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l'aisance ou du moins le nécessaire à la vie par le travail. Ainsi les enfans qui sont en état de pourvoir à leur existence sont non recevables à demander des alimens. Ceprincipe est établi par la loi 5 ff. de Agnoscendis et Alendis liberis. Dans l'ancien droit on jugeait qu'un enfant était en état de gagner sa vie entre sept et huit ans. Il ne doit pas en être autrement dans le nouveau droit ; mais cette règle doit varier selon les difficultés qu'il y a dans certains pays d'employer des enfans de cet âge à des travaux propres à leurs moyens physi

ques.

Cependant si des maladies ou des infirmités les mettaient dans l'impossibilité d'exercer un état, ces enfans pour raient obtenir des alimens de leurs père et mère jusqu'à ce qu'ils fussent dans la possibilité de le reprendre.

180. En général l'obligation de fournir des alimens ne dure qu'aussi longtemps que les besoins de celui qui les a obtenus. Car si depuis qu'on les lui a accordés sa position était changée à son avantage, celui qui les doit pourrait en obtenir la décharge entière, ou au moins la réduction dans la proportion du changement d'état. Pareillement, si celui qui s'est obligé à les payer, ou qui a été condamné à les fournir, avait perdu sa fortune. ou seulement une partie de sa fortune, il pourrait aussi en obtenir la décharge ou la réduction.

181. Les obligations relatives aux alimens, et les jugemens qui interviennent sur cet objet, ne sont que précaires et conditionnels; ils sont de droit sujets à révocation ou à réduction, deux choses toujours sous-entendues, alors même qu'elles n'y sont pas énoncées. Ainsi les tribunaux peuvent restreindre ou étendre leur primitive décision sans blesser aucune loi : l'axiome non bis in idem ne leur est pas applicable. Arrêt de la Cour de cassat. du 7 déc. 1808. Dalloz, 1, 390. Sirey, t. 9. p. 38.

182. La quotité des alimens et le mode de les fournir sont laissés à l'arbitrage des tribunaux. Leurs jugemens sur cette matière sont sujets à l'appel,

mais ils ne sont pas susceptibles du recours en cassation. L'appréciation des moyens et des besoins des parties n'est pas dans l'attribution de la Cour suprême. Arrêt de la Cour de cassation du 14 germinal an 13. Dalloz, t. 1, p. 396. Sirey, t. 5, p. 285.

183. Un autre arrêt de cette Cour, du 28 prairial an 13 (Sirey, t. 5, p. 357), a décidé que les juges peuvent, dans leur sagesse, sans outrepasser leurs pouvoirs et sans contrevenir à aucune loi, accorder une provision alimentaire. Un autre arrêt de la même Cour, du 5 juin 1809 (Denevers, t. 7, p. 281), a même jugé que cette provision peut être accordée par les Cours royales. alors même qu'elle n'a pas été demandée en première instance.

184. Les alimens dus par jugemens, donations, legs ou autrement, sont insaisissables, suivant la disposition de l'article 581 du Code de procédure, fondée sur le principe que les bienfaits sont personnels. Le droit d'exiger les alimens est un droit exclusivement attaché à la personne. Les créanciers ne peuvent l'exercer du chef de leur débiteur. Plusieurs arrêts ont consacré ce principe. Voyez la sect. 6, chap. 32.

185. La Cour d'Aix, dans son arrêt du 6 avril 1807, cité par les auteurs de la Jur. du C. civ., t. 8, p. 462 et par Dalloz, 1, 422, a jugé que les héritiers qui contestent la légitimité d'un enfant, parce qu'il est né plus de trois cents jours après la mort du mari de sa mère, comme détenteurs de sa succession, doivent être solidairement condamnés à payer provisoirement une pension alimentaire à cet enfant.

Cette décision nous paraît si juste que l'on doit en appliquer le principe toutes les fois qu'il s'agit du désaveu des enfans en possession de la filiation dont on conteste la légitimité.

186 La compensation n'a pas lieu en matière d'alimens. Le créancier qui les doit à son débiteur ne peut les compenser avec sa créance contre ce débiteur.

187. Les alimens ne sont pas res

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189. La séparation de corps est une espèce de divorce forcé qui ne peut ja mais avoir lieu par consentement mutuel. Les époux sont séparés de corps et de biens, et cependant ils restent dans les chaînes du mariage. Semblables à deux puissances ennemies qui vivent sous la condition d'un traité qu'une autre puissance fait respecter, les époux séparés sont soumis aux règlemens de la justice, et sous le rapport de l'administration de leurs biens et de la jouissance de leurs revenus, et sous le rapport du sort de leurs enfans. Dans cet état l'autorité maritale n'est plus qu'une chimère, et la puissance paternelle elle-même est, dans beaucoup de circonstances, dans la main de la justice. L'arrêt qui prononce la séparation de corps est un arrêt d'ordre privé contre les outrages et les mauvais traitemens; mais si ce moyen est quelquefois salutaire, il n'est que trop souvent une arme dont les femmes font usage pour sortir de la dépendance, surtout quand elles sont entraînées par la licen ce des mœurs.

Nous n'entreprendrons point de faire ici l'énumération des causes qui peuvent déterminer la justice à prononcer

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190. Ce que nous avons dit de la séparation de biens sur le contrat de mariage, chap. 35, §. 3, qu'il faut voir absolument, on peut le dire de la séparation de corps, tant il est vrai qu'il n'y a point de séparation de corps sans séparation de biens. Mais à cette considération on peut en ajouter une autre. Après avoir reconnu la nécessité d'entourer les mineurs de la protection de leurs parens, pour diriger leur choix et autoriser leur union légitime, on se demande pourquoi la loi ne les a pas soumis aux mêmes formalités lorsque, la vie commune leur étant insupportable. ils demandent à vivre séparément; mais surtout pourquoi, si le législateur

trouve quelque inconvénient à exiger, dans cette fâcheuse occurrence, l'avis de ceux dont le consentement est requis pour la validité du mariage, ne leur donnerait-il pas un tuteur ad hoc pour les protéger contre leur propre faiblesse et leurs passions exagérées ?

Lorsqu'il s'agit de ses biens, le mineur, même émancipé, ne peut ni les vendre, ni les donner, ni en disposer à tout autre titre, sans l'assistancc et le consentement d'un tuteur ; et quand il s'agit de sa personne. il peut seul, sans l'autorisation d'un protecteur, provoquer la dissolution des conventions civiles du mariage, et paralyser le plus saint des contrats ; triste spectacle de la société civile, où l'on voit préférer le droit de propriété au droit de la personne. Mais telle est l'imperfection des choses humaines ; il est de l'essence de l'homme d'être parfait dans sa nature et d'être imparfait dans ses conceptions. Ainsi, sans appui, sans conseil né de la loi, abandonné au caprice de l'enfance, à une époque où le lit nuptial est encore décoré des fleurs de l'hyménée, le mineur marié, victime de l'étendue de son pouvoir, peut entrer dans le temple de la justice pour demander la stérilité de l'union conjugale.

Le ministère public, nous dira-t-on encore, veille à la conservation des droits des parties et au maintien nécessaire de leur union, et la justice ellemême, qui veille aussi de son côté, ne permettront pas que le plus important des contrats devienne le jouet d'une volonté inconsidérée. Cette objection est plus spécieuse que solide. Le ministère public et les juges eux-mêmes parviendront difficilement à découvrir la vérité. Dans des affaires de cette na

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ture, où la décision repose tout entière sur la gravité des faits, qui peut se flatter que cette vérité parviendra sans altération devant les juges? Qui sait si une telle demande n'est pas le fruit de la combinaison des jeunes époux, ou si elle n'est pas dirigée par une passion illicite ?... Hé! comment le ministère public et la justice pourront-ils découvrir le génie destructeur de cette union naissante ?... En l'absence d'un protecteur spécial donné par la loi, on ne connaîtra qu'imparfaitement ce qui se passe dans l'intérieur de ce mariage désuni, et, pour tout dire en un mot, on ne jugera le plus souvent de la gravité de la demande que sur l'écorce des faits.

La nomination d'un tuteur ad hoc, pour assister le mineur dans une action d'une si haute importance, n'a aucun inconvénient. Par sa présence, il veille et protége tout à la fois sans froisser les intérêts de personne, et, d'accord avec le grand principe sur la minorité, cette présence est en harmonie avec la disposition de la loi, qui veut que le mineur soit autorisé et défendu partout où son incapacité lui refuse le pouvoir de contracter valablement (1).

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191. Les droits de la puissance paternelle ne sont destructibles que dans les cas prévus par la loi par la privation des droits civils, et dans le cas prévu par l'article 335 du Code pénal; mais ce n'est pas la détruire que de protéger les enfans de famille contre l'immoralité de leurs parens, de les sauver de l'abîme du scandale des moeurs. Par exemple, quand le père tient une concubine dans le domicile du mariage, et quand la mère entretient de son côté des liaisons honteuses, la justice doit arracher les enfans du

représenter les présumés absens, commission qui remplace dans l'ancien droit la nomination des curateurs, M. Bigot-Préameneu a dit, dans son discours sur la loi des absens : « Il n'en résulte pas que les nominations de curateurs soient interdites dans d'autres cas où les tribunaux les jugeront indispensables. »

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précipice, et les mettre sous la protection de la vertu.

192. Aussi, en matière de séparation de corps, on juge que ce n'est pas porter atteinte à la puissance paternelle que de confier à la mère l'éducation des enfans communs du mariage, lorsque les tribunaux lui confèrent ce pouvoir pour le plus grand intérêt des mineurs, et surtout s'il y a inconvénient à confier leur éducation au mari. Sur ce point la jurisprudence est uniforme; et c'est sur ce droit de veiller à la conservation des mœurs que la Cour de Rennes, par son arrêt du 21 février 1826, a jugé que, bien que d'après l'article 302 du Code civil, la garde des enfans appartient à celui des époux qui a obtenu la séparation de corps, les juges peuvent confier les enfans à une tierce personne jusqu'à leur majorité ou à leur émancipation, s'il s'élève des soupçons sur la moralité des époux.

INTERDICTION.

au

193. Le tuteur de la femme interdite, ou son subrogé-tuteur, a-t-il toute capacité nécessaire pour intenter, nom de l'interdite, une action en séparation de corps contre son mari, pour cause d'adultère ?

Telle est l'importante question à laquelle la Cour royale de Colmar (16 février 1832, Sirey, t. 32, p. 612) a répondu d'une manière affirmative.

Cette Cour a fondé son opinion sur de nombreuses considérations des actions civiles que le tuteur est chargé de diriger dans l'intérêt de l'administration tutélaire; mais il nous semble que la réponse à cette question exige moins de développement pour démontrer que l'un ou l'autre de ces deux protecteurs a le droit de faire statuer par les tribunaux sur la pertinence des faits d'adultère dont il accuse le mari au nom de la femme interdite.

Il est de principe que le tuteur représente le mineur dans toutes ses actions personnelles, même dans celles qui sont exclusivement attachées à sa

personne; que, suivant ce principe, lui seul a le pouvoir de venger par action civile ou criminelle, correctionnelle ou de simple police, le préjudice qu'on a fait à sa personne ou à ses biens.

Dans l'interdiction mentale, il est une règle générale qui dérive de ce principe; cette règle veut (art. 509) que l'interdit soit, dans tous les cas, assimilé au mineur, pour sa personne et pour ses biens. Or, si le tuteur à la minorité a le pouvoir général de faire respecter la personne et les biens de son pupille, le tuteur à l'interdiction a aussi le pouvoir de faire réprimer l'outrage et l'injure qu'on fait à la personne de l'interdit et les dégradations qu'on fait à sa fortune. Voilà les principes contre lesquels toutes les considérations particulières doivent s'évanouir.

Ceux qui ont une opinion contraire à la décision de l'arrêt de la Cour royale de Colmar, présentent plusieurs moyens pour établir que la demande en séparation de corps est hors des attributions de la tutelle. Pour eux, il y a surtout quelque chose de séduisant dans ces trois propositions :

1o Le mariage est un contrat civil, formé en présence et du consentement des parties, qui ne peut être dissous ou entamé par aucun côté, sans le consentement et la présence des mêmes

personnes.

2o Aucun des époux ne peut transmettre le pouvoir de provoquer la séparation de corps; car pour répondre aux représentations que le président a le droit de faire aux époux sur une telle demande, suivant les art. 877 et 878 du Code de procédure, ils sont tenus de comparaître en personne devant lui, sans pouvoir se faire assister d'avoués ni de conseils.

3o Le tuteur pouvant faire cesser le scandale d'un mari qui entretient une concubine dans le domicile conjugal, en se faisant autoriser par le conseil de famille à placer l'interdite dans une maison de santé, il n'y a pas nécessité ab

solue de provoquer une action aussi rigourense que celle qui tend à faire prononcer une séparation de corps.

Il est vrai que le mariage, l'un des plus plus importans des actes de la vie civile, ne peut être fait qu'en présence et du consentement des époux, et que dans aucun cas il ne peut être formé par la voie d'un mandataire. Mais le mariage n'est pas le seul acte civil que les parties doivent faire personnellement les testamens et donations sont aussi des actes civils qu'elles doivent faire elles-mêmes. Le tuteur ne peut faire ni testament ni donation pour l'interdit, et cependant on ne dira pas qu'il n'a pas le pouvoir de soumettre la donation entre-vifs à l'épreuve de la justice, lorsqu'il apprend que cet acte a été fait dans un temps où l'interdit donnait déjà des signes de la démence pour laquelle il a été interdit.

Aucune loi ne défend au tuteur de provoquer, dans l'intérêt de l'interdit, la séparation de corps, pour arrêter l'incurie de l'époux qui outrage la foi conjugale. Or, ce qu'elle ne défend pas au tuteur, elle l'autorise par les attributions que la tutelle lui défère. Telle est la règle générale à laquelle on ne peut opposer que les exceptions prévues par les lois.

La réfutation de ce premier moyen peut donc servir de réponse à celui qu'on fait résulter des art. 877 et 878. En effet, si le tuteur de l'interdite a le pouvoir de diriger cette demande devant les tribunaux, il est certain qu'il a, comme la partie elle-même, le droit de se présenter devant le président, sans être assisté d'avoué et de conseil, pour entendre ses représentations. Ce n'est point comme mandataire qu'il comparaît sa présence est une fiction de droit qui fait que le tuteur est considéré comme l'interdit lui-même.

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Veut on une plus grande conviction de cette vérité? qu'on prenne pour exem ple ce qui se passe dans les actions civiles au nom de l'interdit. Avant son interdiction, sur la dénégation d'un fait articulé par son adversaire, le tribunal

a ordonné qu'il comparaîtra en personne pour jurer et affirmer sur l'objet en litige. Dans l'intervalle de ce jugement au jour de la comparution, on a reconnu qu'il n'était pas sain d'esprit. Il est interdit et pourvu d'un tuteur. Dans cette situation, l'interdit ne peut pas faire cette affirmation en personne, ainsi qu'il en est requis; mais son tuteur qui le représente, non comme mandataire, mais comme partie, peut faire cette affirmation de la même manière que pourrait la faire l'interdit, s'il était sain d'esprit. Il faut avouer qu'il y a une parfaite analogie entre cette action judiclaire, où l'on ordonne que la partie comparaîtra en personne, et l'action en séparation de corps, où les formalités de procédure exigent que l'époux paraisse en personne devant le président du tribunal: il serait étrange qu'on Pautre. pût approuver l'une sans approuver

Voyons maintenant si le dernier moyen qu'on oppose à cette opinion peut, comme on le prétend, rester sans réplique.

Pourquoi, dit-on, le tuteur ferait il éclater le scandale d'une demande en séparation de corps pour cause d'adultère au nom d'une femme interdite, quand la loi lui ouvre une voie pacifique pour le prévenir? Est-ce que le tuteur ne doit pas avant toute hostilité demander l'autorisation du conseil de famille pour éloigner l'interdite du domicile outragé?

Cette objection est une considération très-raisonnable; mais, en droit, elle ne change pas le principe qui donne au tuteur le pouvoir de former la demande en séparation de corps au nom de l'interdite. D'ailleurs, cette considération n'est pas sans réplique, comme on le prétend elle n'est pas, dans tous les cas, le remède infaillible contre les désordres d'un mari qui entretient une concubine dans le domicile commun, dans le lieu de la couche nuptiale.

En effet, si la fortune ou la situation des affaires des époux ne leur donne pas la possibilité de diviser le moyen

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