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jamais fait preuve d'autant de sollicitude, de prudence et de charité !

Je me garderai toutefois de donner une préférence exclusive à l'un des trois modes de traitement que nous venons d'examiner : j'ai souvent reconnu leur impuissance respective, tandis que j'ai fréquemment observé l'effet salutaire de leur concours. Pourquoi donc ne pas toujours employer contre les passions un ensemble de moyens qui présentent entre eux les plus grands rapports, et qui tendent au même but? La médecine, la législation et la religion, s'occupent en effet de l'homme depuis le berceau jusqu'à la tombe, et toutes trois n'ont en vue que son bonheur seulement, l'une veut plutôt en faire un individu robuste, l'autre un citoyen paisible, la dernière un homme complétement vertueux. Toutes trois font encore observer leur code par les mêmes motifs, l'intérêt et la crainte (1): pour ceux qui le respectent, la santé, l'estime publique, la paix d'une bonne conscience, avant-goût des joies célestes; pour ceux qui le violent, la maladie, les punitions des hommes, les châtiments de Dieu. Toutes trois, enfin, ont chacune leur ministre le médecin, qui soulage; le magistrat, qui punit; le prêtre, qui pardonne.

(1) Le christianisme toutefois ne se contente pas de nous voir observer ses préceptes par la crainte seule des peines de l'autre vie : il exige que le mobile de toutes nos actions soit l'amour de Dieu, et du prochain en Dieu.

DE LA RÉCIDIVE DANS LA MALADIE, ETC.

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CHAPITRE IX.

De la Récidive dans la Maladie, dans le Crime et dans la Passion.

Les récidives et les rechutes seraient bien moins fréquentes, si l'on attaquait le mal dans sa cause, et si l'on ne croyait pas trop légèrement à la guérison.

Le mot récidive, dérivé du verbe latin recidere, retomber, exprime généralement toute espèce de rechute dans le mal.

Les pathologistes désignent par cette expression le retour d'une maladie dont on était entièrement guéri; et ils emploient le nom de rechute lorsque ce retour a lieu pendant ou peu de temps après la convalescence. Ainsi, une personne guérie d'un érysipèle au printemps en est-elle affectée d'un second l'automne suivant, c'est une récidive; un individu convalescent d'une inflammation d'intestins vient-il, par un écart de régime, à faire reparaître sa maladie, voilà une rechute, et l'on sait que la rechute est souvent pire que la maladie primitive.

Dans le langage des lois, on entend par récidive l'action de commettre un délit du même genre que celui pour lequel on a déjà été condamné.

Enfin, les théologiens emploient de préférence le terme de rechute pour indiquer l'acte de retomber soit dans la passion dominante, soit dans le péché en général.

Dans la maladie, dans la passion, aussi bien que dans le crime, les récidives et les rechutes peuvent être rapportées à un petit nombre de causes, dont nous allons étudier l'influence, en commençant par le rôle qu'elles jouent en pathologie.

1o De la Récidive dans la Maladie.

L'âge et le sexe ne laissent pas d'avoir une certaine influence sur le retour dans la maladie. Ainsi, l'enfance et la vieillesse sont bien plus prédisposées aux rechutes que la jeunesse et surtout que la virilité, époque où le corps, parvenu à son développement complet, a en même temps moins d'irritabilité et une plus grande énergie de réaction contre les causes qui tendent à déranger son harmonie. Douée d'une organisation plus délicate et d'une sensibilité plus vive que l'homme, la femme est par cela même plus exposée que lui à retomber dans les mêmes maladies; cette triste prédisposition est encore augmentée par les dérangements qui surviennent dans les fonctions de l'utérus.

Les saisons, que nous avons vues favoriser le développement de certaines maladies, exercent aussi une action prononcée sur les récidives, et principalement sur les récidives périodiques.

L'influence des climats sur la fréquence des rechutes, quoique moindre que celle des saisons, ne saurait pour cela être regardée comme nulle. Quant à celle des localités et des habitations, elle a été constatée de temps immémorial par tous les observateurs. Il est certain, en effet, que les scrofules

sont presque toujours causées et entretenues par Phabitation d'un lieu bas, humide, privé d'air et de soleil. Les fièvres intermittentes qui reparaissent périodiquement dans quelques pays marécageux, sont subordonnées à la nature de ces lieux malsains par les miasmes qui s'en échappent. Ici, les causes productrices des maladies déterminent à la fois les rechutes et les récidives. Il en est de même de tous les changements brusques de température, et particulièrement du froid humide, si funeste dans les affections rhumatismales, goutteuses et eatarrhales.

Les professions ne sont pas non plus sans quelque importance ici l'on a remarqué que les ouvriers qui travaillent le plomb sont atteints, à différentes reprises, de coliques saturnines; et que les imprimeurs, les blanchisseuses, les ouvriers en soie, ont fréquemment des ulcères variqueux aux jambes.

Pour ce qui est de la position sociale, l'expérience démontre que les rechutes et les récidives sont bien moins fréquentes chez les riches que chez les pauvres.

J'ai signalé ailleurs la transmission héréditaire d'une foule de maladies, notamment de la syphilis, des scrofules, de la phthisie pulmonaire, de l'aliénation mentale; eh bien, ces affections congéniales deviennent, pour les malheureux qui en sont atteints, une cause de rechutes et de récidives si fréquentes, que leur courte existence n'est guère qu'une suite de paroxysmes de la maladie continue qui les

travaille.

La périodicité dans les maladies, et en particulier dans les affections nerveuses, est encore l'un de

ces faits que l'on ne saurait révoquer en doute; de là les récidives nombreuses observées journellement dans les névralgies, l'épilepsie, l'aliénation mentale, les fièvres intermittentes, les diverses hémorrhagies, les rhumatismes, la goutte, l'ophthalmie, la leucorrhée, et plusieurs maladies de la peau. Chez beaucoup d'individus, les organes parenchymateux eux-mêmes ne sont pas à l'abri des récidives périodiques de l'inflammation. J'ai donné des soins à un ancien infirmier-major du Val-de-Grâce, qui, pendant dix ans, a éprouvé chaque hiver une ou deux fluxions de poitrine plus ou moins violentes.

Le croup, la coqueluche, la rougeole, la variole confluente, étaient autrefois regardés comme n'attaquant pas une seconde fois les individus qui en avaient été fortement atteints; c'est une erreur dont bien des praticiens ont maintenant fait justice. Pour ma part, j'ai vu des croups, des coqueluches et des rougeoles, qui sont revenus périodiquement pendant plusieurs années consécutives; et les registres de l'état civil de Paris, depuis 1832 surtout, attestent que des individus ont succombé à la variole confluente après avoir longtemps vécu défigurés par les cicatrices que cette éruption leur avait laissées dans leur enfance.

Pour abréger cette énumération, on peut dire que presque toutes les maladies sont sujettes à des retours, avec cette distinction, que les maladies chroniques sont plutôt suivies de rechutes, et les maladies aiguës, de récidives.

Parmi les passions qui produisent le plus de rechutes et de récidives, se trouvent en première ligne

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