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seaux pendant qu'on nettoie les cours, et préfère cette boisson à toute autre (1).

Du reste, quoique cette femme n'ait jamais donné aucun signe d'hystérie, tout sentiment de pudeur semblait éteint en elle, et l'on a vu que son caractère avait survécu à la perte de sa raison : le libertinage la conduisit au fanatisme politique; ce fanatisme la conduisit successivement à la lypémanie et à la démence.

(1) Malgré ce régime, que cette malheureuse continua pendant près de dix années, elle fut toujours parfaitement menstruée, et ne se plaignit jamais d'aucune souffrance, jusqu'à sa mort, arrivée le 9 juin 1817, à la suite d'une éruption générale de boutons qui ne purent pas se développer au milieu d'un lit sans cesse inondé d'eau froide.

Ouverture du corps, faite par M. Amussat et par moi, en présence de MM. Esquirol et Rostan :

Dure-mère adhérente au crâne; crâne épais postérieurement; ligne médiane très-déjetée. Cerveau très-mou, décoloré; membrane qui revêt les ventricules épaissie; la substance cérébrale subjacente présente, dans l'épaisseur d'une ligne, un aspect vitreux et d'un blanc grisåtre. Plexus choroïdes décolorés, offrant de petits kystes séreux. Glande pituitaire contenant un fluide brunâtre.

Sérosité dans les deux plèvres ainsi que dans le péricarde. Cœur flasque.

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Foie petit, ver

Estomac distendu par un fluide verdåtre. dâtre; son tissu mou, sa tunique propre se détachant avec la plus grande facilité; vésicule biliaire distendue par de la bile noire, épaisse, grenue. Rate molle, verdåtre comme le foie. Vessie très-contractée sur elle-même, offrant des parois fort denses. Enveloppe des ovaires épaisse, et même cartilagineuse en plusieurs points.

Chez Théroigne, le colon transverse avait changé de direction, et était descendu jusque derrière le pubis, ce qu'Esquirol a observé chez plusieurs mélancoliques, Le grand sympathique était excessivement développé.

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Fanatisme religieux.

Le jeune P***, âgé de vingt d'une constitution sanguine et d'un caractère ardent, se livra pendant une année entière à la lecture exclusive d'ouvrages ascétiques. Dès ce moment, sa piété, naguère douce et éclairée, ne consista plus qu'en une suite de pratiques religieuses pour lesquelles il montrait une ardeur, ou plutôt une passion souvent poussée jusqu'au fanatisme. Les dimanches et fêtes, il ne consentait qu'avec peine à quitter sa paroisse pour prendre ses repas; et les jours ordinaires, il y passait, matin et soir des heures entières, agenouillé, et la face contre terre, dans l'immobilité la plus complète : c'était, dans toute la force de l'expression, un véritable pilier d'église. En vain sa mère, dont sa fainéantise augmentait la gêne, en vain son confesseur et quelques amis, s'efforçaient de le ramener à des idées plus sages, lui répétant qu'il fallait de la mesure jusque dans les meilleures choses, et que, d'ailleurs, le travail était pour l'homme un devoir non moins sacré que la prière; il restait sourd à tous ces conseils, et ne voyait, dans les personnes qui les lui donnaient, que des esprits étroits, ou des âmes peu avancées dans la voie de la perfection.

Sous l'influence de ces idées, fomentées par l'orgueil, P*** fait emplette d'une statue de la Vierge, d'une quantité considérable de cierges, et d'un mauvais couteau, vulgairement nommé eustache. Une grande partie des journées est employée à aiguiser ce couteau, et tous les soirs, avant de se coucher, il dresse une espèce d'autel, y place la statue entre deux cierges, puis, la main levée vers le

ciel, il fait le serment de percer le cœur de l'impie qui oserait éteindre ces lumières consacrées à Marie. Au milieu d'une nuit, sa mère s'aperçoit que la flamme des cierges agite la frange des rideaux du lit où il était couché; elle l'appelle plusieurs fois à haute voix, l'avertit du danger qu'il court; mais il reste immobile et sans répondre un mot. Ne doutant pas qu'il ne soit profondément endormi, la pauvre femme se lève, s'avance sur la pointe du pied, souffle les cierges, et se hâte de regagner son lit. Elle a à peine fait deux pas, que son fils se précipite sur elle avec fureur, lui fait, à coups d'eustache, cinq blessures assez graves, et retourne se mettre au lit. Le lendemain matin, sa longue prière terminée, il se met à repasser son couteau sur un pavé, puis le soir, avant de se coucher, il allume de nouveau les cierges en répétant le serment qu'il n'avait que trop fidèlement tenu.

Cet insensé fut radicalement guéri à la suite de quelques essais magnétiques faits à la demande de plusieurs ecclésiastiques de la capitale (1).

(1) Si l'espace me l'avait permis, j'aurais ajouté à ces observations quelques détails peu connus sur une de mes clientes dont le nom a malheureusement trop retenti, il y a quelques années, dans nos tribunaux : je veux parler de Julie F., dite la femme libre des saints-simoniens, laquelle réunissait au plus haut degré les fanatismes artistique, politique et religieux. Cette infortunée, qui ne rêvait qu'innovations, industrie et gloire, se voyant abandonnée de presque tous ses amis, est allée mourir dans un de nos hôpitaux, où l'estimable auteur de Foi, Espérance et Charité, M. l'abbé Le Guillou, adoucit l'amertume de ses derniers moments par les secours de la religion.

Harmonie de la Médecine, de la Législation et de la Reli

- Nécessité de leur concours dans le traitement des

gion. Passions.

Notions préliminaires.

1. L'homme, ce chef-d'œuvre de la création, est composé d'un corps et d'une âme, unis de telle sorte que de leur réaction réciproque et harmonique dépend le parfait accomplissement de ses destinées.

2. Comment s'opère cette union de la matière et de l'esprit? Mystère aussi impénétrable que les grandes lois de la nature le suprême Architecte s'en est réservé le secret!

3. Qu'est-ce que la nature, le temps, l'éternité, la vie, la mort? La nature ou univers est l'ensemble des êtres que Dieu a semés dans le temps et dans l'espace. Le temps est la durée de la nature: l'éternité est la durée de Dieu. Par rapport aux destinées de l'homme, la vie, c'est l'union de l'âme et du corps; la mort, c'est leur séparation; l'éternité, leur réunion.

4. Dès l'enfance l'homme est enclin au mal; ses sens l'entraînent vers la terre, vers des plaisirs ma

(1) Les propositions que renferme ce résumé ne sont qu'un extrait presque textuel des principales idées émises dans le cours de cette pathologie morale. Je les reproduis ici dans un ordre méthodique, pour que le lecteur puisse saisir plus facilement l'ensemble

et le but de mon travail.

tériels, par conséquent finis et passagers; son âme, au contraire, l'élève et le fait aspirer au souverain bien, qui peut seul satisfaire l'immensité de ses désirs.

5. Ce désaccord est-il l'ouvrage de Dieu, ou n'annonce-t-il pas plutôt un renversement manifeste du plan primitif de la création? L'homme n'est donc pas, en général, une intelligence servie par des organes, mais une intelligence déchue, luttant ici-bas contre des organes.

6. Cette lutte presque continuelle entre les organes et l'intelligence, entre la chair et l'esprit, c'est l'épreuve qu'on appelle la vie.

7. Pour soutenir ce combat dont la palme est aux cieux, l'homme possède la sensibilité, l'intelligence et la liberté, facultés précieuses qui l'avertissent de ses besoins, lui en font calculer l'importance et recourir aux moyens qui doivent les contenir ou les satisfaire.

8. Ainsi, l'homme est conduit par deux guides, le besoin et la raison : l'un qui le sollicite et le pousse, l'autre qui l'éclaire et le retient.

9. L'enfant et l'animal obéissent immédiatement à la stimulation du besoin; l'homme complet ne le satisfait qu'après avoir jugé s'il peut et s'il doit le satisfaire. Du reste, le plaisir et la joie, la douleur et la tristesse, viennent bientôt lui apprendre si la satisfaction est permise ou illicite, suffisante ou dépassée la douleur l'avertit du mal physique, le remords, du mal moral; la douleur, en effet, est le cri plaintif des organes malades, comme le remords est le cri accusateur de la conscience blessée.

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