qui m'est tracé est si restreint que je vais traiter en quelques ligues des sujets qui devraient former chacun un chapitre.

On rencontre dans le pays de Luchon un grand nombre de pierres habitées par des génies que l'on nomme incantades. Quand le principe du bien et le principe du mal étaient en guerre, certains esprits ne voulurent prendre parti ni pour l'un ni pour l'autre. Après sa victoire, Dieu garda les bons anges avec lui, dans le ciel, précipita les démons dans l'enfer et, pour punir les esprits qui avaient gardé la neutralité, il les exila sur la terre où ils doivent se purifier par de fréquentes ablutions. Ces esprits, moitié anges et moitié serpents, sont les incantades. Chaque incantade habite une pierre sacrée; il lui est défendu de s'en éloigner. vu, on en voit encore faisant ses ablutions dans la source voi

On en

sine, y lavant son linge, plus blanc que la neige, et l'étendant ensuite, pour le faire sécher, sur les roches de la montagne. Ces génies font parfois du bien, jamais du mal. Si l'on n'en voit guère plus aujourd'hui, c'est que la plupart s'étant purifiés, ont pu retourner au ciel.

Génies solitaires et primitifs, les incantades ne doivent pas être confondus avec les fées (hadés, hédélés), qui font aussi de fréquentes apparitions dans le pays de Luchon.

Parlerai-je des pierres des serpents ou pierres vivantes? Un vieillard de Luchon, M. Chanfrau, affirme qu'autrefois on voyait dans les forêts du voisinage, de grands serpents qui avaient une pierre brillante sur la tête. Ces serpents fort rares, allaient très-vite, en faisant un grand bruit. Si l'on parvenait à en tuer un, on s'emparait de la pierre, talisman très-précieux.

Dans le Bas-Comminges, on attache au cou des animaux, des clochettes dont les battants sont des pierres aiguës, propres à combattre les maladies épidémiques, et que, pour ce motif, on nomme peyrés dé pigotés (pigotés, petite vérole). Ces pierres sont souvent de petites haches ou des pointes de flèches de l'âge de pierre.

Sur le sommet du toit de quelques vieilles maisons, on remarque une pierre, posée debout, brute ou très-grossièrement taillée. Cette sorte de divinité domestique veille sans cesse sur la maison. Les vieillards ne souffrent pas qu'on enlève ces pierres, aujourd'hui très-rares. Il est donc malaisé de s'en procurer, même à grand prix. J'en possède une que plusieurs chercheurs et moi-même, nous avions souvent observée sur le toit d'une maison sise au pied de la montagne d'Espiaup, dans la vallée de Larboust. C'est un petit bloc de granit grossièrement taillé, haut de 43 centimètres et représentant, semble-t-il, le profil d'une tête humaine. La partie inférieure forme une sorte de socle, de manière à ce que la pierre puisse se tenir debout. Dans une vitrine du Pavillon des sciences anthropologiques, à l'Exposition universelle, on voit aussi des statuettes en bois que les Néo-Calédoniens ont coutume de poser sur le sommet de leurs cases.

Que de faits, que de croyances j'aurais à raconter ici! S'il plaît à Dieu, je publierai prochainement un essai sur les Mythes et légendes des Pyrénées.

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Les membres de l'Association assez nombreux ont été reçus par le professeur Broca, directeur du laboratoire d'anthropologie de l'école des Hautes-Études, le docteur Topinard, sous-directeur, MM. Chudzinski et Khuff, préparateurs.

M. Broca a expliqué que le musée dont sa grande série des Parisiens étudiée en 1862 a formé le premier noyau, comprend aujourd'hui 4,000 crânes, 50 squelettes humains, près de 500 moulages de cerveaux, une centaine de bustes et types pour l'étude du vivant, un assortiment non pas considérable, mais complet des matériaux les plus nécessaires pour l'étude de l'anatomie comparée et pour l'enseignement de l'archéologie préhistorique, plusieurs collections d'ethnographie, quelques centaines de pièces conservées dans l'alcool et réservées pour des études ultérieures et une collection, la seule de ce genre en Europe, de tous les instruments de craniométrie, de craniographie et d'anthropométrie usités précédemment et actuellement en anthropologie.

Ce musée, entièrement dû à l'initiative privée et en bonne partie aux dons des chirurgiens de marine et de l'armée et aux correspondants de la société d'anthropologie, est la propriété collective de trois autonomies; la société d'anthropologie qui, quoique y ayant contribué pour la moindre part en fut le premier parrain, le laboratoire d'anthropologie, qui depuis dix ans y consacre tout le travail de son personnel et l'école d'anthropologie, issue du laboratoire et chargée de mettre à profit ces richesses pour la diffusion et la connaissance de l'homme et des races humaines.

M. Topinard s'est chargé ensuite de faire les honneurs des vitrines en particulier. Il a montré surtout la collection si remarquable de moulages de cerveaux, de cerveaux conservés, durcis artificiellement, de calottes crâniennes avec report à la surface, de la topographie des circonvolutions cérébrales sous-jacentes, de moules intracraniens dus presque uniquement à M. Broca personnellement et à son digne aide M. Chudzinski. Un choix des pièces les plus démonstratives se trouvait en ce moment à l'exposition des sciences anthropologiques, mais ce qui restait est encore la plus étonnante collection et la seule en ce genre concernant la morphologie du cerveau suivant les races, les âges et les sexes et dans la série des mammifères.

Le beau gorille en carton pâte de M. Auzoux, trois squelettes de gorilles à côté, un squelette de microcéphale les touchant, le squelette à onze côtes contiguës attirèrent ensuite l'attention, puis les momies d'Egypte, du Pérou, des Canaries, les déformations crâniennes en si grand nombre et de toutes sortes que posséde le musée, les microcéphales, encore une collection exceptionnelle, etc.

Les membres présents avaient manifesté, quelques jours auparavant, leur étonnement de la richesse des collections rassemblées au pavillon des sciences anthropologiques et quelques-uns s'étaient imaginé que la Société avait vidé ses vitrines Ils ont pu constater qu'au contraire la Société, ou mieux l'Institut anthropologique, avait tenu à laisser intact son musée, à ne prêter que çà et là quelques doubles et qu'au sortir même de l'exposition, le musée fondé par M. Broca apparaissait comme une œuvre presque individuelle, encore plus caractéristique de la fin du XIXe siècle.

Vœux émis par la 11° Section

Dans sa séance du 23 août, la section a émis le vœu suivant :

La section d'anthropologie exprime le vœu que l'administration du ministère de la guerre veuille bien publier in extenso la statistique par canton des causes d'exemption du service militaire.

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