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ver d'une manière harmonique tous les besoins, toutes les facultés de l'homme; si, tout en lui donnant des membres robustes, ils développaient graduellement ses sentiments avec son intelligence, en prenant pour point d'appui l'élément religieux, seule sanction de la morale, et unique base d'une solide éducation.

Influence du Grand Monde, de la Solitude et de la Vie champêtre.

La fréquentation habituelle de la société rend, sans aucun doute, l'homme plus gai, plus poli, plus aimable; elle donne aussi à l'esprit et au corps plus de grâce et de souplesse; mais, malheureusement, ce qu'elle ajoute en surface et en éclat, elle le retire presque toujours en profondeur et en solidité. D'un autre côté, continuellement mise en jeu, et prodiguée au milieu d'une multitude de soins, de peines et de plaisirs, notre sensibilité s'éparpille, en quelque sorte, sur nos organes extérieurs, et finit par laisser nos entrailles froides et impassibles. C'est ainsi que, dans le grand monde, la compassion et la bonté, si naturelles à l'homme, semblent avoir changé de place; on les trouve, en effet, bien plus dans le langage que dans le cœur.

Il en est de même pour les productions de l'esprit : l'écrivain peut bien acquérir dans la société la facilité et le brillant de l'expression, la grâce et l'élégance des tours; mais la justesse des aperçus, la profondeur des pensées et leur enchaînement, la chaleur et la vie du discours, sont le produit habituel de la retraite et de la méditation. Aussi les grands écri

vains n'ont-ils guère enfanté leurs immortels chefsd'œuvre que dans la paix de la solitude, si propice aux conceptions du génie.

Si de pieux anachorètes ont trouvé le calme de l'âme dans le silence du désert, souvent aussi la jalousie, l'envie et la vengeance y ont été nourrir leurs fureurs et aiguiser leurs poignards : c'est qu'en nous faisant sans cesse replier sur nous-mêmes, la solitude absolue renforce presque toujours notre caractère; elle rend l'homme bon meilleur, et le méchant, plus farouche et plus dangereux. Il est constant, en outre, que la haine de la société, jointe à un goût extrême pour la solitude, favorise chez les mélancoliques le funeste penchant qui les entraîne fréquemment au suicide.

Entre le silence du désert et le fracas du monde, s'offre à nous la vie champêtre, éminemment favorable au développement du corps et de l'esprit, à la sérénité de l'âme et à la durée de l'existence. Certes, si la plupart des mains occupées à écrire étaient employées aux nobles travaux de l'agriculture, vers laquelle notre intérêt devrait nous ramener davantage, les individus seraient bien plus heureux, la société beaucoup moins turbulente et moins malade.

Je ne parle pas ici de l'influence de l'isolement sur les détenus; je m'en occuperai dans le chapitre consacré au traitement pénal des passions.

Influence des Spectacles et des Romans.

La surexcitation du système nerveux, si générale depuis quelques années, doit en partie être attribuée

aux émotions violentes que les femmes et les enfants vont chercher au théâtre. Ces émotions, qui deviennent de véritables besoins, contribuent, plus qu'on ne le croit, à affaiblir les constitutions, en même temps qu'elles favorisent le développement des passions érotiques, développement déjà si précoce par suite de l'irritabilité morbide qui tourmente notre société. D'un autre côté, la scène, primitivement instituée pour l'amusement et l'amélioration morale des masses, ne les amuse souvent que pour mieux les corrompre par les sales et ignobles tableaux qu'elle se complaît à reproduire. Un fait physiologique qu'on perd beaucoup trop de vue, c'est que l'homme est essentiellement né imitateur. Présentez lui des exemples moraux, donnezlui des enseignements utiles, il s'en pénétrera, et sera disposé à les suivre. Mais si, par un déplorable abus du talent, vous lui dépeignez la vertu ridicule et le vice aimable, il sourira au vice, et ne tardera pas à délaisser la vertu. Il fut un temps où le théâtre pouvait au moins servir à former le goût; aujourd'hui la plupart des pièces ne sont propres qu'à perdre et le goût et les mœurs.

La lecture des romans n'exerce pas une influence moins triste sur le développement des passions, notamment sur celui de la paresse, de la peur, de l'amour, du libertinage, et du suicide, soit par imitation, soit par dégoût de la vie réelle. Pour une centaine de romans véritablement moraux, qu'on trouverait à grand'peine dans toute notre littérature, il en est des milliers qui ne peuvent que fausser l'esprit et pervertir le cœur.

Influence des différentes formes de Gouvernement.

Les quatre principales formes de gouvernement sont le despotisme, la monarchie tempérée, le gouvernement constitutionnel, et la république. Les leçons de l'histoire prouvent que chacune de ces formes favorise plus particulièrement le développement de certaines passions: ainsi, le luxe, la mollesse, la paresse et le libertinage, sont les passions dominantes des gouvernements despotiques, La monarchie tempérée semble maintenir l'orgueil, l'avarice et la luxure chez les classes nobles et privilégiées. Le gouvernement constitutionnel, véritable balance politique, tend à jeter la corruption dans tous les rangs de la société, à y faire germer les passions turbulentes, égoïstes, ambitieuses, et à déconsidérer les divers pouvoirs, qui cherchent à se détruire, du moment où l'équilibre cesse d'être maintenu par la justice. Enfin, l'amour de l'indépendance et celui de la patrie, poussés jusqu'au fanatisme le plus sanguinaire, sont les deux principales passions propres au gouvernement républicain, qui succède ordinairement aux monarchies affaiblies ou corrompues, et retourne presque toujours au despotisme.

Quant aux révolutions qui sont amenées sur la scène politique par des minorités haineuses, hardies et cupides, elles donnent lieu à d'atroces vengeances, à d'odieuses ingratitudes, à de lâches apostasies; elles peuplent nos établissements consacrés aux aliénés d'ambitieux déçus, de malheu

reuses victimes du chagrin ou de la peur; enfin, elles jettent pour longtemps dans les esprits une fièvre de changement et de révolte insupportable surtout aux nouveaux parvenus qui ont su se créer une position brillante et commode.

Influence de l'Irréligion.

Il est un lien indissoluble, une chaîne mystérieuse qui unit le ciel et la terre, une voix céleste qui nous appelle vers un monde meilleur, et lève ainsi toutes les contradictions qui sont en nous et hors de nous : j'ai nommé la religion, dont le sentiment (1) a été profondément empreint dans le cœur de l'homme par la cause première de tout ce qui existe, c'est-à-dire par l'Etre infiniment puissant, intelligent, bon et juste, que nous révérons comme notre créateur, notre législateur suprême, notre père, et notre juge. Qui pourrait nier l'influence salutaire des espérances et des craintes que fait naître la religion, besoin de l'esprit et du cœur, aussi indispensable aux individus qu'à la société !

L'irréligion, au contraire, enfant de l'orgueil, aussi incapable d'encourager l'homme au bien`que de le détourner du mal, l'irréligion ne fait qu'attiser le feu des passions, ces véritables ennemies de notre liberté. Inhabile à expliquer les merveilles et l'harmonie du monde physique, elle ne montre ni remède ni terme au désordre du monde moral.

(1) Le sentiment religieux est en quelque sorte l'âme de la religion; le culte en est le corps,

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