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« Ces quelques pages, dit le jeune et savant traducteur d'Hippocrate, placent le prince de la médecine au premier rang parmi les philosophes; elles renferment, comme en un germe fécond, toutes les idées de l'antiquité et des temps modernes sur la philosophie de l'histoire; elles ont été résumées en quelques lignes par Platon et par Aristote; elles ont inspiré à Galien son admirable traité: Que le Caractère de l'homme est lié à sa constitution; et, dans des temps plus rapprochés de nous, elles ont fourni à Bodin, à Montesquieu et à Herder, le fond même de leurs systèmes politiques et historiques.

« Je rapporte ici les passages de Platon et d'Aristote : ils complètent, avec ce qu'Hippocrate a enseigné, les données de la philosophie antique sur ces hautes questions :

a Vous ne devez pas ignorer, dit Platon, pour ce qui «regarde les lieux, qu'ils semblent différer les uns des « autres pour rendre les hommes meilleurs ou pires, et «qu'il ne faut pas que les lois soient en opposition avec «eux. (Parmi les hommes) les uns sont bizarres et em« portés, à cause de la diversité des vents et de l'éléva«tion de la température, les autres à cause des eaux, « les autres, enfin, à cause de la nourriture que la terre <«<leur fournit, et qui n'influe pas seulement sur le corps « pour le rendre meilleur ou pire, mais qui n'a pas moins <«< de puissance sur l'âme pour produire tous ces effets. »> Ce texte n'est pas le seul où Platon ait tenu compte des influences extérieures sur le caractère des hommes. Galien en a rassemblé un certain nombre empruntés surtout au Timée, et au second livre des Lois.

<<< Voici maintenant le passage d'Aristote; il semble, plus évidemment encore que celui de Platon, résumer la théorie hippocratique :

«Les peuples qui habitent les climats froids, les peu«ples d'Europe, sont, en général, pleins de courage;

mais ils sont certainement inférieurs en intelligence et <«<en industrie; et s'ils conservent leur liberté, ils sont « politiquement indisciplinables, et n'ont jamais pu con<«<quérir leurs voisins. En Asie, au contraire, les peuples « ont plus d'intelligence, d'aptitude pour les arts, mais << ils manquent de cœur, et ils restent sous le joug d'un « esclavage perpétuel. La race grecque, qui topographi«quement est intermédiaire, réunit toutes les qualités « des deux autres... Dans le sein même de la Grèce, les << divers peuples présentent entre eux des dissemblances <analogues à celles dont nous venons de parler : ici, « c'est une seule qualité qui prédomine, là elles s'harmo«nisent toutes dans un heureux mélange.» (C. Daremberg, Introduction du Traité des Eaux, des Airs et des Lieux.)

NOTE B, pages 73 et 133.

Sur l'Extase.

Les médecins donnent le nom d'extase à une affection du cerveau, dans laquelle l'exaltation de certaines idées absorbe à un tel point l'attention, que les sensations sont momentanément suspendues, les mouvements volontaires arrêtés, et l'action vitale même souvent ralentie. On la distingue de la catalepsie en ce que, dans cette maladie, il y a suspension complète des facultés intellectuelles avec aptitude du corps à conserver les positions qu'on lui fait prendre. Il est à remarquer que le délire et les hallucinations qui accompagnent quelquefois l'extase offrent pour l'ordinaire un caractère religieux, et s'observent chez des personnes d'une haute piété.

Les théologiens, de leur côté, considèrent quelquefois l'extase comme un état surnaturel dans lequel

l'âme est si absorbée dans la contemplation des perfections divines, et si éprise de leur beauté, qu'elle ne sent et n'aperçoit plus ce qui se passe au dedans ni au dehors du corps.

Le savant Émery confond l'extase et le ravissement dans une même définition; mais M. Boucher dit que, dans ce dernier état, l'opération divine est encore plus forte que dans le premier, puisqu'on y a vu quelquefois le corps s'élever de terre, et demeurer ainsi élevé pendant quelque temps. Puis il ajoute que « le Seigneur, par l'extase, donne une idée de la contemplation à laquelle l'âme sera élevée dans le ciel, et que, par le ravissement, il donne une idée de l'agilité dont les corps seront doués dans le séjour de la gloire. » Ceci posé, comment distinguer l'extase médicale de l'extase théologique, ou, si on l'aime mieux, à quels signes reconnaitra-t-on qu'une extase est simplement une maladie ou bien une faveur céleste? Voici, d'après le grand travail de Benoit XIV sur la Canonisation des saints, les marques certaines auxquelles on pourra reconnaître le doigt de Dieu. «L'extase n'est pas un état maladif, mais un état surnaturel et une faveur divine, lorsqu'une personne la craint et s'en défie; lorsqu'elle tâche de s'y soustraire ou d'en diminuer la fréquence; lorsqn'elle se dérobe aux regards de peur qu'on ne la surprenne dans cet état, ou qu'elle éprouve de la confusion si on l'y surprend ; quand elle y entre au milieu d'une oraison, ou à la suite d'une communion faite avec ferveur; quand elle s'y comporte selon les règles de la plus parfaite modestie, et que son extérieur n'offre qu'un spectacle édifiant; quand elle en sort avec la paix dans l'âme et la sérénité sur le front; lorsque ensuite elle s'affermit dans l'humilité, la mortification et la fidélité à ses devoirs; lorsqu'elle ne perd pas entièrement le souvenir de ce qui s'est passé en elle; lorsque son corps acquiert de la

vigueur après l'opération, quoiqu'il ait eu de la fatigue pendant l'opération même; lorsque enfin cette personne soumet tout ce qu'elle a éprouvé aux lumières de ses guides spirituels, et qu'elle est disposée à le désavouer s'il le jugent à propos. »

Tels sont les signes dont l'Église exige la réunion pour admettre qu'une extase est une faveur du ciel; lorsqu'ils ne se rencontrent pas tous, elle croit prudemment devoir s'abstenir de se prononcer.

NOTE C, page 94.

Longévité des Prêtres et des Religieux.

Du 1er janvier 1823 au 31 décembre 1842, on a constaté le décès de 757 ecclésiastiques appartenant au diocèse de Paris, ou y résidant momentanément.

751 ecclésiastiques décédés pendant cette période de vingt années, dont on a pu connaître l'âge, ont vécu ensemble quarante-sept mille cinq cent quatrevingt-seize ans, ce qui porte la moyenne de leur vie à soixante-trois ans passés. Sur ces 751 individus, 106 ont vécu au delà de soixante ans; 271 au delà de soixante et dix ans; 177 ont dépassé quatre-vingts ans; enfin 17 ont vécu plus de quatre-vingt-dix ans. Dans quelle autre profession trouverait-on une pareille longévité! Sur 302 religieuses carmélites mortes à Paris, rue d'Enfer, en la maison mère, dont je suis le médecin, 69 ont vécu au delà de soixante ans; 59 au delà de soixante et dix; 23 au delà de quatre-vingts. Ainsi, malgré les austérités de cet ordre, la moyenne de la vie en communauté de ces 302 religieuses a été de trente-deux ans huit mois, et celle de leur vie entière de cinquantesept ans quatre mois.

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-Les trappistes et les chartreux prolongent aussi fort

loin leur carrière : à l'abri des passions qui auraient pu les agiter dans le monde, la plupart de ces religieux ne meurent pas, à proprement parler, de maladie ; ils s'éteignent paisiblement : leur fin a pour eux la douceur de la retraite.

NOTE D, page 94.

Sur les Médecins.

On a remarqué (ai-je dit précédemment, que si la profession de médecin comptait dans ses rangs beaucoup d'incrédules et même de matérialistes, elle avait aussi donné à l'Église un grand nombre de saints, et à la société une foule d'hommes non moins remarquables par leur piété que par leur savoir. J'ai cité, pag. 94, quelques-uns de ces grands talents qui ont honoré notre carrière; voici maintenant un extrait curieux du Catalogue des médecins qui ont mérité, par leurs vertus, d'être mis au nombre des saints cette liste est tirée de leur Histoire, publiée en 1643 par G. Duval, professeur et doyen de la Faculté de médecine de Paris:

Saint Luc, d'Antioche en Syrie, médecin de profession, excellent peintre, disciple des apôtres, et l'un des quatre évangélistes; saints Côme et Damien, martyrs; saint Pantaleon, de Nicomède, martyr; saint Antiochus, de Sébaste, martyr; saint Samson, prêtre, médecin des pauvres; saint Otriculanus, martyr; saint Ursicin, de Ligurie, martyr; saint Alexandre, martyr; saint Cyrus, d'Alexandrie, médecin chez les Égyptiens, et martyr; saint Césaire, médecin et sénateur de Byzance, frère de saint Grégoire de Nazianze; saint Denis, diacre; saint Codratus, de Corinthe, martyr; saint Papilius, diacre et martyr; saint Juvénal, évêque; saint Jean Damascène, médecin et grand docteur de l'Église; saint Diomède de Tarse, médecin en Cilicie; saint Léontius et saint Carpo

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