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CHAPITRE XLIII.

Du Mandat.

1232. Mandat est synonyme de procuration. C'est un acte par lequel on donne le pouvoir à un autre de faire pour soi tout ce qu'on a le droit de faire soi-même.

Celui qui donne le mandat ou la procuration se nomme mandant, et celui qui le reçoit mandataire.

-Des Mineurs non émancipés.

1233. Le mineur non émancipé ne peut ni donner ni recevoir de mandat, parce que dans cet état il est incapable de contracter.

Par le mandat, le mandataire ou fondé de pouvoir, contracte l'obligation de remplir l'objet du mandat, de l'exécuter ponctuellement, sous peine de dédommager le mandant de sa négligence ou de sa lourde faute (1). Par exemple, s'il avait négligé de faire faire les actes nécessaires pour conserver la garantie contre les endosseurs de billets ou lettres de change dont il avait été chargé de faire le recouvrement. Dans ce cas, il serait responsable, à défaut de paiement du débiteur principal, du montant de ces effets de commerce non acquittés. Ou bien encore si le mandataire avait dépassé les bornes de son pouvoir, il s'oblige et n'oblige pas le mandant. Dès lors on conçoit que le mandat ne convient pas aux mineurs non émancipés. Celui qui ne peut con

(1) Les obligations des mandataires sont exprimées dans le Code civil depuis l'art. 1991 jusqu'à l'art. 1997.

tracter pour lui-même ne peut contracter pour un autre. Ce principe est fondé sur la raison, et par analogie à la disposition de l'art. 1028 du Code civil, portant « que celui qui ne peut s'obli»ger ne peut pas être exécuteur testa» mentaire. >>

Personne ne doit pouvoir traiter, transiger avec un incapable. Un tel mandataire ne serait pas entendu sur une demande en conciliation au bureau de paix où il faut avoir la capacité nécessaire pour traiter, transiger et composer sur une demande en conciliation, qualité si essentielle sans laquelle on ne peut donner aucun consentement en justice. V. Transaction.

Il est bien important pour le mineur qu'il ne puisse ni recevoir ni donner de procuration ou mandat, car s'il en était autrement, ce serait lui donner le funeste moyen de consommer sa ruine. Incapable de prévoir les charges d'un tel contrat, il serait sans cesse exposé à commettre des erreurs, des fautes graves à son préjudice. En un mot, ce serait lui enlever la protection dont la loi l'environne contre la séduction et son inexpérience, ce serait faire d'un enfant en bas âge une personne raisonnable. Aussi le Code ne distingue plus, comme dans le droit romain, l'époque de la berté de celle qui la précède.

EXCEPTION.

pa

1234. Il est des circonstances où le mandant majeur ne peut opposer les vi ces d'incapacité de son mandataire. Par

exemple, s'il a donné son pouvoir à un mineur non émancipé, bien que celui-ci en contractant, ne s'oblige pas valable. ment, ne quidem naturaliter; le marchand qui a préposé à son négoce un tel mineur est tenu, suivant la L. 7, S2, ff. de institoria actione, des obligations qui naissent des marchés que ce mandataire a faits en conséquence du mandat relatif aux objets de commerce qu'il est dans l'usage de contracter au nom du mandant: Pupillus autem institor obligat eum qui eum præposuit, institoria actione; quoniam sibi imputare de bet, qui eum præposuit. Car, dit la loi suivante, il est assez ordinaire de faire tenir des boutiques par des jeunes gens de l'un et de l'autre sexe: Nam et plerique pueros, puellosque tabernis præ

ponunt.

Mineur émancipé et mineur commerçant.

1235. Le mineur commerçant peut douner sa procuration à un autre pour gérer une affaire de commerce, de la même manière qu'il en a lui-même le droit par l'effet de son autorisation commerciale.

Et les mineurs émancipés, suivant l'article 1990 du Code civil, peuvent être choisis pour mandataires; mais alors le mandant n'a d'action contre le mandataire mineur que d'après les règles générales relatives aux obligations des mineurs.

Cette restriction que le mandant n'a d'action contre le mandataire mineur que d'après les règles générales relatives aux obligations des mineurs, signifie que si le mandat exige essentiellement des connaissances, des soins, des précautions au-dessus de la capacité du mandataire, le mandant doit, comme dans l'acte de dépôt, s'imputer le mauvais choix de son mandataire; et alors, si les obligations étaient excessives et devenaient onéreuses au mandataire mineur émancipé, elles devraient être réduites au minimum du dol ou d'une lourde faute.

1236. Par exemple, le mandant don

ne pouvoir à son mandataire mineur émancipé de retirer 30,000 francs qu'il avait en dépôt à la Banque de France, et de placer cette somme sur des effets de commerce de la ville de Bordeaux, à l'échéance de deux ou trois mois.

Le mandataire exécute le mandat; mais au lieu de prendre des renseignemens sur le crédit des maisons de commerce de cette ville, il se contente suivant lui, dans l'intérêt de son commettant, de prendre par voie de négociation tous les effets dont le change sur la place de Paris lui paraît le plus élevé. Malheureusement les tireurs, accepteurs et endosseurs de ces effets étaient notoirement dans une situation peu rassurante l'exécution de leurs engagemens : pour déjà la plupart d'entre eux avaient donné des marques de leur insolvabilité. Enfin, des 30,000 francs, le mandataire ne parvient à recouvrer que 10,000 fr. Dans cet exemple, la faute est grossière en matière de commerce et de banque, de la part d'un mandataire qui connaît ce genre de négociation; mais à l'égard d'un mandataire mineur émancipé, quoique présumé avoir la capacité d'administrer des biens d'une certaine importance, on ne doit la considérer que comme une imprévoyance non sujette à la responsabilité dont le mandataire capable de contrac ter est lenu envers son mandant.

les

1237. Mais supposons que dans une telle occurrence on parvînt à établir que les faits parlent hautement contre le mandataire mineur émancipé, qu'ainsi ou dût faire peser sur sa tête les dommages et intérêts auxquels donne lieu sa mauvaise gestion; dans ce cas, tribunaux faisant une juste application de l'article 1990 du Code civil, doivent prendre en considération la disposition du second de l'art. 484 du même Code, généralement favorable, sans distinction, à tous les mineurs émancipés.

Toutefois ce mandataire, quoique mineur, ne mérite ni l'indulgence de la loi, ni la faveur de la justice, si par quelques manœuvres criminelles ou seulement indélicates, il a combiné à

son profit la ruine de son mandant ou commettant. C'est alors qu'avec sévé rité on doit lui appliquer comme au mandataire majeur, la disposition pénale de l'article 1992, et le condamner à réparer les torts et préjudices qu'il a causés: car, dit l'article 1310, « le » mineur n'est point restituable contre » les obligations résultant de son délit » ou quasi-délit.»

1238. Outre les causes qui donnent lieu à la cessation du mandat, le mandat finit encore par l'interdiction soit du mandant, soit du mandataire. 2003.

1239. Sur les questions de savoir quand il y a lieu de maintenir les obligations des mineurs ou de leur accorder la restitution de leurs engagemens, V. la re part. de la sect. 2 du chap. 32 et le no 16.

CHAPITRE XLIV.

Du Cautionnement.

1240. Le cautionnement est un acte par lequel une personne garantit l'obligation d'une autre.

On ne peut se rendre caution, si l'on n'est maître de sa personne et de ses biens, et l'on n'est pas maître de sa personne et de ses biens lorsqu'on est sous la puissance d'autrui. (C. civ., 2018). D'après cette maxime, le mineur même émancipé ne peut valablement contracter un cautionnement, encore que l'objet cautionné fût à sa disposition. Cependant s'il avait réellement profité d'une partie ou de la totalité de cet objet, soit parce qu'il en a retiré un avantage personnel pour son éducation, soit parce que la valeur de cet objet ou de l'objet lui-même est encore dans ses biens; d'après les règles de la plus simple équité et suivant la disposition de l'article 1312, que nous avons développées sur cette matière. chap. 32, sect. 2 et 4, nous pensons que le mineur ne peut obtenir la rescision de l'acte sans être tenu de rendre la chose ou la valeur réelle dont il a fait son profit. Tout ceci est laissé à la prudence du juge, qui apprécie les faits, la bonne

ou la mauvaise foi des parties. V. le ch. 26.

bligation, et que

1241. Le mineur émancipé qui fait un commerce, ne peut cautionner une obligation qu'autant qu'il a lui-même un intérêt direct dans la cause de l'ocette cause résulte des opérations qu'il fait habituellement dans son commerce; car si l'objet du cautionnement était une opération étrangère à son commerce où le fruit de la captation, le mineur émancipé, assisté de son curateur, pourra en provoquer la nullité.

Par exemple, deux marchands de bois, l'un majeur et l'autre mineur autorisé, exerçant chacun séparément ce genre de commerce, ont fait un traité par lequel le mineur s'est obligé de verser dans les mains du majeur une somme de 10,000 fr. pour payer le prix des bois qu'il a achetés de Julien, et pour temr lieu d'intérêts et de bénéfices à raison du versement de cette somme, remboursable aussitôt après la vente des bois, le majeur s'est obligé de payer au mineur une prime de huit pour cent sur le total du produit de la vente.

Julien vend ses bois au majeur, sous le cautionnement du mineur. Il ne connaissait pas ce traité ; seulement il était informé que le mineur avait un intérêt dans ce marché.

Le majeur ne payant pas, le propriétaire des bois en demande le paiement au mineur sa caution. Celui-ci lui oppose son incapacité. Devant le tribunal de commerce, les écritures de commerce du mineur sont représentées. On y découvre la preuve qu'il a un intérêt dans la vente des bois, et que ce genre de spéculation n'est pas étranger à son commerce. Dans ce cas, le cautionnement contracté par le mineur commerçant est très-valable. Il n'en serait pas de même si ce mineur n'avait aucun in térêt à l'acquisition des bois, ou si la chose cautionnée était absolument étrangère au commerce du mineur.

1242. Suivant la Novelle 115, chap. 3, § 13, les enfans étaient obligés, sous peine d'exhérédation, de racheter leurs père et mère captifs. D'après ce principe d'humanité. peut-on en tirer la conséquence que le cautionnement fait par un mineur pour arracher son père de prison est valable? Dans des causes de cette nature tout dépend des circonstances: il est valable si le père était dans l'impossibilité de faire cesser la contrainte par corps par la vente de ses biens ou par la cession judiciaire ou volontaire de ses biens, ou si le mineur étant éman cipé, le montant du cautionnement n'est pas hors des bornes de ses moyens. Sur cette matière, V. les arrêts rapportés par Brodeau sur Louet. L. a., chap. 9. 1243. Un majeur, suivant la disposition de l'article 2012 du Code civil, peut se rendre caution des engagemens d'un mineur; mais un tel cautiounement ne peut priver celui-ci du droit de faire rescinder le contrat à son égard pour cause de son incapacité, alors même qu'il était mineur émancipé et commercant, si la cause de l'obligation excède ou l'étendue de l'administration de ses biens comme mineur émancipé, ou les bornes des affaires de son commerce.

1244. Le majeur qui a cautionné l'engagement du mineur dans le sens du 2me S de l'art. 2012 du Code, n'est pas fondé à proposer l'exception de minorité dont peut se prévaloir le mineur pour faire rescinder l'acte de cautionnement puisqu'il a principalement donné la garantie pour assurer à tout événement contre l'incapacité du mineur l'exécution de ses propres conventions.

1245. Pareillement, dans toutes les choses indivisibles, il est de principe que lorsque des majeurs se sont obligés conjointement avec un mineur, la restitution de plein droit que ce mineur a obtenue pour cause de lésion de sa minorité, ne relève pas le majeur; car, en matière de divisibilité, le contrat anuulé au profit du mineur subsiste entièrement à l'égard des droits du majeur. Il n'en est pas des obligations divisibles comme des obligations indivisibles, et, par exemple, comme des contrats qui contiennent obligation de servitudes. V. Servitudes.

1246. En général, il n'y a point d'obligation où il n'y a point de consente ment (art. 1108); et, suivant le 1er de l'article 2012, le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable. Or, si l'acte du mineur cautionné par le majeur était infecté d'erreur, de violence, de simulation ou de dol de la part du créancier, il ne serait pas valable, puisque de tels vices sont au nombre des nullités absolues. Dans ce cas, la caution pourra s'en prévaloir pour faire rescinder l'acte de cautionnement et se faire décharger de la garantie; parce que cette action en nullité, quoique exclusivement attachée à la personne du mineur, est inhérente à sa dette: il ne pourrait pas y renoncer au préjudice de son garant. Sur cette matière, V. chap. 32, section 6, la différence qu'il y a entre les droits personnels et les droits qui sont exclu sivement attachés à la personne,

1247. Ce qu'on dit ici du cautionnement de l'acte fait par un mineur s'applique dans tous les cas à l'acte fait par un interdit dans un intervalle lucide. La seconde partie de l'article 2012, où

le mineur est donné pour exemple, s'étend à l'interdit comme à la femme mariée. L'interdit et la femme mariée peuvent attaquer leurs engagemens pour incapacité, quoique cautionnés par un majeur; mais celui-ci ne peut pas profiter de cette action purement personnelle à l'incapable de contracter, parce que, nous l'avons déjà dit, il ne peut exciper lui-même d'une nullité que la loi (2012) lui donne la faculté de couvrir de sa garantie.

1248. Les père et mère, ayant l'usufruit légal des biens de leurs enfans mineurs, ne sont pas tenus de donner caution. La caution est une charge exhorbitante à laquelle l'article 385 du Code civil ne les a pas astreints. 1249. La caution, même avant que d'a

voir payé, peut agir contre le débiteur pour être par lui indemnisée, lorsque ce débiteur s'est obligé de lui rapporter sa décharge dans un certain temps, comme à la majorité du mineur. Et après dix ans, lorsque l'obligation principale n'a point de terme fixe d'échéance, à moins que l'obligation principale ne soit pas de nature à pouvoir être éteinte avant un temps déterminé. 2032.

1250. Toutes les fois qu'il s'élève des difficultés en matière de nomination de tuteurs, curateur et autres administrateurs, et de reddition de comptes les juges peuvent ordonner l'exécution provisoire de leurs jugemens avec ou sans caution. C. proc., 135, no 6.

A l'égard de la caution dont parle l'art. 44 du C. pén.. V. le chap. 63.

CHAPITRE XLV.

De la Transaction et du Compromis.

1251. La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou à naître sur des objets qu'elles ont la capacité de disposer; sous ce rapport ce contrat ne convient point aux mineurs, et en général aux personnes déclarées par la loi incapables de contracter, et, comme le tuteur ne peut lui-même transiger pour le mineur qu'avec l'autorisation du conseil de fa

mille et de l'avis de trois jurisconsultes, ainsi que le Code le prescrit au titre de l'Administration du tuteur, nous avons, suivant cet ordre, mis la transaction au nombre des actes que le tuteur peut faire au nom de son pupille, dans la sect. 16 du chap. 16,sur l'Administration du tuteur. C. civ., 467, 472, 2045. V. le chap. 61 sur les Arbitrages et les Compromis.

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