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ront aussi les désirs érotiques dépendant d'une irritation de la moelle épinière. Dans les deux cas, il faut, autant que possible, éviter de coucher sur le dos, et dans un lit trop moelleux, attendu que la concentration de la chaleur sur la région dorsale tiendrait les organes sexuels dans un état permanent d'excitation. Cette dernière recommandation s'adresse encore aux personnes qui éprouvent des pollutions nocturnes involontaires, et qui feront bien de ne se mettre au lit que quatre ou cinq heures après leur dernier repas.

On s'attachera à combattre par un traitement antiphlogistique approprié la vaginite érysipélateuse, si commune chez les ouvrières qui sont forcées de rester assises une grande partie de la journée.

Un régime suivi avec exactitude pendant plusieurs mois fera presque toujours disparaître l'inflammation dartreuse qui affecte assez fréquemment les organes sexuels, et qui rend surtout tant de pauvres femmes bien plus malheureuses que coupables. On commencera par appliquer sur chaque bras un vésicatoire ammoniacal qu'on y laissera jusqu'à formation de vésicule, puis on entretiendra la suppuration avec de l'écorce de garou. On donnera en même temps tous les jours un ou deux grands bains frais à l'eau de son ou d'épinards. On prescrira à l'intérieur une tisane de petit-lait et de réglisse, dans laquelle on ajoutera parties égales de suc de fumeterre. Des lavements composés de la même manière devront être conseillés de préférence aux injections, qui ne sont pas toujours sans inconvé

nient, de même que les bains de siége, pour peu qu'ils soient chauds.

Quant au satyriasis et à la nymphomanie, dépen. dant ou compliqués d'une affection syphilitique, ils exigent l'emploi des antiphlogistiques, associés aux antispasmodiques, et quelquefois aux mercuriaux.

Tels sont les principaux moyens mis en usage par la médecine pour combattre les différentes formes du libertinage, soit qu'il dépende d'une dépravation volontaire, soit qu'il tienne à la prédominance cérébro-génitale, ou à un état maladif de l'organisme.

-Si nous passons aux mesures préventives et répressives employées par le législateur, nous trouvons bien quelques sages dispositions relatives aux filles isolées, aux maisons de tolérance, aux cabarets, aux bals, aux masques, aux théâtres, à l'imprimerie et à la gravure; mais elles sont si mal observées, que l'on peut les regarder en partie comme non avenues. D'un autre côté, en ne punissant le libertinage que lorsqu'il est patent, c'est-à-dire lorsqu'il blesse la morale publique, et constitue les délits prévus par les articles 330-340 du Code pénal (1), l'autorité se trouve sévir contre une passion dont elle a, en quelque sorte, favorisé le développement, en ne montrant pas assez de sévérité contre la funeste contagion de l'exemple.

(1) Voir le texte de ces articles à la fin du volume, note M.

PASSIONS SOCIALES.

CHAPITRE VII.

DE L'AMOUR.

L'amour n'est pas une seulc passion: il éveille et réunit toutes les autres.

Madame de Souza.

Définition et synonymie.

Dans son acception la plus étendue, l'amour est ce charme irrésistible qui attire tous les êtres, cette affinité secrète qui les unit, cette étincelle céleste qui les perpétue: en ce sens, tout est amour dans la création.

Considéré sous le rapport moral, c'est un penchant de l'âme vers le vrai, le beau, le bien.

Sous le point de vue religieux, Dieu est amour, et l'amour est toute sa loi. Ainsi, amour de Dieu, souverain bien et créateur de toutes choses; amour des hommes, ses plus nobles créatures, telle est, en résumé, la théorie chrétienne de l'amour.

De l'amour de Dieu, qui est l'amour dans toute sa plénitude, dérive la loi harmonique de l'amour des hommes, qui comprend successivement la fa

mille, la patrie et l'humanité, cette grande famille qui a Dieu pour père, et le monde pour patrie.

Je me borne à mentionner ici ces divers sentiments, ainsi que l'égoïsme et l'amour-propre, l'un la plus exclusive, l'autre la plus vivace de nos affections, et je vais uniquement m'occuper de l'amour considéré dans les sexes.

« Il est difficile, assure La Rochefoucauld, de définir l'amour ce qu'on en peut dire, selon lui, est que dans l'âme c'est une passion de régner; dans les esprits, c'est une sympathie; et dans le corps, ce n'est qu'une envie cachée et délicate de posséder ce que l'on aime après beaucoup de mystères. » La Rochefoucauld confond ici la galanterie avec l'amour : le véritable amour ne songe guère à régner; il compose son bonheur du bonheur de l'objet aimé, et souvent même de sa propre soumission.

Connaissez-vous, dit Bernis, ce feu qui prend toutes les formes que le souffle lui donne, qui s'irrite, qui s'affaiblit selon que l'impression de l'air est plus vive ou plus modérée? Il se sépare, il se réunit, il s'abaisse, il s'élève; mais le souffle puissant qui le conduit ne l'agite que pour l'animer et jamais pour l'éteindre l'amour est ce souffle, et nos âmes sont ce feu. »

Cette définition est sans doute fort spirituelle, mais je crains qu'elle ne paraisse un peu longue et surtout beaucoup trop alambiquée.

Je crois devoir m'abstenir de citer celle de Chamfort, qui m'a paru aussi précise qu'originale, mais un peu trop cynique.

Pour les physiologistes, l'amour est ce penchant

impérieux qui entraîne les sexes l'un vers l'autre, et dont le but providentiel est la reproduction de l'espèce. Hatons-nous d'ajouter que chez la brute l'amour peut bien n'être qu'un besoin physique, qu'une impétuosité passagère, mais que chez l'homme, et surtout chez l'homme civilisé, on ne saurait le considérer séparé d'un besoin moral, d'un sentiment qui en augmente beaucoup le charme et la durée : ce sentiment est l'amitié, que j'appellerai volontiers la moitié de l'amour, mais sa moitié la plus pure, la plus belle, la plus durable.

Aussi cette passion, que Buffon et d'autres écrivains ont par trop matérialisée, et que l'on regarde généralement comme la plus simple de toutes, me paraît, au contraire, l'une des plus complexes, étudiée chez l'homme. En effet, que d'éléments divers n'y découvre-t-on pas! D'abord l'amour physique, ou besoin des sens, instinct propagateur excité par la beauté, et par la grâce, encore plus séduisante; puis le besoin d'affection, d'attachement, fondé davantage sur l'appréciation des qualités morales, des vertus; vient ensuite l'amourpropre, qui se glisse partout; souvent aussi un peu de coquetterie et de curiosité; un peu de crainte, partant une pointe de jalousie; et, au milieu de tout cela, l'imagination, cette enchanteresse dont le prisme trompeur multiplie les qualités séduisantes de l'objet aimé, et souvent en fait paraître là où une raison plus saine n'apercevrait que des défauts.

La plupart des moralistes semblent avoir pris à tâche de confondre la galanterie avec l'amour; aussi

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