Page images
PDF
EPUB

Cette loi est une loi d'ordre public qui intéresse la société en général.

Du chaos de la première révolution sortit une espèce de législation sur les noms, prénoms et surnoms, qui, à proprement parler, était le cachet de la destruction des plus saines institutions (1).

Des hommes emportés par l'esprit infernal de la tourmente révolutionnaire, qu'on a si justement nommée l'époque de la terreur, ajoutaient à leurs noms des surnoms, et donnaient des prénoms à leurs enfans dont l'histoire de ces temps désastreux ne parle qu'avec mépris.

On a vu de ces hommes donner à leurs enfans les prénoms de Marat, de Maximilien Robespierre, et se donner à eux-mêmes ces surnoms. D'autres, moins exagérés on plus timides, dans la crainte de paraître opposés aux opinions de la déesse qui régnait alors sur la France, donnaient à leurs enfans des prénoms dont la nomenclature, dans le calendrier républicain du 13 vendé miaire ( 5 octobre 1794), est une véritable dérision. Au nombre de ces prénoms figurent ceux de Chien, Cochon. Dindon, Citrouille, Carotte, Pissenlit, et autres de ce genre aussi déraisonnables.

Mais bientôt l'horizon changea de couleur. Ceux-là même qui avaient mis une sorte de gloire à porter des noms si fameux, et leurs propres enfans, qui se trouvaient enchaînés par la liberté de la loi du 24 brumaire an 2 (2), furent les premiers à demander une autre loi qui leur permit de supprimer et changer des noms dont personne ne pouvait plus supporter l'origine et les souvenirs.

Ce fut donc à cette occasion que le gouvernement fit cette loi du 11 germinal an 11, portant:

ART. 1, « A compter de la publica» tion de la présente loi, les noms en » usage dans les différens calendriers,

(1) Voyez la loi du 24 brumaire an 2. (2) Cette loi donne à chaque citoyen la fa

[merged small][ocr errors]

ART. 2. « Toute personne qui porte » actuellement, comme prénom, soit » le nom d'une famille existante, soit >> un nom quelconque qui ne se trouve » pas compris dans la désignation de l'ar»ticle précédent, pourra en demander >> le changement en se conformant aux » dispositions de ce même article. »

[ocr errors]

ART. 3. « Le changement aura lieu d'après un jugement du tribunal d'ar>> rondissement, qui prescrira la recti»fication de l'acte de l'état civil. Ce jugement sera rendu, le commissaire » du gouvernement entendu sur simple » requête présentée par celui qui de>> mandera le changement, s'il est ma>> jeur, ou émancipé, et par ses père et » mère ou tuteur, s'il est mineur. »>

A l'égard des changemens de noms, voyez le titre 2 de cette loi.

54. ARRÊTE du gouvernement, du 30 mars 1808, relatif aux actes à produire pour la célébration des mariages qui sont susceptibles de rectification.

Cet arrêté considère qu'il n'est pas absolument nécessaire de s'adresser aux tribunaux pour faire rectifier sur les registres de l'état civil des noms mal orthographiés dans les actes des époux. En conséquence: il est « d'avis que

» dans le cas où le nom de l'un des fu» turs ne serait pas orthographié dans >> son acte de naissance comme celui de » son père, et dans celui où il aurait » omis quelqu'un des prénoms de ses » parens, le témoignage des pères et » mères ou aïeux assistant au mariage, » et attestant l'identité, doit suffire pour procéder à la célébration du mariage;

[ocr errors]

culté de se nommer comme il lui plaît. Ce sont les propres termes de cette loi.

2.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Qu'il doit en être de même dans le >> cas d'absence des père et mère et aïeux, » s'ils attestent l'identité dans leur con>> sentement donné en forme légale; Qu'en cas de décès des pères, mè» res ou aïeux, l'identité est valable» ment attestée, pour les mineurs, par » le conseil de famille ou par le tuteur » ad hoc; et pour les majeurs par les quatre témoins de l'acte de mariage; Qu'enfin dans le cas où les omis>>sions d'une lettre ou d'un prénom se >> trouvent dans l'acte de décès des pèmères ou aïeux, la déclaration à » serment des personnes dont le consen» tement est nécessaire pour les mi»neurs, et celle des parties et des té» moins pour les majeurs, doivent aussi » être suffisantes, sans qu'il soit nécessaire, dans tous ces cas, de toucher >> aux registres de l'état civil, qui ne » peuvent jamais être rectifiés qu'en » vertu d'un jugement.

>> res,

» Les formalités susdites ne sont exi» gibles que lors de l'acte de célébra >>tion, et non pour les publications, qui doivent toujours être faites con>> formément aux notes remises par les parties aux officiers de l'état civil.

[ocr errors]

En aucun cas, conformément à » l'article 100 du Code civil, les décla» rations faites par les parens ou témoins »> ne peuvent nuire aux parties qui ne » les ont point requises et qui n'y ont point concouru. »

Cette dernière disposition est juste: la rectification du nom d'une personne ne peut préjudicier aux droits des tiers. Par exemple, Victor Chabot a fait une obligation avec hypothèque sur ses biens. Postérieurement à cette obligation, il s'est marié, et par l'acte de célébration, ses père et mère ont déclaré que c'est par erreur que leur fils Victor a été nommé Chabot dans son acte de naissance, que son véritable nom s'écrit Chabaud.

Depuis cette rectification, Victor a de nouveau contracté une obligation et une hypothèque au profit d'une autre personne, sous le nom de Chabaud.

Quoiqu'il en soit, la dissemblance

d'orthographe du nom de Victor ne change rien à la réalité des obligations et des hypothèques qu'il a consenties au profit des tiers. Le dernier créancier inscrit ne serait pas fondé à dire au premier inscrit que le nom de Chabot, mal orthographié, emporte nullité de son inscription: le changement de l'orthographe du nom ne détruit pas l'effet des engagemens de la personne obligée, les lettres qu'elle a tracées dans un temps comme dans un autre étant un signe irrefragable de sa reconnaissance. 55. Autre question sur l'interprétation de l'arrêté du gouvernement du 30 mars 1808.

Quelques personnes prétendent que lorsqu'il s'agit de l'omission de plusieurs lettres ou de plusieurs prénoms sur le même acte, la rectification en doit être faite sur les registres de l'état civil en vertu d'un jugement, fondant leur opi nion sur ce que la disposition même des troisième et sixième S combinés de cet arrêté n'autorise la dispense d'obtenir la décision des tribunaux à cet effet, que quand la rectification d'un acte ne porte que sur l'omission d'une lettre ou d'un prénom. Elles ajoutent qu'il serait par trop dangereux qu'on pût sans l'autorisation de la justice faire des rectifications complexes qui auraient quelquefois la funeste conséquence de changer l'état des personnes.

Cette question nous paraît plus spécieuse que sérieuse. En effet, il n'y a point de différence entre la rectification d'une lettre ou d'un prénom et la rectification de deux lettres ou de deux prénoms dans un acte. La rectification est aussi simple dans un cas que dans l'autre: il n'y a pas plus de danger à dire que c'est par erreur qu'on a écrit le nom de Destournelles avec deux SS dans son acte de naissance, que de dire que c'est par erreur qu'on a écrit Détournelles avec une S; et il n'y en a pas davantage à dire qu'on a omis dans le même acte de naissance, à la dénomination de son père, les prénoms Pierre et Paul, qu'ainsi c'est par erreur qu'on

l'a seulement désigné avec le prénom d'Auguste; que les véritables noms et prénoms de son père sont AugustePierre-Paul Détournelle.

L'objet principal de cet arrêté est d'éviter les frais auxquels les particuliers sont exposés pour faire rectifier les actes qu'ils sont obligés de produire dans plusieurs occasions où cependant la rectification sur les registres de l'état civil n'est pas absolument nécessaire. Or, si on ne pouvait toujours faire de rectification dans les actes que lorsqu'il n'y aurait qu'une lettre ou un prénom de plus ou de moins, le but du législateur serait à peu près illusoire. Par l'expression de quelqu'un des prénoms, d'une lettre ou d'un prénom, dont il s'est servi dans les 3me et 6me S, il n'a pas entendu restreindre la rectification

à une seule lettre, à un seul prénom : en parlant d'une lettre et d'un prénom, il a compris dans ces mots génériques toutes les lettres et tous les prénoms susceptibles d'être rectifiés. Cette vérité prend sa source dans la rédaction même du troisième S où il est dit : que dans le cas où le nom d'un des futurs ne serait pas orthographié dans son acte de naissance comme celui de son père.... Par ce terme orthographié, cet arrêté ne fixe pas jusqu'à quel nombre de lettres on pourra rectifier un nom mal orthographié; il ne suppose pas, mais il dispose clairement qu'on pourra rectifier l'orthographe du nom, quelle que soit l'omission, la transposition et le surcroît de lettres d'un nom mal orthographié. Cette dernière explication fait disparaître toutes les incertitudes.

CHAPITRE IV.

Du Domicile.

Le domicile de l'ouverture de la tu telle est toujours celui qui détermine la compétence du juge de paix chargé de présider le conseil de famille; mais le domicile de la tutelle peut bien être dans un lieu et celui du tuteur dans un aure; et le domicile du mineur non émancipé, qui est toujours chez celui de son tuteur légal, testamentaire ou datif, peut être dans un autre endroit, quand ce mineur est émancipé et qu'i¡ change de domicile.

Au premier coup d'œil on aperçoit que cette matière exige quelque développement. Nous en parlerons dans l'ordre suivant :

SOMMAIRE.

[blocks in formation]

58. Celui qui voyage et ne se fixe nulle part a pour domicile le lieu de sa nais

1. De l'exposé des règles de droit en matière sance, qu'on appelle domicile d'origine.

de domicile.

59. Le vieillard, après avoir vécu

long-temps loin de la maison paternelle, , y conserve encore son domicile tant qu'il n'a pas manifesté la volonté d'en prendre un autre.

60. Une personne peut avoir plusieurs domiciles un domicile de dignité ou d'emploi, un domicile de fuit, un domicile de droit, un domicile de fait et de droit, qu'on appelle encore un domicile actuel; un domicile de propriété, un domicile élu, un domicile contractuel.

61. Le DOMIcile de dignITÉ OU D'EMPLOI est celui qu'on a nécessairement dans un lieu, à cause de la charge ou de l'emploi qu'on y exerce. Ainsi les ministres, les ambassadeurs, les préfets, ont un domicile de dignité, et ceux qui sont employés dans des administrations ou établissemens publics ont un domicile d'emploi. Mais toutes ces personnes conservent le domicile qu'elles avaient auparavant, si elles n'out pas manifesté d'intention contraire (Article 106.)

62. Le domicile dE FAIT est celui où l'on demeure réellement et actuellement; mais ce lieu n'acquiert réelle ment la qualification de domicile qu'au tant qu'il est accompagné de la volonté de s'y fixer. Ainsi le temps que passe à la campagne celui qui demeure ordinairement à la ville ne constitue pas le domicile de fait à la campagne.

63. Le DOMICILE DE DROIT est celui

que la loi établit de plein droit, par quelque circonstance, dans le lieu qu'on habite. Le Français, né en France, qui demeure nombre d'années sur son habitation dans l'une de nos colonies, où il exerce les fonctions civiques d'un citoyen de la colonie, mais qui conserve l'esprit de retour en France, n'a dans ce lieu qu'un domicile de droit (arti

(1) C'est ce qui a été jugé par la Cour impériale de Paris dans la cause des mineurs Arthault contre l'exécuteur testamentaire de M. Kersmorvenn, qui avait habité l'Ile-deFrance pendant un grand nombre d'années. M. Kersmorvenn était l'un des plus riches propriétaires de cette colonie, où il exerçait les fonctions civiques de citoyen. Il mourut sur mer dans la traversée qu'il fit en 1798,

cle 102). Le long espace de temps pendant lequel on a demeuré dans un niême lieu ne suffit pas pour constituer le domicile; nulla tempora domicilium constituunt, aliud cogitanti, dit d'Argentée. Il n'y a point de nouveau domicile pour l'homme qui conserve l'esprit de retour (1). Et en général on peut dire que le domicile est plutôt de volonté que de fait potius est animi quam facti, disent tous les auteurs.

64. Le domicile de fait et de droit, qu'on appelle encore domicile actuel est le véritable domicile, le domicile réel. Ce domicile est celui où l'on demeure actuellement, ou dont on s'absente avec l'esprit de retour. Dans sa propre acception, il comprend le fait de la demeure dans un lieu, la volonté de s'y fixer, et l'autorité de la loi.

65. L'acceptation d'une fonction à vie emporte la translation immédiate du domicile du fonctionnaire dans le lieu où il doit exercer cette fonction. Ainsi, les présidens, les juges, et généralement tous ceux qui remplissent des fonctions à vie, ont un domicile de fait et de droit qu'ils tiennent de l'autorité de la loi.

66. Le DOMICILE DE PROPRIÉTÉ est celui qui résulte de la possession d'un immeuble dont les actions réelles sont soumi ses à la juridiction du lieu où il est situé.

67. Le DOMICILE ELU est celui qu'on choisit, par un exploit, pour la signification de certains actes.

68. Le DOMICILE CONTRACTUEL est celui qu'on établit dans des actes pour l'exécution des conventions d'un contrat. Ce domicile peut être temporaire, perpétuel et irrévocable entre les parties; mais il ne peut produire aucun effet contre des tiers.

ou

pour revenir en France; mais sur la preuve qu'il avait conservé l'esprit de retour dans le lieu de son premier domicile de droit, qui était à Paris, on rejeta sa demande, et l'on jugea que son domicile n'avait pas cessé d'être à Paris. Arrêt du 3 août 1812. Dalloz, t. II, p. 440. Voir à la Bibliothèque de l'ordre des avocats du barreau de Paris, mon mémoire imprimé sur cette question.

Le domicile d'une société est un domicile contractuel.

69. Lorsque la preuve de l'intention de fixer son domicile dans un lieu, ou de le quitter (art. 103) résulte d'une décla ration expresse, faite à la municipalité, on ne peut se méprendre sur le véritable domicile d'une personne. Mais rien n'est plus difficile à découvrir que le domicile de celle qui en a plusieurs. Alors tout dépend des faits et des circonstances; et si, comme il arrive souvent, les faits et les circonstances se contrarient, la décision se trouve livrée à l'arbitraire, et rarement à une connais sance exacte.

S'il était possible d'indiquer le moyen de découvrir un domicile, nous dirions qu'en général la volonté seule suffit pour conserver le domicile, une fois acquis, mais non pour le perdre ou le changer; il faut que le fait et l'intention y soient réunis.

SECTION 11.

De l'ouverture de la tutelle, et de la compétence du juge de paix chargé de présider les conseils de famille.

70. En général la tutelle s'ouvre dans le lieu du domicile du tuteur légal, et jamais dans celui du domicile du tuteur testamentaire ou datif.

Et, par la même raison, la compétence du juge de paix se détermine toujours par celui du domicile du tuteur de droit, et jamais par celui du tuteur testamentaire ou datif.

Pour expliquer ces propositions, nous allons présenter diverses situa tions d'après lesquelles on pourra reconnaître, dans tous les cas, la compétence du juge de paix et le domicile du mineur.

71. L'enfant mineur n'a point de domicile de son chef; il n'a pour domicile réel que le domicile de droit de son tu

teur.

Mais, en général, c'est le domicile de son tuteur légal décédé qui règle la compétence du juge de paix devant le

[ocr errors]

quel doit être convoqué le conseil de famille (C. civ., 108 et 406.)

De cette règle générale il suit que la tutelle s'ouvre dans le lieu du domicile de droit du tuteur légal décédé.

EXEMPLES:

72. Si la mère est décédée la première, la tutelle s'ouvre de plein droit au domicile du père, parce que, dans. le mariage comme après sa dissolution, le domicile des enfans mineurs est de droit chez celui de leur père.

73. Si le père meurt le premier, la tutelle s'ouvre dans le lieu où il avait son domicile de droit au moment de son décès, alors même que la mère, tutrice légale de ses enfans mineurs, séparée de biens ou séparée de corps, avait un autre domicile que celui de son mari, parce que, en matière de tutelle des enfans du mariage, la femme n'a d'autre domicile que celui de son mari dé. cédé.

74. Lorsque le tuteur légal est décédé dans un endroit éloigné de son véritable domicile, cette circonstance ne change pas le lieu de l'ouverture de la tutelle, laquelle, dès l'instant de son décès, se trouve fixée dans celui de son domicile de droit.

Ainsi, dans ces exemples, le juge de paix du domicile des père et mère, tuteur de droit de leurs enfans mineurs, est seul compétent pour présider le conseil de famille.

75. Cependant, lorsque le père est mort le premier et la mère ensuite, si, dans l'intervalle de ces deux décès, le juge de paix du domicile du père n'a point encore présidé le conseil de famille, l'ouverture de la tutelle se trouve fixée dans le lieu du domicile que la mère avait choisi pour son domicile réel et de droit. C'est dans ce sens que la Cour de cassation a fait l'application de cette règle,par arrêt du 10 août 1825. Jurisp. du 19e siècle, 1826, 1, p. 139.

76. Après le décès des père et mère, l'ascendant devient le tuteur légal des mineurs. Dans ce cas, si le juge de paix

« PreviousContinue »