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merçant ne peut pas faire d'abandon volontaire, ne peut-il pas, comme le majeur lui-même, être admis au bénéfice de cession judiciaire? Nous n'en doutons pas; il peut la faire avec l'autorisation du conseil de famille. Faite avec cette autorisation, sous les yeux de la justice, en présence du curateur, la cession de biens du mineur commerçant est aussi valable que celle que fait le majeur lui-même.

La vente de ses biens meubles et immeubles, suivant l'article 574 du Code de commerce, se fait avec des formalités publiques et judiciaires qui équi valent à celles que prescrit l'article 459 du Code civil à l'égard des mineurs.

Ainsi, de l'examen de cette question, on en tíre la conséquence que le mineur commerçant est sans capacité nécessaire pour faire un contrat d'abandon volontaire, et, qu'avec l'autorisation du conseil de famille homologuée par le tribunal, il peut faire la cession judiciaire de tous ses biens comme le majeur lui-même.

808. Dans l'ancien droit, la cession de biens entraînait avec elle une espèce de déshonneur qui approchait de l'infamie. Ceux qui étaient admis au béné. fice de cession étaient incapables de posséder aucunes charges. On leur faisait payer bien cher ce triste bénéfice; car ils étaient obligés de se présenter en personne à l'audience du tribunal, pour y déclarer à haute voix qu'ils faisaient cession et abandon de tous leurs biens sans fraude; et par un excès de mortification exemplaire, suivant l'usage à Paris, on les conduisait au bas du pilori des halles, un jour de marché, où leurs créanciers étaient appelés, pour réitérer cette déclaration. L'huissier qui était chargé de cette mission, prononçait à haute voix que celui qui est présent a été reçu au bénéfice de cession; qu'ainsi personne ne doit l'ignorer et faire aucun commerce avec lui.

Il y a eu un temps où ceux qui avaient fait cession étaient obligés de porter un bonnet ou chapeau vert. Ceux qui étaient trouvés sans cette humiliante coiffure

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perdaient le bénéfice de cession, et leurs créanciers pouvaient les constituer prisonniers, à la charge de leur fournir un bonnet vert par an à leurs dépens. Un arrêt du 1er décembre 1628 a condamné un débiteur admis au bénéfice de cession à porter continuellement le bonnet vert, sans distinction des jours de fête; et un autre, du 10 mai 1622, a condamné un gentilhomme en état de cession de biens à porter le chapeau

vert.

Il faut convenir que cette espèce d'ignominie qu'on affichait sur la personne qui avait eu le malheur d'être dans la nécessité d'obtenir le bénéfice de cession, était bien inconsidérée. En effet, ou le débiteur est malheureux et de bonne foi, ou il ne l'est pas ; s'il n'est pas de bonne foi, on ne doit pas l'admettre au bénéfice de cession. Considéré comme un banqueroutier frauduleux, il subira une autre peine, une peine infamante; mais, s'il est malheureux, s'il est de bonne foi; par exemple, si un incendie, un naufrage, des événemens imprévus, avaient opéré sa ruine, ne serait-il pas injuste qu'on le punît par des signes outrageans d'un malheur qu'il n'a pu ni prévenir ni arrêter dans ses funestes effets?

Une telle punition était en contradiction avec le principe d'humanité qu'on a introduit en faveur des débiteurs malheureux plus dignes de commisération que de blâme. Aussi notre nouveau droit, plus conforme à la raison, ne prive du bénéfice de cession que ceux qui en sont indignes, ou qui, par le caractère de leur emploi et de leur charge, en sont à jamais exclus pour prévenir l'abus ou l'esprit de fraude qui pourrait s'introduire dans l'exercice de leurs fonctions. La peine la plus rigoureuse que prononcent nos lois contre les débiteurs hors d'état de payer leurs dettes est celle qui interdit, en matière de commerce, au failli commerçant l'entrée de la Bourse. (Code de commerce, 615.) Mais cette interdiction est moins une peine qu'une mesure de sûreté pour le commerce.

17.

809. Ainsi les tuteurs, pro-tuteurs et administrateurs particuliers gérant sous la responsabilité des tuteurs, et les curateurs comptables, ne peuvent être admis au bénéfice de cession, s'ils n'ont préalablement rendu et apuré leur compte. Telle est la conséquence de la disposition des art. 905 du C. de proc., et 575 du C. de com. combinés.

C'est par suite de cette origine que l'article 613 du Code de commerce déclare incapable de la réhabilitation ceux des commerçans qui n'ont point rendu et apuré leur compte de tutelle.

SIII. Des règles de droit relatives à la femme mariée, marchande publi

que.

810. Telle est la qualification que le Code de commerce donne à la femme mariée qui exerce un commerce séparé de celui de son mari.

Suivant l'article 4 de ce Code, la femme ne peut être marchande publique, sans le consentement de son mari.

Ainsi, avec le consentement de son mari majeur, la femme, majeure ou mineure, est susceptible d'exercer tous les genres de commerce et d'arts dont l'homme est lui-même capable.

Mais elle n'est pas réputée marchande publique, dit le second alinéa de l'article 5, si elle ne fait que détailler les marchandises du commerce de son mari; elle n'est réputée telle que lorsqu'elle fait un commerce séparé.

811. Lorsqu'elle est reconnue marchande publique, elle peut, sans autorisation spéciale de son mari, s'obliger pour ce qui concerne son négoce; et, dans ce cas, elle oblige aussi son mari, s'il y a communauté de biens entr'eux. (rer alinéa de l'art. 5.) Cette disposition est la conséquence du consentement donné par le mari à sa femme pour faire le commerce. Par ce consentement, il s'est d'avance soumis à l'exécution des obligations qu'elle contractera pour les faits relatifs à ce commerce, de la même manière que s'il s'y fût lui-même obligé.

« Les femmes marchandes publiques, dit l'art. 7, peuvent engager, hypothéquer et aliéner leurs immeubles.

>> Toutefois leurs biens stipulés dotaux, quand elles sont mariées sous le régime dotal, ne peuvent être bypothéqués ni aliénés que dans les cas déterminés et avec les formes réglées par le Code civil. » C'est-à-dire que pour l'établissement des enfans d'un premier mariage de la femme, ou pour celui des enfans communs du mariage, pour tirer de prison le mari ou la femme, pour fournir des alimens à la famille dans le cas prévu par le Code, pour payer les dettes de la femme ou de ceux qui ont constitué la dot, pour faire de grosses réparations indispensables à l'immeuble dotal, etc. Code civ., 1555, 1556, 1557, 1558.

SIV. De la femme mariée mineure marchande publique.

812. La puissance maritale est indépendante de la puissance paternelle, et cette puissance est si importante que, dans la nouvelle législation, l'autorité du mari sur sa femme est plus étendue, que celle du père sur son enfant, que celle d'un tuteur sur sa pupille.

L'autorisation donnée par un mari majeur à sa femme mineure pour faire le commerce, est une exception à la règle générale dont nous avons parlé au § 3 de la sect. 2 de ce chapitre. Aussi pensons-nous que le mari majeur a seul le pouvoir de conférer cette autorisation à sa femme mineure, parce que l'autorité du père a entièrement passé dans celle de la puissance maritale.

Cependant les opinions sont controversées sur cette question de l'autorité maritale. On prétend que l'article 4 du Code de commerce, donnant au mari la faculté d'autoriser sa femme à faire le négoce, ne déroge pas par cette disposition à l'autorisation du père ou de la mère, ou à l'autorisation du conseil de famille. Nous allous démontrer que ce système est contraire au véritable principe sur cette matière.

merce,

Un arrêt de la Cour royale de Toulouse, du 26 mai 1811, Dalloz, t. 19, p. 354; Sirey, 1822, p. 36, décide que la femme mineure ne peut pas faire le commerce avec la seule autorisation de son mari majeur, et être personnellement obligée pour les faits de ce com, par les motifs que l'article 4 du Code de commerce, qui donne au mari la faculté d'autoriser sa femme à faire le commerce, ne déroge point à l'article 2 de ce Code, relatif à l'autorisation du père ou de la mère, ou à l'autorisation du conseil de famille, homologuée par le tribunal civil (1); que le mariage n'a pour effet que d'émanciper la femme; que la loi n'a pu vouloir donner au mari la puissance d'autoriser ainsi la femme à engager, hypothéquer et aliéner ses immeubles ; que telle serait cependant la conséquence de l'autorisation donnée par le mari à la femme pour faire le commerce.

Ce système nous paraît contraire au droit de la puissance maritale. En perdant l'autorité paternelle qu'il avait sur sa fille avant le mariage, le père a du, sans exception, le pouvoir de l'a toriser dans tous les actes de la vie civile. Il serait étrange qu'une femme fut tout à la fois sous la puissance de deux autorités. Telle serait pourtant la conséquence du principe qu'on tend à introduire à l'égard de la femme mineure qui veut être marchande publique.

Les motifs de l'arrêt de la Cour de Toulouse, fondés sur ce que la loi n'a pas voulu donner au mari la puissance d'autoriser sa femme à engager. hypothéquer et aliéner ses immeubles, seraient concluans, si son autorisation pour des actes de cette nature était étrangère à son commerce; mais ils sont sans fondement dans les choses qui sont exceptées de la règle générale établie par le droit commun.

mobilier, à en faire le remploi par hypothèques ou autrement, à provoquer un partage, à poursuivre une expropriation forcée, ou y défendre, à accepter une donation entre-vifs, à recueillir le bénéfice d'une succession ou d'un legs.

Ainsi quand le mari est majeur, la femme majeure ou mineure ne peut devenir marchande publique sans son consentement; lui seul a le pouvoir de l'autoriser à contracter pour lui et contre lui tous les engagemens dont un majeur est passible en matière de commerce. Vouloir distinguer le cas où la femme est majeure de celui où elle est mineure, c'est aller au-delà de la disposition de la loi.

813. Lorsque le mari est lui-même mineur, il ne peut autoriser sa femme, même majeure, à faire le commerce, parce que, selon le principe dont nous avons développé les conséquences dans le § 2 de la sect. 2 de ce chapitre, l'incapable ne peut transmettre à un autre une capacité qu'il n'a pas.

Si donc le mari est mineur, et si la femme est majeure, elle doit s'adresser à la justice pour obtenir l'autorisation dont elle a besoin pour faire le négoce ; et si elle est mineure, son mari mineur ne pouvant lui conférer cette capacité, elle doit se conformer à la disposition. de l'art. 2 du C. de commerce.

La différence qu'il y a entre le pouvoir du mari majeur à l'égard de sa femme mineure qui veut être marchande publique, et celui du mari mineur quand sa femme est mineure, est le meilleur moyen qu'on puisse opposer au système de l'arrêt de la Cour de Toulouse. Car, dans la première circonstance, l'autorité du mari est entière, et dans la seconde, la puissance maritale est incomplète.

SECTION V.

Le droit d'autoriser sa femme mineure participe de celui que la loi lui donne Emancipation légale par le service mipour l'autoriser à recevoir un capital

litaire et maritime.

(1) M. Duranton est de cet avis.

814. A dix-huit ans révolus, les mi

neurs peuvent quitter la maison paternelle pour enrôlement volontaire, suivant l'article 374 du Code civil.

mais ils se trouvent au même instant placés sous l'autorité des chefs de corps où ils sont enrôlés. V. Je ch. 74, sur les lois relatives au service militaire.

SECTION VI..

reconnus.

Ainsi les mineurs sont, quant à leur personne, émancipés de plein droit, lorsqu'ils entrent au service des armées de terre et de mer, à dix huit ans révolus par enrôlement volontaire, ou à De l'Emancipation des enfans naturels vingt ans accomplis, par l'effet de la loi du recrutement du 10 mars 1818; mais si d'ailleurs ils n'ont pas été émancipés suivant les règles du droit commun, ils restent, quoique militaires ou marins, sous l'autorité de leur tuteur, pour l'administration de leurs biens jusqu'à leur majorité de vingt-un ans accomplis, et alors même qu'ils ont été émancipés dans l'exercice des droits civils attribués à l'émancipation, ils restent dans les lieus d'un curateur jusqu'à cette majorité, pour tous les actes qui excèdent les pouvoirs de l'émancipation civile.

815. En entrant dans le service militaire et maritime, les mineurs sont dégagés du pouvoir que leur tuteur légal ou datif avait sur leur personne,

816. D'après les règles de la nouvelle législation sur l'état des enfans naturels, que nous avons développées dans la sect. 10 du chap. 13, il est certain que les père et mère naturels ont le droit d'émanciper leurs enfans naturels, aussi bien que les père et mère légitimes. L'attaque dirigée contre une telle émancipation a été rejetée par un arrêt de la Cour de Limoges, du 2 janvier 1821; Sirey, t. 21, p. 322.

Dans cette cause, on prétendait que le père qui émancipe son enfant mineur peut lui nommer un curateur à son émancipation. Cette question est tellement oiseuse, qu'elle ne mérite pas la plus simple réfutation.

CHAPITRE XVIII.

De la Majorité en général.

817. La majorité est opposée à la minorité : l'une donne, et l'autre refuse le pouvoir de contracter valablement. La majorité commence où la minorité finit.

Dans la nouvelle législation, on entend vulgairement par majorité l'état d'une personne qui, sans distinction, a atteint sa vingt-unième année. Mais, dans l'acception qui lui est propre, elle signifie généralement l'âge où l'on peut

faire pour soi et pour autrui certains actes de la vie.

Il y a des majorités qui sont communes à tous les hommes; il y en a d'autres qui leur sont particulières, relativement aux différentes fonctions auxquelles ils sont destinés dans la société.

La majorité a donc ses degrés selon les contrats, les actions, et selon l'exercice des droits civils et publics.

Il y a deux sortes de majorités : l'absolue et la spéciale; l'absolue est celle qui est fixée à vingt-un ans ; la spéciale prend son origine dans la loi qui fait une exception à la règle générale. Ainsi on peut être tout à la fois majeur et mineur; majeur pour l'exercice d'un acte spécial, et mineur pour tous les autres actes de la vie civile.

Les droits civils des Français sont indépendans de leurs droits publics; nous parlerons des effets de la majorité, suivant cette distinction.

Droits Civils.

818. D'après nos lois pénales, on est majeur dans l'enfance. Ou l'accusé a moins de seize ans, ou il a seize ans révolus; s'il a commis un crime avec discernement avant l'âge de seize ans, il subit une peine moins rigoureuse que le majeur de vingt-un ans ; mais si l'accusé a seize ans accomplis, la loi le considère comme un majeur. C. pén., 67, 68, ნ9.

A quinze ans révolus, les mineurs des deux sexes sont majeurs pour déposer dans les affaires civiles, judiciaires correctionnelles et criminelles. A cet âge, leur témoignage fait foi en justice. V.le ch. 66.

Par l'émancipation, les enfans de famille des deux sexes sont majeurs pour contracter valablement tous les actes qui sont spécifiés au titre de l'Émancipation du Code civil. V. le chap. 17, sur l'Émancipation.

Tout mineur est émancipé de plein droit par le mariage.

L'homme à dix-huit ans, et la femme à quinze ans révolus, sont majeurs pour contracter mariage avec le consentement de leur père et mère. Dans cet état, le mineur peut consentir à toutes les conventions dont ce contrat est susceptible, et non seulement ses conventions sont valables, mais il peut, par ce contrat, donner à l'autre époux, soit par donation simple, soit par donation réciproque, tout ce que la loi permet à l'époux majeur de donner à l'autre conjoint.

Les mineurs mariés jouissent en outre de toutes les prérogatives de la puissance paternelle et de la tutelle légale des enfans nés de leur mariage.

L'enfant naturel qui n'a point été reconnu, et, celui qui, après l'avoir été, a perdu ses père et mère. ou dont les père et mère ne peuvent manifester leur volonté, ne peut se marier avant vingt-un ans accomplis, sans le consentement d'un tuteur ad hoc. Il en est de même des enfans de famille qui ont perdu leur père et mère avant l'âge de vingt-un ans.

Les enfans de famille et les enfans naturels qui n'ont pas atteint la majorité fixée par l'article 148 du Code civil; c'est-à-dire le fils qui n'a pas encore vingt-cinq ans révolus, et la fille vingt-un ans accomplis, sont dans un état d'incapacité pour contracter mariage sans le consentement formel de leurs père et mère. Ainsi, à défaut du consentement requis par l'article 148, la majorité, pour contracter mariage, ne commence pour les fils qu'à la vingtcinquième année révolue, et pour les filles qu'à vingt-un ans accomplis : encore sont-ils tenus, avant de contracter, de demander, par un acte respectueux et formel, le conseil de leurs parens, suivant les articles 151, 152, 153, 154 de ce Code.

En matière de commerce, le mineur émancipé est réputé majeur pour tous les faits relatifs à son commerce. Ainsi la majorité d'un mineur émancipé commerçant, de l'un ou l'autre sexe, peut être fixée à dix-huit ans révolus.

Parvenu à l'âge de seize ans, le mineur peut disposer, par testament, jusqu'à concurrence de la moitié des biens, dont la loi permet au majeur de disposer. V. le chap, 22.

L'homme est majeur à dix-huit ans, pour engager sa personne dans le service militaire, sans le consentement de ses parens. C. civ., 374, et 2 de la loi du 10 mars 1818, sur le recrutement de l'armée. V. le chap. 74.

Droit Canon.

819. Suivant le droit canon, on ne

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