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que l'homologation d'une délibération d'un conseil de famille, sans contestation, ne peut être considérée que comme un acte de juridiction gracieuse, et non comme un jugement définitif proprement dit. Cette jurisprudence, bonne pour une délibération homologuée par le juge unique de la juridiction de l'île de la Guadeloupe, pourrait être con-troversée à l'égard d'une homologation de la juridiction du droit commun de la France, d'après la maxime non bis in idem, qui défend aux juges de réformer leur propre jugement. La voie d'appel n'a pas été inventée pour rester inutile! Voyez le chap. 53 sur les attributions du ministère public.

SECTION VII.

Des causes qui dispensent de la tutelle.

362. D'après les principes généraux sur les engagemens qui se forment sans conventions, personne dans l'état de simple citoyen n'est exempt des tutelles, curatelles et subrogées-tutelles (argument de l'art. 1370 du C. civ. ). Mais il est rare de trouver une règle sans exception; celle-ci en contient un grand nombre qui sont l'objet de la section vi du chap. 2, du titre de la minorité, de la tutelle et de l'émancipation. (1)

Les motifs de ces dispenses, fondés sur l'intérêt public et sur l'intérêt privé, sont si généralement connus, que l'explication ne serait qu'un objet de luxe,sans utilité pour ceux-là même que cette partie de notre droit intéresse particulièrement. Ces dispenses emportent avec elles cet esprit d'équité qui n'exige aucune justification. Ainsi, sans entrer dans la plus légère explication, nous en parlerons dans l'ordre suivant :

SOMMAIRE.

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363. Les qualités qui dispensent de l'a tutelle sont désignées dans la constitution du 18 mai 1804. Mais cette constitution n'existe plus, et avec elle ont disparu plusieurs titres et fonctions auxquels la dispense est attachée; cependant, dans l'esprit de l'article 427 du Code, cette dispense s'applique.

Aux membres de la famille royale;
Aux princes du sang;
Au grand amiral;

Aux maréchaux de France;
Aux inspecteurs généraux;
Aux grands officiers de la couronne;
Aux pairs;

Aux membres de la chambre des députés ;

Aux ministres et conseillers d'état ;
Aux préfets;

Aux membres de la Cour de cassation;

Au procureur-général à la même

cour;

Aux membres de la Cour des comptes (3);

A toute personne qui exerce une fonction publique dans un département autre que celui où la tutelle est établie. Ainsi le membre d'une famille appelé à la formation d'un conseil par sa proxi

1. Des dignités, des fonctions et commissions mité de parenté, qui exerce la fonction publiques;

(1) Sénatus-consulte du 28 floréal an 12, et l'article 68 du sénatus-consulte du 16 thermidor an 10.

de juge à Paris, est dispensé de la tu

(2) Loi du 16 septembre 1807.

telle de son parent mineur, interdit, absent ou mort civilement, dont le domicile est à Versailles;

Enfin aux ministres du culte desservant les cures ou succursales, et à toutes autres personnes exerçant des fonc tions ecclésiastiques agréées par le Roi, qui exigent une résidence sédentaire d'après le droit public, suivant l'avis du conseil d'état, approuvé le 20 novembre 1806.

SII. Du service militaire, des charges, des missions du Roi,

ARTICLES 428, 429, 430, 431.

364. De la maxime absentia rei publicæ causa, sont de droit excusés des tutelles et curatelles tous ceux qui sont employés dans les armées de terre et de mer, ou qui remplissent une mission du roi hors de la France. Ainsi sont dispensés des tutelles et

curatelles:

Les militaires en activité de service, Et autres citoyens remplissant, hors du territoire de la France, une mission du roi, tels que les agens diplomati.

ques.

Si la mission est authentique, la dis pense est de droit ; mais si elle n'est pas authentique, et si elle est contestée, cette dispense ne sera prononcée qu'après que le gouvernement se sera expli qué par la voie du ministre dans le dé partement duquel se trouve placée la mission alléguée comme excuse.

365. Celui qui est nommé tuteur, sauf la justification de sa dispense, doit gé rer la tutelle jusqu'à décision définitive, à peine d'être responsable du défaut de gestion.

366. Mais si les citoyens ont accepté la tutelle postérieurement aux fonctions, services ou missions qui en dispensent, ils ne peuvent plus être admis à s'en faire décharger pour cette cause. Ils ne le pourraient qu'autant qu'ils seraient appelés à remplir une nouvelle mission ou fonction.

367. Ceux, au contraire, auxquels

ces fonctions, services ou missions, auront été conférés postérieurement à l'acceptation et à la gestion d'une tutelle, pourront se faire remplacer. A cet effet ils convoqueront le conseil de famille, dans le mois à compter du jour de leurs missions, services ou fonc tions, pour faire procéder à la nomination d'un nouveau tuteur.

368. Et si à l'expiration de ces fonction, services ou missions, le nouveau tuteur réclame sa décharge, ou que l'ancien tuteur redemande la tutelle, elle pourra lui être rendue par le conseil de famille.

Cette expression, elle pourra lui être rendue par le conseil de famille, laisse la faculté au conseil, dans l'un comme dans l'autre cas, de décharger le nouveau tuteur ou de le continuer, alors même que l'ancien tuteur réclame la tu telle.

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ARTICLE 432.

369. Tout citoyen non parent ni allié, dit l'article 432, ne peut être forcé d'accepter la tutelle que dans le cas où il n'existerait pas, dans la distance de quatre myriamètres, des parens ou alliés en état de gérer la tutelle. »

La tutelle étant une charge, il est juste que la famille du mineur la supporte plutôt que des étrangers; mais cette commission, considérée comme une charge publique, ne doit pas passer dans des mains inhabiles. C'est pourquoi la loi laisse au conseil le pouvoir de la conférer au citoyen non parent capable de la gérer, si les parens ou alliés sont eux-mêmes incapables de l'administrer convenablement.

370. Celui qui a accepté la tutelle, quoique non parent ni allié, ne serait pas fondé à s'en faire décharger, sous le prétexte qu'il y a des parens ou alliés capables de l'exercer.

37. Il y a des citoyens qui, par leur emploi, par leur éloignement, ou par la

nature de leurs affaires personnelles, ne peuvent que très-difficilement remplir les fonctions de la tutelle. Dans tous ces cas, le conseil doit consulter et l'intérêt du mineur et l'intérêt de celui qu'on appelle à la tutelle. Quelque capable qu'il soit, il sera plus nuisible qu'utile à la tutelle, si quelques circonstances l'éloignent des soins d'une boune administration.

SIV. De l'âge qui en dispense.

ARTICLE 433.

372. Tout individu, dit cet article, âgé de soixante-cinq ans accomplis, peut refuser d'être tuteur, et celui qui a été nommé avant cet âge pourra, à soixante-dix ans (aussi accomplis), se faire décharger de la tutelle.

Ainsi les père et mère et tous les autres ascendans sont compris dans cette disposition.

Celui qui aurait accepté la tutelle à soixante-cinq ans révolus, n'est pas privé de s'en faire décharger, si, après l'avoir acceptée, il se croit dans l'impossibilité d'en supporter l'exercice.

SV. Des infirmités.

ARTICLE 434.

373. «Tout individu atteint d'une infirmité grave (1), et dûment justifiée, est dispensé de la tutelle.

» Il pourra même s'en faire décharger, si cette infirmité est survenue depuis sa nomination. »

Pour diriger la personne et les biens d'un autre, il faut aisément pouvoir diriger sa personne et ses biens; or, on ne peut facilement conduire tous les fils d'une administration, quand une infirmité grave nous prive d'une partie

(1) Une maladie n'est pas un motif de dispense, quelque grave qu'elle soit; mais si cette maladie était de nature à tenir continuellement ou souvent le malade dans un état d'affaiblissement, au point de ne pouvoir s'occuper lui-même de ses propres affaires, une

de nos facultés physiques et morales. Ainsi, la surdité, la cécité, l'état du muet, l'épilepsie, la paralysie et autres infirmités de ce genre, qui ôtent à la personne la liberté d'agir sans gêne, sont au nombre de celles qui dispensent de la tutelle (2). Il est d'autres infirmités non apparentes et non moins gênantes que celles que nous venons de désigner qui sont aussi au nombre des excu. ses de la tutelle.

Les gens de l'art ont seuls le pouvoir de constater les infirmités, et de déclarer quand elles sont assez graves pour établir la dispense dont parle l'article 434.

SVI. Du cumul des tutelles.

ARTICLE 435.

374.« Deux tutelles sont, pour toute personne, une juste dispense d'en accepter une troisième.

Une tutelle dispense celui qui est époux ou père d'en accepter une seconde, excepté celle de ses enfans » ( 435 ).

Le nombre de tutelles ne se compte pas par le nombre de mineurs, mais bien par le nombre de patrimoines différens. Trois mineurs ayant le même intérêt, comme trois frères germains, fils du père décédé, ne donnent lieu qu'à l'administration d'une seule tutelle, quoiqu'à la majorité le tuteur soit tenu de rendre compte à chacun d'eux séparément. Loi 3. ff. de Excusat., et $5. Inst. de Excus. tut. Velcuz.

375. Lorsque la curatelle a tous les caractères de la tutelle, comme celle de l'administration des biens de l'individu qui est condamné à l'interdiction légale, elle est au nombre des tutelles dont

parle l'article 435. L. 2. §9 ff.de Excusat. L'article 29 du nouveau Code pé. nal veut qu'on nomme à cet interdit un

telle maladie ne devrait-elle pas être considérée comme un infirmité ?

(2) De telles infirmités sont un motif de dispense mais non un motif d'exclusion. Cassation, 7 juin 1820. Dalloz, t. 27, p. 410. Sirey, t. 20, p. 366.

tuteur et un subrogé tuteur, dans la forme dela tutelle de l'interdit pour dé

mence.

376. Mais les cas particuliers qui donnent lieu à la nomination d'un tuteur spécial, comme celui qu'on nomme à l'enfant dont on conteste la légitimité, ne sont pas compris dans la classe de ceux qui donnent lieu à la tutelle générale dont parle le titre de la minorité, de la tutelle et de l'émancipation.

377. D'après le second alinéa de l'article 435, si l'on est époux au père, on ne peut être tenu d'accepter qu'une seule tutelle, excepté le cas où étant déjà chargé d'une tutelle, on devient tuteur de droit de ses enfans; car dans ce cas on n'est pas exempt de deux tutelles.

Le veuf sans enfans, n'étant ni père ni époux, n'est pas compris dans cette dispense.

On ne sait trop pourquoi les législateurs ont mis au nombre des dispenses de la tutelle la qualité d'époux. Ont-ils considéré que cet état est une charge de famille? Je pense que loin d'être une charge cet état est une jouissance, surtout quand la personne est dans une honnête aisance,

ARTICLE 436.

378. « Ceux qui ont cinq enfans légitimes sont dispensés de toute tutelle autre que celle desdits enfans.

» Les enfans morts en activité de service dans les armées du roi, seront toujours comptés pour opérer cette dis

pense.

>> Les autres enfans morts ne seront comptés qu'autant qu'ils auront euxmêmes laissé des enfans actuellement existans. »

D'après la disposition du troisième alinéa de cet article, que les enfans soient morts à l'hôpital ou en congé, ou en mission pour l'intérêt de l'état, s'ils sont au service dans les armées du roi, ils comptent comme ceux qui sont morts sur le champ de bataille ou dans un

cantonnement.

L'enfant adoptif ne cesse pas d'être

compris dans le nombre des enfans du père naturel et légitime, car dans cet état, si le père adoptif était dans l'impossibilité de lui fournir les moyens d'exister, le père légitime ne serait pas dispensé de lui donner des alimens.

Un enfant mort civilement est-il encore au nombre des enfans qui dispensent de la tutelle? Oui, nous répondrons par une juste application de la maxinie, que le droit civil ne peut point détruire ce qui est du droit naturel, Civilis ratio naturalia jura corrumpere non potest, L. 8. ff. de Cap. min.; la mort civile ne fait pas cesser l'obligation de fournir des alimens à celui qui est mort civilement. La loi punit, mais elle n'étouffe pas les sentimens de la

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rait sa nomination. »

ser, il doit s'imputer son défaut de pré- supposer l'acceptation, puisqu'il ignovoyance ou du moins son mauvais choix dans la personne de ce mandataire. Mais dans l'un comme dans l'autre cas, il est non recevable à proposer son excuse après sa nomination. Entre lui et le pupille, le contrat est parfait, il ne peut plus s'en délier par la voie que la loi lui avait ouverte.

Dans le cas où les excuses présentées par le mandataire seraient trouvées insuffisantes, le conseil devrait lui accorder un délai pour obtenir de son mandant de nouveaux renseignemens.

ARTICLE 439.

380. «Si le tuteur nommé n'a pas as sisté à la délibération qui lui a déféré la tutelle, il pourra faire convoquer le conseil de famille pour délibérer sur ses

excuses.

» Ses diligences à cet sujet devront avoir lieu dans le délai de trois jours, à partir de la notification qui lui aura été faite de sa nomination; lequel sera augmenté d'un jour par trois myriamètres de distance du lieu du domicile à celui de l'ouverture de la tutelle.

» Passé ce délai, il sera non recevable. »

Suivant l'article 882 du Code de pro. cédure, cette notification doit être faite dans les trois jours de la délibération, à la réquisition du membre que le conseil a désigné à cet effet.

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En principe d'équité, nous partageons son sentiment, surtout à l'égard d'une délibération contre laquelle on n'a point de délai pour former opposition, comme aux jugemens par défaut;

mais en réfléchissant aux conséquences
de cette doctrine, nous le demandons,
n'y aurait-il pas plus d'inconvéniens à
laisser aux citoyens le pouvoir de se
créer des excuses, que de prévenir cel-
les qui n'arrivent très-rarement?
que
Les motifs du législateur ne sont pas
toujours connus ; mais dans ce point ils
sont en évidence; « Passé ce délai il
sera non recevable. » On aperçoit ici
la sagesse de son ordonnance. Il veut
promptement garantir les droits du
plus faible contre les coups du plus
fort; en un mot il ne veut pas que le
mineur reste sans défense, que sa per-
sonne et ses biens restent sans protec-
teur nommé. Voilà le but de la célérité
que commande cette disposition. Com-
ment ne pas l'exécuter? La raison
qui tend à franchir l'autorité des lois,
est souvent le plus cruel tyran de la
société au lieu de servir d'organe à
l'équité, elle devient l'instrument de
l'arbitraire et de l'injustice. Quand la
loi s'explique clairement, la raison doit
se taire, ou plutôt elle ne doit parler que
pour son autorité, bien supérieure en
sagesse à celle des particuliers, et quand
elle dit tout ce qu'elle veut, personne
ne doit ajouter ou retrancher quelque
chose de sa disposition, et personne ne
doit méconnaître sa prévoyance.

:

381. Lorsque le tuteur est un tuteur légal, ou un tuteur testamantaire nommé par le survivant des père et mère, s'il a des excuses en sa faveur pour se faire démettre de la tutelle, il doit faire convoquer le conseil pour délibérer sur sa retraite, dans le délai de trois jours à compter de l'ouverture de la tutelle, ou, s'il est absent, du jour où il en a eu connaissance, si son domicile est hors de la commune du siége du conseil de famille; dans l'un comme

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