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10. Tous les besoins de l'homme ont rapport à la conservation et au développement de son corps, de ses relations avec ses semblables et de son intelligence; partant, trois sortes de besoins : des besoins animaux, des besoins sociaux, des besoins intellectuels.

11. Les besoins animaux nous sont communs avec la brute; ils apparaissent les premiers, et prédominent pendant l'enfance de l'homme comme pendant celle des peuples. Les besoins sociaux, plus particulièrement développés chez l'homme que chez les animaux, se montrent en second lieu. Viennent ensuite les besoins intellectuels ou supérieurs, qui sont l'apanage de l'homme, seule créature capable de connaître Dieu, de l'aimer et de le conquérir.

12. Tous nos besoins sont intrinsèquement bons, par cela même que Dieu nous les a donnés; mais, pour qu'ils restent tels, il faut qu'ils soient satisfaits d'une manière harmonique et dans la limite du devoir; sans quoi, ils dégénèrent en passions.

13. Les passions, toutes essentiellement mauvaises, ne sont autre chose que des besoins déréglés, non moins nuisibles à l'individu qu'à la société, et qui renversent l'hiérarchie divine établie entre l'âme et le corps.

14. Dans l'ordre providentiel, l'âme est faite pour commander, le corps pour obéir; par l'effet de la passion, l'âme détrônée n'est plus que l'esclave de son propre esclave.

15. Le besoin séparé du devoir conduit au mal; il y a donc nécessité pour l'homme de faire accor

der ses besoins avec ses devoirs, lesquels sont, comme eux, animaux, sociaux et intellectuels.

16. Nos devoirs, ainsi que nos besoins, ne sont pas toujours simples; ils se compliquent même trèsfréquemment; souvent aussi il arrive qu'ils se trouvent en opposition: dans ce cas, l'on doit obéir au plus noble, en écoutant la voix de la conscience, juge inné du bien et du mal.

17. La limite qui sépare le besoin de la passion, le bien du mal, n'est qu'une simple ligne; cette ligne, c'est celle du devoir. Malheur à celui qui la franchit, car l'abîme vers lequel il marche est d'autant plus dangereux que sa pente est d'abord agréable et presque insensible.

18. L'hygiène, code physiologique; la législation, code social; la religion, code spirituel, code divin: tels sont les trois guides qui apprendront à l'homme à régulariser ses triples besoins, comme être animé, comme être sociable, comme être intelligent: celuilà seul est maître de lui-même, dont les besoins obéissent à la raison, et la raison à Dieu.

19. Sans doute, il y aura toujours des passions sur la terre, de même qu'il y aura toujours des maladies: il est donc de notre intérêt autant que de notre devoir de nous maintenir dans l'atmosphère physique et morale la plus propre à arrêter leur funeste contagion.

20. Que dirait-on d'un médecin qui soignerait avec zèle les serviteurs d'une maison, et qui, par indifférence, en laisserait mourir le maître? Tels sont ceux qui ne se préoccupent que des infirmités des

organes, et n'accordent aucune attention aux maladies de l'âme.

21. La mort de l'âme est causée par les actes de nos passions, par le péché.

22. Mais l'âme est immortelle ! Aussi emploie-t-on seulement cette expression de mort pour signifier que, par l'effet de la passion, l'âme a perdu son empire, sa dignité, sa beauté: son empire sur l'individu, sa dignité aux yeux des hommes, sa beauté aux yeux de Dieu. Le vice, en effet, c'est la défaite de l'âme et l'esclavage; la vertu, c'est sa victoire et la vraie liberté.

Classification des Passions.

23. Ainsi que les besoins et les devoirs, les passions peuvent être divisées en passions animales, en passions sociales, en passions intellectuelles. Les passions animales, bornées dans leurs désirs, et, comme les besoins dont elles émanent, sujettes à une sorte de périodicité, comprennent l'ivrognerie, la gourmandise, la colère, la peur, la paresse et le libertinage. Parmi les passions sociales, dont les désirs sont presque toujours continus et insatiables, on peut ranger l'amour, l'orgueil et la vanité, l'ambition, l'envie et la jalousie, l'avarice, la passion du jeu. Parmi les passions intellectuelles viennent se classer les manies de l'étude, de la musique, de l'ordre, des collections, ainsi que les fanatismes artistique, politique et religieux.

On a prétendu admettre des passions permises et des passions défendues; on a aussi qualifié certaines passions, grandes, nobles, généreuses : c'est une

erreur. D'abord, le mal ne peut jamais être permis; puis, a proprement parler, il n'y a pas de petite passion : le désir de l'objet le plus insignifiant peut grandir et s'exalter au point d'altérer la santé et de troubler la raison, en même temps qu'il dégradera l'âme en la séparant du souverain bien.

Siége des Passions,

24. Où les passions ont-elles leur siége? L'observation, d'accord avec le raisonnement, conduit à admettre que les passions, qui résident dans tout l'organisme, sont transmises du corps à l'âme et de l'âme au corps par l'intermédiaire de nos deux systèmes nerveux, qu'elles ébranlent simultanément, avec cette différence que leur contre-coup va retentir de préférence tantôt sur le centre cérébro-spinal, tantôt sur le centre nerveux ganglionaire.

Causes des Passions.

25. Pour prévenir les passions ou en arrêter l'effervescence, il faut, avant tout, connaîtreles causes qui les produisent et les circonstances qui en favorisent le développement. Ainsi, on doit étudier l'influence qu'exercent sur elles les différents âges, les sexes, les climats, la température et les saisons, la nourriture, l'hérédité et l'allaitement, les tempéraments ou constitutions, les maladies, la menstruation et la grossesse, la position sociale et les professions, l'éducation, l'habitude et l'exemple, le grand monde, la solitude et la vie champêtre, les

spectacles et les romans, l'irréligion, les différentes formes de gouvernement, enfin l'imagination.

26. Parmi ces causes, les unes sont soumises à l'empire de la volonté, nous devons les détruire; les autres ont une existence indépendante de notre volonté : nous devons nous appliquer à modifier leur action.

27. Ces causes, dont la connaissance est aussi utile au magistrat, au prêtre et au législateur qu'au médecin, ne sauraient, de quelque nature qu'elles soient, nous empêcher de flétrir le vice et d'admirer la vertu; elles doivent seulement nous faire adopter pour base de nos jugements cette maxime toute chrétienne: Sévérité pour soi, indulgence pour autrui.

Marche, Pronostic et Terminaison des Passions.

28. L'observation découvre un parallélisme parfait entre les passions et les maladies; elles naissent, marchent et finissent de la même manière; leurs symptômes offrent également la plus grande analogie.

29. Quant au pronostic que l'on peut porter sur la terminaison plus ou moins funeste des passions, une expérience de tous les jours nous démontre que les maladies, la folie, une mort prématurée, l'opprobre, la misère, les crimes, le châtiment des hommes, précurseur ordinaire de la justice divine, sont la triste perspective des imprudents qui ne s'attachent pas de bonne heure à modérer la violence de leurs désirs.

30. Cet effrayant pronostic sur les individus livrés

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