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l'intempérance et le libertinage; viennent ensuite la colère, l'amour, l'ambition, l'envie et la jalousie, la paresse, l'abus de l'étude et les violents chagrins. Ces derniers ont une telle influence sur la dégénérescence cancéreuse et sur le retour de cette altération pathologique, que je n'ai jamais vu une seule opération de cancer suivie de succès, toutes les fois que les malades sont restés sous l'impression d'une tristesse habituelle.

Je terminerai ces considérations par quelques documents statistiques sur les récidives dans l'aliénation mentale, qui est si souvent le triste fruit de nos passions. Pendant la seule année 1839, 44 récidives (1) ont été constatées à l'hospice de Bicêtre, savoir:

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Dans les 3 cas de démence et d'imbécillité, les in

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:

(1) D'après Esquirol, sur 2,804 aliénées traitées à la Salpêtrière, 292 avaient été admises pour un second ou un troisième accès ce qui porte à un dixième environ le nombre des récidives. Cette proportion, qui, pour les femmes, à la Salpêtrière, est de 1 sur 9,60, paraît être la même pour les hommes, à Bicêtre, puisque, sur 4,827 aliénés reçus pendant une période de dix années, MM. Aubanel et Thore ont compté 491 cas de récidives, c'est-àdire 1 sur 9,83. A l'Hospice général de Tours, celles-ci ont été au nombre de 11 sur les 101 admissions des années 1840 et 1841 : d'où il suit que pour le département d'Indre-et-Loire, le rapport des récidives aux admissions est de 1 sur 9,18.» (Rapport statistique sur les Aliénés et les Enfants trourés de l'Hospice général de Tours ¿ par le docteur L.-J. Charcellay; Tours et Paris, 1842, in-4°.)

dividus indiqués comme guéris n'avaient probablement subi qu'une amélioration passagère.

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D'après ce dernier tableau, on peut conclure qu'il y a moins de chances de récidive dans la folie à mesure qu'on s'éloigne de l'époque d'un premier accès. Résultat consolant qu'on retrouve pour la réci dive dans la passion comme pour la récidive dans le crime. Ainsi, au physique comme au moral, on est d'autant plus ferme qu'il y a plus longtemps qu'on s'est relevé de sa chute.

2o De la Récidive dans le Crime.

Dans sa prudente sévérité, la loi veut que tout individu qui retombe dans un même délit soit puni plus rigoureusement que la première fois; car, selon les plus célèbres jurisconsultes, une récidive est pire qu'une première faiblesse, et il est juste que la peine s'accroisse avec la désobéissance (1), parce que le mépris de l'avertissement donné par la jus

(1) Quelquefois la fréquence de la récidive tient à une véritable monomanie; ce n'est plus alors un coupable qu'il faut punir, mais un infortuné qu'il faut plaindre et traiter.

tice révèle chez le récidiviste une plus grande perversité. Aussi notre code pénal contient-il à cet égard des dispositions formelles qu'il est bon de rappeler

ici.

Art. 56. «Quiconque, ayant été condamné à une peine afflictive ou infamante, aura commis un second crime emportant, comme peine principale, la dégradation civique, sera condamné à la peine du bannissement.

«Si le second crime emporte la peine du bannissement, il sera condamné à la peine de la détention.

« Si le second crime emporte la peine de la réclusion, il sera condamné à la peine des travaux forcés à temps.

«Si le second crime emporte la peine de la détention, il sera condamné au maximum de la même peine, laquelle pourra être élevée jusqu'au double.

«Si le second crime emporte la peine des travaux forcés à temps, il sera condamné au maximum de la même peine, laquelle pourra être élevée jusqu'au double.

«Si le second crime emporte la peine de la déportation, il sera condamné aux travaux forcés à perpétuité.

«Quiconque ayant été condamné aux travaux forcés à perpétuité, aura commis un second crime emportant la même peine, sera condamné à la peine de mort.

«Toutefois, l'individu condamné par un tribunal militaire ou maritime, ne sera, en cas de crime ou délit postérieur, passible des peines de la récidive, qu'autant que la première condamnation aurait été

prononcée pour des crimes ou délits punissables d'après les lois pénales ordinaires. »

Art. 57. «Quiconque, ayant été condamné pour un crime, aura commis un délit de nature à être puni correctionnellement, sera condamné au maximum de la peine portée par la loi, et cette peine pourra être élevée jusqu'au double. »>

Art. 58. «Les coupables condamnés correctionnellement à un emprisonnement de plus d'une année, seront aussi, en cas de nouveau délit, condamnés au maximum de la peine portée par la loi, et cette peine pourra être élevée jusqu'au double : ils seront de plus mis sous la surveillance spéciale du gouvernement pendant au moins cinq années, et dix au plus. »

Quant à la récidive de contravention, elle emporte toujours la peine d'emprisonnement pendant cinq jours, mais elle n'existe que lorsqu'il a été rendu contre le contrevenant, dans les douze mois précédents, un premier jugement pour contravention de police commise dans le ressort du même tribunal. (Voyez Code pénal, art. 482 et 483.)

Telle est la rigueur des dispositions pénales contre les récidivistes, qu'en aucun cas on ne peut invoquer en leur faveur ni la prescription, ni la réhabilitation, et qu'à moins de circonstances atténuantes bien avérées, le maximum de la peine doit toujours leur être appliqué. La jurisprudence a même consacré un principe qui a été confirmé en 1818 par une ordonnance royale : c'est que les lettres de grâce accordées par le souverain pour un crime ne dispensent pas de l'aggravation qui est la conséquence

de la récidive, parce que les lettres de grâce relèvent seulement de la peine, mais n'annulent pas la condamnation. L'amnistie seule éteint non- seulement la peine, mais l'action pénale, c'est-à-dire le délit, qu'elle anéantit de manière qu'il ne peut plus être poursuivi (1).

Examinons maintenant l'influence qu'exercent sur les condamnés ces dispositions pénales de notre législation. Si nous ouvrons nos annales de la criminalité, nous voyons les différents ministres de la justice qui se sont succédé depuis 1825, formuler tous les mêmes plaintes, déplorer le nombre toujours croissant des récidives, dont le tableau suivant fera connaître le chiffre annuel.

TABLEAU des individus jugés depuis 1831 jusqu'en 1840, et qui se trouvaient en état de récidive en matière criminelle ou en matière correctionnelle.

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(1) C'est qu'en effet un délit anéanti sans jugement ne saurait

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