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même où le consentement de l'État requis est donné, sans qu'il soit nécessaire que ce consentement soit connu de l'État requé

ant.

C'est, en effet, à ce moment que se rencontrent les deux volontés dont le concours est nécessaire pour la formation du contrat.

En France, le consentement de l'État requis se manifeste par un décret autorisant la remise du fugitif et rendu par le chef de l'État. C'est donc la date de ce décret qui fixe l'instant de la formation du contrat; peu importe que la notification à l'État requérant n'en soit effectuée que plus tard.

Peut-être serait-on tenté de dire que l'État requérant n'a pas qualité pour invoquer les dispositions d'un décret qui ne lui a pas été notifié et ne peut avoir d'effet que sur le territoire de l'État requis. A cette objection la réponse est simple: l'Etat requérant réclame l'exécution du contrat et non du décret; le décret étant une manifestation incontestable du consentement de l'État requis, a suffi pour donner naissance au contrat.

Aux États-Unis, où l'examen de la demande d'extradition est confié au pouvoir judiciaire, le consentement s'exprime par un mandat délivré par un secrétaire d'État, ordonnant la remise de l'individu réclamé. A la date de ce mandat se placée la formation du contrat.

Si la manifestation du consentement de l'État requis est tacite, la formation du contrat est déterminée par le fait même qui indique le consentement, par exemple, par la remise de l'individu réclamé à l'autorité étrangère. Mais il faut prendre garde qu'aucun doute ne puisse s'élever sur la portée qu'on attribue à un tel fait. Supposons qu'un malfaiteur soit arrêté dans le pays de refuge, et que, sans autorisation, des agents subalternes fassent opérer sont extradition, avant que les autorités compétentes aient statué sur la demande d'extradition: dans une telle hypothèse, le fait de la remise du fugitif est sans portée juridique; aucun consentement n'a été donné; le contrat est nul, et l'État requis est fondé à réclamer la restitution de l'extradé.

Le consentement, quoique régulièrement donné, peut être entaché de certains vices qui en entraînent la nullité.

L'erreur est une cause de nullité du contrat d'extradition, lorsqu'elle porte sur l'individu réclamé.

Il ne s'agit pas seulement ici de l'erreur sur l'identité de la per

sonne. Ainsi l'État requérant demande l'extradition de Pierre, et l'État requis accorde l'extradition de Paul. Il est évident que le contrat est nul, car il n'y a pas de consentement. Si Paul a été livré, l'État requis est en droit d'exiger sa restitution, alors même que l'État requérant aurait de justes motifs pour réclamer aussi son extradition.

L'erreur est encore une cause de nullité, lorsqu'elle porte sur certaines qualités qui font à l'individu réclamé comme une sorte de statut personnel au point de vue de l'extradition. Ainsi, il est de règle, en droit conventionnel, que les nationaux ne sont pas soumis à l'extradition, et que les infractions politiques ne peuvent donner lieu à extradition. Supposons que l'État requis autorise la remise de l'individu réclamé, et qu'il vienne ensuite à découvrir que cet individu est un de ses nationaux. Ou bien, supposons que l'État requis vienne à constater, après l'extradition, que le fait incriminé constitue une infraction politique. Dans les deux cas, l'erreur tombe sur les qualités substantielles de l'objet du contrat: ce contrat est annulable, et le gouvernement requis est fondé à réclamer la restitution de l'individu livré.

On sait qu'en droit international, la violence n'est pas toujours, comme en droit civil, une cause de nullité des conventions. Les traités, que le vainqueur impose, ne sont pas considérés comme entachés d'un vice de consentement qui autorise le vaincu à n'en pas observer les stipulations. Nous n'avons pas, d'ailleurs, à exposer ici les raisons d'intérêt général et de nécessité politique qui maintiennent l'application de cette exception. Nous voulons constater seulement qu'un traité d'extradition ne sera pas toujours entaché de nullité, d'après le droit international actuel, parce qu'il aura été imposé par la violence à l'une des parties contractantes. Ainsi, il peut arriver qu'après une guerre heureuse, le vainqueur fasse insérer dans le traité de paix une clause destinée à placer sous le coup de l'extradition certaines personnes ou certains crimes une telle disposition devra être observée au même titre que les autres stipulations du même traité. Cependant une exception de cette nature doit, on le comprend, être resserrée dans les limites tracées par la stricte nécessité. Autant que possible, le consentement doit être libre.

Le dol peut être une cause de nullité du contrat d'extradition Par dol, il faut entendre ici les manœuvres pratiquées par l'État requérant pour tromper l'État requis et le déterminer à donner

suite à la demande d'extradition. Par exemple, l'État requérant a dissimulé la nationalité de l'individu réclamé : qu'il s'agisse d'un de ses nationaux ou d'un sujet d'un pays tiers, l'État requis est fondé à invoquer la nullité du contrat pour cause de dol. Ou bien, l'État requérant a dissimulé, sous une fausse dénomination, la nature du fait imputé à l'individu réclamé : dans ce cas encore, le contrat est annulable. Peu importe que la véritable nationalité du malfaiteur fugitif ou le véritable caractère du fait incriminé ne soit pas de nature à constituer un obstacle à l'extradition; la nullité n'en subsiste pas moins à raison du dol. L'État requis se trouve ainsi garanti contre une décision motivée par de fausses déclarations, décision qui pourrait lui susciter des difficultés avec des Puissances tierces, ou l'amener à donner involontairement son concours à des persécutions injustes ou à des poursuites politiques. La bonne foi, quoi qu'en disent les politiques de certaine école, est l'âme des relations internationales; elle doit présider à la formation comme à l'exécution des contrats d'extradition.

§ 2.

De la capacité des parties contractantes.

La capacité de négocier et de conclure un traité appartient à tout État souverain: un contrat d'extradition est donc valablement passé entre deux Puissances souveraines.

Quant aux États mi-souverains, il faut faire une réserve leur capacité de contracter peut être limitée à des engagements de certaine nature, par suite de la suzeraineté ou de la protection sous laquelle ils sont placés. Cependant il est difficile d'imaginer qu'un État vassal ne jouisse pas d'une part de souveraineté suffisante pour conclure des contrats d'extradition, au moins avec les Puissances autres que la Puissance suzeraine.

Ainsi la Roumanie est liée par des traités d'extradition avec plusieurs Puissances voisines.

Il ne parait pas douteux que le vice-roi d'Égypte n'ait, malgré la suzeraineté de la Porte, le droit de conclure des contrats et des traités d'extradition. Il convient de remarquer, pourtant, que les Puissances européennes n'ont passé avec cet État aucune convention de cette nature. Elles trouvent, en effet, dans le régime auquel l'Égypte est encore soumise, un moyen facile pour

obtenir l'extradition de leurs nationaux qui y cherchent refuge. Les consuls respectifs y sont armés du droit d'arrêter, d'expulser et de renvoyer dans leur patrie, par mesure de haute police et sans jugement, ceux de leurs ressortissants dont la conduite fait naître de justes sujets de plainte. C'est donc à ses consuls que le gouvernement français s'adresse directement pour obtenir la remise à leurs juges naturels des Français réfugiés en Egypte et poursuivis pour infractions commises en France. Ce mode de procéder permet d'éviter la condition de réciprocité que suppose tout contrat d'extradition, et qu'il serait impossible d'admettre, quant à présent, dans nos rapports avec un pays où l'organisation de la justice criminelle n'offre pas encore de suffisantes garanties.

Au nombre des pays mi-souverains, il faut compter la vallée d'Andorre, sur laquelle le chef de l'État français et l'évêque espagnol d'Urgel exercent, par indivis, un droit de suzeraineté. La justice civile et criminelle y est rendue, au nom des suzerains, par leurs délégués, les viguiers, dont l'un est nommé par le gouvernement français et l'autre par l'évêque espagnol. En toute autre matière, ce petit pays possède les attributs d'un État souverain : le gouvernement appartient à un conseil général, dont le président, sous le nom de procureur général syndic, est chargé du pouvoir exécutif. De l'état de subordination dans lequel la vallée d'Andorre est placée au point de vue de l'exercice de la juridiction, il résulte qu'elle ne jouit pas du droit de passer des conventions d'extradition avec les Puissances suzeraines. L'extradition d'un Français réfugié dans le pays d'Andorre est effectuée, sur la simple réquisition du pouvoir judiciaire français, par le procureur général syndic. (Voir : arrêt de la Cour de cassation du 9 mai 1845.) Réciproquement, l'extradition d'un habitant de la vallée réfugié en France est opérée sur la réquisition du viguier. Ce mode de procéder s'applique également dans les rapports de l'Espagne avec l'Andorre. Il en serait autrement si la question s'élevait avec une autre Puissance: aucun principe ne paraît s'opposer à ce qu'un gouvernement, autre que le gouvernement français ou espagnol, obtienne, par suite d'une convention spéciale passée avec les autorités andorranes, l'extradition d'un de ses nationaux réfugié dans la vallée. Toutefois nous ne pouvons dire si la question a jamais été posée et résolue en fait.

Il resterait, pour compléter ce qui touche à la capacité des parties contractantes, à déterminer la nature du pouvoir chargé de

les représenter pour la négociation des conventions d'extradition. Ces conventions sont toujours passées au nom de l'État souverain; mais le représentant de cet État, négociateur ou plénipotentiaire, revêtu du pouvoir de conclure la convention et d'y donner force exécutoire, varie selon la loi constitutionnelle de chaque État.

Dans une monarchie absolue, cette prérogative appartient exclusivement au prince, qui a le pouvoir de passer, à son gré, des contrats particuliers n'ayant en vue que l'extradition d'un individu, et des conventions générales destinées à déterminer d'avance les conditions sous lesquelles les extraditions devront être autorisées.

Dans certaines monarchies constitutionnelles et dans quelques républiques, la même prérogative est laissée au pouvoir exécutif.

Dans d'autres pays placés sous des régimes semblables, le consentement du pouvoir législatif est nécessaire. Tantôt, comme en Belgique, le gouvernement peut, sous les conditions édictées par une loi spéciale, conclure des conventions générales d'extradition, ou accorder des extraditions individuelles en dehors d'une convention générale. Tantôt, comme en Angleterre, le pouvoir exécutif est seulement armé du droit de passer des conventions générales sous les conditions déterminées par une loi spéciale.

En France, sous la constitution de 1852, l'Empereur avait le droit de conclure seul des traités généraux d'extradition, et d'autoriser des extraditions individuelles par simple décret. Depuis le 4 septembre 1870, les traités d'extradition conclus par le pouvoir exécutif doivent être autorisés ou ratifiés par l'Assemblée nationale souveraine. Toutefois, les extraditions, effectuées par application des traités généraux, continuent à être autorisées par simple décret. D'autre part, aucune loi spéciale n'a limité, au point de vue des extraditions individuelles, les droits étendus que l'administration tient de la loi des 3-11 décembre 1849; il en résulte que le chef du pouvoir exécutif possède encore, en l'absence d'une convention générale, le droit de livrer un malfaiteur étranger à une autre Puissance, et, par suite, de réclamer de cette Puissance une extradition à charge de réciprocité.

Nous verrons, d'ailleurs, avec plus de détails, en nous occupant de la procédure d'extradition, les divers pouvoirs que mettent en jeu les questions de cette nature, selon les régimes constitutionnels qui se partagent les nations civilisées.

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