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d'idées qui ont dicté la règle d'après laquelle les nationaux ne sont pas soumis à l'extradition. C'est un corollaire éloigné de cette règle, et l'application en est peu favorable aux intérêts de la justice. On se rend compte des obstacles qui peuvent résulter, pour la recherche de la vérité, du refus opposé par la Puissance requise à l'exécution d'une commission rogatoire, parce qu'un de ses nationaux se trouve impliqué dans les poursuites. Il faut dire, d'ailleurs, que la restriction insérée dans le traité bavarois ne paraît pas avoir chance d'être acceptée par la jurisprudence internationale: elle ne figure dans aucune des conventions conclues par la France et par d'autres États, postérieurement au traité du 29 novembre 1869. Nous savons, en outre, que le principe, en vertu duquel les nationaux ne sont pas soumis à l'extradition, est mis en discussion, et paraît déjà fort ébranlé. Les critiques, qu'il soulève, s'appliquent avec plus de force encore à la restriction bavaroise.

L'exécution des commissions rogatoires entraîne souvent des frais. Nous avons indiqué, dans un chapitre spécial, l'attribution qui en est faite. D'après une règle généralement reçue, les frais dont il s'agit restent à la charge de la Puissance sur le territoire de laquelle la commission rogatoire est exécutée. Une sorte de compensation s'établit naturellement entre les deux gouvernements, qui évitent ainsi les ennuis et les difficultés de règlements de comptes incessants.

Il n'est fait d'exception que pour les expertises criminelles, commerciales ou médico-légales, qui sont réclamées rarement et peuvent entraîner des frais considérables: le gouvernement requis est fondé à demander la restitution des frais résultant de commissions de cette nature. Cette exception est entrée depuis peu dans le droit conventionnel; car elle figure, pour la première fois, dans le traité conclu entre la France et la Belgique, le 29 avril 1869 (art. 13).

La règle générale a prévalu pour tous les autres cas les frais restent à la charge du gouvernement requis.

Une seule convention fait dissonance dans cette harmonie : c'est le traité du 10 juillet 1854, entre la France et la Principauté de Waldeck et Pyrmont, qui contient la clause suivante (art. 11): « Les frais résultant de l'exécution de la commission rogatoire sont à la charge du gouvernement qui la demande.

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Les premières stipulations conventionnelles, relatives aux com

missions rogatoires adressées à l'étranger, en matière pénale, ne remontent pas à une époque bien éloignée. Dans la série des conventions négociées par la France, le traité du 7 novembre 1844, avec les Pays-Bas, est le premier qui règle la question. Et ce n'est encore qu'un essai isolé! Les conventions postérieures, de 1844 à 1853, n'y consacrent aucun article. Le traité du 23 janvier 1853, avec le Wurtemberg, contient la stipulation suivante (art. 11):

<< Lorsque, dans la poursuite d'affaires pénales, un des gouvernements jugera nécessaire l'audition de témoins domiciliés dans l'autre État, une commission rogatoire sera envoyée, à cet effet, par voie diplomatique, et il y sera donné suite en observant les lois du pays où les témoins seront invités à comparaître. Les gouvernements respectifs renoncent, de part et d'autre, à former aucune réclamation par suite des frais qui en résulteraient. >>

Cette clause est reproduite dans toutes les conventions postérieures.

En 1869, la formule se complète. Voici le texte de l'article 13 du traité franco-belge du 29 avril :

<< Lorsque, dans la poursuite d'une affaire pénale, un des deux gouvernements jugera nécessaire l'audition de témoins domiciliés dans l'autre État, une commission rogatoire sera envoyée, à cet effet, par la voie diplomatique, et il y sera donné suite par les officiers compétents, en observant les lois du pays où l'audition des témoins devra avoir lieu. Les gouvernements respectifs renoncent à toute réclamation ayant pour objet la restitution des frais résultant de l'exécution des commissions rogatoires, à moins qu'il ne s'agisse d'expertises criminelles, commerciales ou médico-légales..... »

Telle est la rédaction consacrée par les traités les plus récents. L'examen des traités conclus par les autres Puissances entre elles, permet de constater que le droit conventionnel est, sur ce point, conforme aux indications que nous avons données.

CHAPITRE II.

COMPARUTION DE TÉMOINS.

La commission rogatoire est le plus souvent employée pour obtenir la déposition d'un témoin résidant à l'étranger: la déposition, reçue par le magistrat requis et signée par le témoin, est mise à la disposition du magistrat ou du tribunal requérant. Mais ce témoignage écrit n'est pas toujours suffisant. Il arrive souvent que la présence même du témoin paraît nécessaire pour l'instruction ou pour les débats. Par quelle combinaison peut-on pourvoir à cet intérêt? C'est encore une question internationale qui ne saurait être résolue que par une entente entre les gouvernements intéressés.

Il s'agit, d'abord, de faire parvenir la citation au témoin, qui réside à l'étranger et dont la présence est réclamée, soit par le magistrat instructeur, soit par l'accusation, soit par la défense. La transmission de cet acte sera effectuée par la voie diplomatique ce mode de transmission garantit le gouvernement requis que la comparution du témoin est réclamée pour des motifs sérieux, et le gouvernement requérant, que la citation est régulièrement effectuée. Le témoin est cité par l'autorité compétente du pays requis, selon le mode prescrit par la loi locale pour cette sorte de procédure.

D'après une règle consacrée par toutes les législations, la personne, citée pour être entendue en témoignage, est tenue de comparaître et de satisfaire à la citation; elle peut, en cas de refus, être frappée de peines sévères et contrainte par corps à venir donner son témoignage. (Art. 80, Code d'instr. cr.) L'application de cette règle doit-elle être étendue au cas qui nous occupe? En d'autres termes, le témoin cité sera-t-il obligé de répondre à la citation émanée d'un tribunal étranger? Aucun principe n'est contraire à une telle obligation. Le pouvoir exécutif n'excèderait pas ses pouvoirs en signant et en faisant appliquer une convention diplomatique qui imposerait aux témoins, respectivement cités, l'obligation de comparaître dans l'autre pays. Nous donnerons

plus loin un exemple d'une convention semblable, qui est restée plus de quarante ans en vigueur. Cependant nous devons dire que cette solution n'a pas été admise par la jurisprudence internationale. On a pensé, qu'à raison des distances et du temps nécessaire pour satisfaire à la citation, l'obligation imposée au témoin serait excessive, et qu'un pareil déplacement pourrait, en certains cas, avoir pour ses intérêts des conséquences désastreuses. Aussi s'est-on décidé à lui laisser la faculté de prendre parti, et d'examiner, en toute liberté, s'il lui est possible de répondre à l'appel de la justice étrangère. Les autorités du pays requis se bornent à lui signifier la citation, à l'engager à y répondre, à lui en faciliter les moyens, et à communiquer sa détermination aux autorités requérantes.

Il est presque inutile d'ajouter qu'une indemnité est allouée au témoin qui répond à la citation. En effet, toute personne, citée à comparaître comme témoin dans le pays même où elle réside, est admise à réclamer, pour son déplacement, une indemnité, dont le chiffre est fixé par les magistrats compétents, d'après les tarifs légaux. A plus forte raison accorde-t-on au témoin, cité à l'étranger, un dédommagement pour les frais que lui occasionne son voyage. Le payement de cette indemnité est naturellement à la charge du pays requérant, et la taxation est effectuée d'après les tarifs applicables aux témoins domiciliés dans ce pays même. Cette obligation, pour le gouvernement requérant, forme ordinairement l'objet d'une clause spéciale dans la convention: ce qui permet au gouvernement requis d'affirmer au témoin cité qu'une indemnité lui sera accordée, de lui en préciser le chiffre, et de tenir la main à ce que le payement en soit effectué.

Cela ne suffit pas. La taxation et le règlement de l'indemnité ne peuvent être effectués qu'après l'arrivée du témoin et après son audition; il est donc obligé de faire l'avance de la somme nécessaire pour le voyage et de tous les frais de son déplacement. Le chiffre en est souvent élevé, et la personne citée peut n'avoir pas de fonds disponibles, ou n'être pas disposée à faire de telles avances. Comme elle est libre de ne pas satisfaire à la citation, ce motif suffira pour la déterminer à ne pas partir. Les gouvernements avaient donc à s'entendre pour prévoir et lever une telle objection. Une combinaison bien simple s'est présentée et a été adoptée dans la pratique : le gouvernement requis fait au témoin cité, si celui-ci le demande, l'avance d'une

somme assez élevée pour couvrir les frais du déplacement; le remboursement en est effectué par le gouvernement requérant; et il suffit que l'entente à ce sujet entre les deux gouvernements soit établie par une stipulation conventionnelle. Nous en citerons plusieurs exemples. Nous faisions allusion aux clauses de cette nature quand nous disions que le gouvernement requis facilitait au témoin le moyen de satisfaire à la citation du tribunal étranger.

Un autre motif encore pourrait empêcher le témoin cité de comparaître c'est la crainte d'être poursuivi, dans le pays requérant, pour quelque infraction antérieure, ou pour l'infraction même qui a motivé la citation. Peut-être a-t-il des raisons de redouter que sa déposition ne vienne à changer son rôle, et à faire de lui un complice! Il importe que cette appréhension soit écartée, et que la citation ne puisse aboutir à une extradition déguisée. Aussi le gouvernement requérant prend-il l'engagement que le témoin, qui comparaît volontairement, ne sera ni poursuivi ni détenu pour des condamnations ou des faits civils ou criminels, antérieurs à sa comparution, ni pour complicité dans les faits relatifs au procès où il doit figurer. Cet engagement est de règle, et se trouve consacré dans les conventions les plus modernes par une clause expresse; il est observé par le pouvoir judiciaire, tenu d'appliquer les conventions diplomatiques de cette nature.

Les gouvernements ne pouvaient faire davantage pour déterminer les témoins à répondre aux citations qui leur parviennent de l'étranger. Cependant, malgré toutes les facilités offertes, il est permis de douter que le but proposé soit toujours atteint les ennuis du déplacement, le dérangement, le temps perdu sont des motifs bien suffisants pour déterminer le témoin à user de la liberté qui lui est laissée, et à ne pas répondre à l'appel. Peut-être la jurisprudence internationale se verra-t-elle plus tard obligée d'adopter une solution plus rigoureuse, et de rendre la comparution obligatoire. La facilité et la rapidité toujours croissante des communications auront alors amoindri, d'une manière notable, les inconvénients que cette rigueur offrirait encore aujourd'hui.

La question de la comparution personnelle des témoins a été résolue dans la première convention d'extradition conclue par la France au dix-neuvième siècle. L'article 6 du traité franco-suisse, du 18 juillet 1828, était ainsi conçu :

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