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nullité de son obligation ou engagement, parce que, porte l'article 1310, il n'est pas restituable contre les obligations résultant de son délit ou quasidélit. La loi protège les mineurs contre leur propre faiblesse; mais là où ils se rendent coupables, elle lève l'exception favorable qui militait en leur faveur. Elle ne veut pas que leur état d'incapacité les mette à l'abri de leur turpitude. V. Part. 405 du C. pén.; V. aussi la sect. 2 du chap. 32, sur les Nullités, § 2. De ces principes il résulte que si le créancier prouve que la somme ou la chose qu'il a prêtée à un incapable lui a profité pour le tout ou pour une partie: par exemple, si avec trois milie francs empruntés le mineur avait remboursé une créance pour laquelle il était poursuivi dans ses biens; si l'interdit a reçu deux mille francs avec lesquels il a réellement payé pareille somme à la maison de santé en déduction de sa pension; si une femme mariée mineure ayant emprunté un capital de dix mille francs, en a remis six à son mari; le créancier du mineur aura le droit de se faire rembourser de son prêt de trois mille francs; celui qui a remis deux mille francs à l'interdit pourra en obtenir le paiement sur ses biens; et le mari sera tenu de payer au créancier de sa femme les six mille francs qu'il a retirés des dix mille francs empruntés sans son consente.

ment. 1312.

1071. Ainsi, toutes les fois que les créanciers de bonne foi établissent la preuve que les incapables, auxquels ils ont prêté de l'argent ou toute autre chose, en ont retiré un avantage certain, ils peuvent rentrer dans leurs avances jusqu'à concurrence de cet avantage.

Ainsi je prête mon cheval de harnais à un mineur pour retirer d'un fleuve des bois que le flot allait entraîner. Le cheval est tellement fatigué,

qu'il en périt. Le mineur me doit le prix du cheval; car, sans le service de cet animal, il aurait perdu ses bois. Il serait injuste qu'il eut sauvé sa propriété au préjudice de la mienne.

Il n'en serait pas de même si j'avais prêté mon cheval de luxe à ce mineur pour se promener. Ce cheval valait alors trois mille francs, et lorsqu'il me l'a rendu il ne valait pas six cents francs, par le mauvais état où il l'a réduit. La perte tombe sur moi seul: je dois m'imputer mon défaut de prévoyance. Le mineur ne me doit même rien à ce sujet dans le for de la conscience, parce qu'il ne doit pas répondre des choses qu'il est incapable de conserver. S'il en était autrement, ce serait un moyen ouvert à la fraude pour le

ruiner.

Dans les obligations naturelles et civiles, on comprend encore celle qui se forme sans convention entre l'élève mineur et son instituteur. Par exemple, un père est convenu de payer la pension de son fils: le père est dans l'impossibilité de l'acquitter; dans ce cas, le mineur, qui en profite, doit luimême la payer sur ses biens.

Obligations des mineurs émancipés et des mineurs commerçans.

1072. Les mineurs émancipés et les mineurs commerçans peuvent contracter des obligations, ou pour des objets relatifs à l'administration de leurs biens, ou pour les affaires de leur commerce, pourvu qu'elles n'excèdent pas les bornes de leur capacité. C. civ, 1305. Mais nous avons déjà donné à cette matière tout le développement qu'elle exige dans la section 2 du chapitre 17. V. le chap, 41, sur le Dépôt, et les sect. 2 et 4 du chap. 32, sur les Nullités, Rescisions et Restitutions, et la sect. 8 du chap. 65.

CHAPITRE XXVII.

De l'Incapacité des Parties contractantes.

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Sont incapables de contracter, les mineurs, les interdits, les femmes mariées, dans les cas exprimés par la loi, et généralement tous ceux auxquels la loi interdit certains contrats. Telle est la disposition générale que le Code établit sur cette matière par l'art. 1124.

Mais lorsqu'on veut apprécier l'ori gine des incapacités, on découvre qu'elles ne sont pas toutes de la même espèce. On distingue celles qui naissent de la nature de celles qui dérivent de la loi. Les unes sont absolues, les autres ne sont qu'accidentelles. On comprend dans les premières les enfans morts nés, les interdits, les mineurs ; dans la seconde classe on met le mort civilement, les enfans nés d'un commerce illicite.

1074. On distingue encore l'incapacité de donner de l'incapacité de recevoir; car souvent on est tout à la fois incapable de donner et incapable de recevoir, comme dans l'état de la mort civile; et souvent aussi on est incapable de recevoir et capable de donner. Par exemple, le tuteur ne peut rien recevoir de son pupille; mais la loi ne le prive pas de la faculté de lui donner. L'enfant adultérin ne peut recevoir que des alimens de ses père et mère; mais cet enfant n'est pas dans un état d'incapacité pour recevoir de toute

autre personne, et de donner son bien à toute autre personne aussi.

1075. Lorsqu'une loi a fixé les rapports des incapables avec les personnes capables de contracter, lorsqu'elle a dit d'une manière générale que telles et telles personnes sont incapables de con tracter, on entend qu'elles ne peuvent même pas faire les contrats dont les dispositions de la loi relative à ces mêmes contrats ne leur interdisent pas le pouvoir de les faire ce que la nature des conventions indique n'a pas besoin d'être exprimé. Ainsi nulle part la loi n'interdit au mineur le pouvoir de donner un immeuble en échange d'un autre immeuble; cependant il est certain que le mineur peut demander la nullité de cette convention, encore bien qu'en matière d'échange la rescision n'ait pas lieu pour cause de lésion; car la minorité est une véritable incapacité, une lésion qui donne au mineur le droit d'attaquer tout ce qui blesse ses intérêts, soit dans le fond de la chose, soit dans la forme de l'acte.

L'article 1125 du Code civil porte <«< que le mineur, l'interdit et la femme » mariée ne peuvent attaquer, pour » cause d'incapacité, leurs engagemens

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que dans les cas prévus par la loi.» C'est-à-dire qu'ils ne peuvent attaquer leurs engagemens que dans les cas qui ne sont pas exceptés par la loi. Telle est la version qui résulte du sens naturel de la disposition de cet article. Car la loi a prévu tous les cas dans lesquels les engagemens des mineurs sont valables; mais elle n'a pas prévu, et elle n'a pu prévoir tous ceux qu'ils sont in

capables de contracter: elle les a dé clarés d'une manière générale, par l'article 1124, incapables de contracter, sauf les exceptions qui font l'objet de plusieurs dispositions du Code (1).

La règle tracée par l'article 1125 a donc particulièrement pour objet d'indiquer qu'ils ne peuvent pas attaquer indistinctement leurs engagemens dans tous les cas; que le pouvoir de les attaquer ne s'étend pas à ceux que la loi leur permet de contracter dans certains cas, ou qu'elle considère comme valablement contractés dans certaines circonstances.

Ainsi, dans le sens bien entendu de l'article 1125, les mineurs non émancipés ne peuvent pas attaquer les engagemens qu'ils ont légalement contractés avec l'autorisation de ceux dont le consentement est requis pour la validité de certains contrats, ou que ceuxci ont légalement contractés pour eux, et ils ne peuvent pas non plus les attaquer, s'ils sont dans les cas prévus par les articles 1308, 1309, 1310, 1311, 1312 et 1314 du Code civil.

1076. Les mineurs émancipés sont également compris dans la disposition

(1) La disposition de l'article 2252 a beaucoup d'analogie avec celle de l'article 1124. Voyez Prescription, chap. 50.

de l'article 1125, en ce sens que tous les engagemens qui n'excèdent pas leur capacité, limitée à l'administration de leurs biens, sont aussi valables que ceux des majeurs ; mais pour tous ceux qui sont hors des bornes de cette administration, ils sont placés dans l'état d'incapacité dont parle l'article 1125. Dans ce cas, ils sont au même rang que les mineurs non émancipés ; et le défaut d'autorisation de ceux dont le consentement est requis, ou le défaut d'assistance de leur curateur pour la validité de certaines conventions, leur donne le droit d'attaquer leurs engagemens, par l'action en rescision, sans qu'il soit besoin d'établir aucune lésion dans le prix de la chose, parce qu'en minorité, l'incapacité est une véritable lésion du pouvoir de contracter, ou, si l'on veut, une nullité relative qui donne au mineur la faculté de se faire restituer.

Tous les chapitres de ce Traité sont l'objet particulier de la capacité ou de l'incapacité des parties contractantes; mais pour avoir une idée exacte de cette matière, il faut voir surtout ce que nous avons dit dans le chap. 32, sur les Actions en nullité ou rescision des conventions, et surtout la sect. 4 de ce même chap., sur la Lésion. V. aussi le chap. 51, sur l'Autorisation nécessaire pour ester en jugement.

CHAPITRE XXVIII.

Du Paiement.

1077. En général, le paiement est tout ce qu'on donne pour acquitter une partie ou la totalité d'une dette.

Tout ce qui anéantit la dette ou la diminue tient lieu de paiement. Ainsi

on ne peut payer par la voie de la compensation, de la délégation, du transport, de la novation.

« Pour payer valablement, il faut être propriétaire de la chose donnée en

paiement, et capable de l'aliéner. >> Néanmoins le paiement d'une som me en argent ou autre chose qui se consomme par l'usage, ne peut être répété contre le créancier qui l'a consommée de bonne foi, quoique le paiement en ait été fait par celui qui n'en était pas propriétaire ou qui n'était pas capable de l'aliéner. 1238.

» Le paiement fait au créancier n'est point valable s'il était incapable de le recevoir, à moins que le débiteur ne prouvât que la chose payée a tourné au profit du créancier. » (1241)(1).

Suivant les dispositions de cette loi, il faut donc avoir la capacité nécessaire pour payer et recevoir valablement. Ainsi les mineurs, les femmes mariées mineures ou non mineures, les interdits, ne peuvent en général ni payer, ni recevoir. Mais cette règle générale souffre plusieurs exceptions.

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cèdent pas les dépenses de l'entretien et de la tenue de la maison conjugale. Quelle que soit la nature de ces objets, s'ils sont proportionnés au rang et aux facultés du mari, la femme ne peut être restituée pour les paiemens par elle faits à ce sujet. V. le § 1er du chap. 26.

1081. Si la femme mariée, même mineure, est dans l'usage de recevoir les revenus, loyers de maisons, de biens ruraux ou de toute autre chose, les paiemens ainsi faits par les débiteurs à la femme mariée sont aussi valables que s'ils eussent été faits au mari. C'est moins en son nom personnel qu'au nom et en qualité de mandataire de son mari qu'elle agit dans ces circonstances. Or, le mari serait donc mal fondé à demander la restitution des sommes ainsi payées par ses débiteurs, parce que, suivant l'axiome assez fait qui laisse faire, on ne peut se plaindre des torts et préjudices qu'on pouvait empêcher ou qu'on a laissé prendre racine dans le silence.

Ce que nous venons de dire des femmes mariées mineures, en général on peut le dire des mineurs qui sont sous la puissance de leurs parens ou tuteurs. Les uns et les autres sont tenus des suites des choses qu'ils sont dans l'usage de leur laisser faire. Les paiemens ainsi faits par les débiteurs dans les mains des mineurs n'auraient aucun effet à l'égard des créanciers que dans le cas où il y aurait erreur, dol ou surprise.

Quatrième Exception.

1082. Les femmes mariées, même mineures, faisant un commerce public et séparé de celui de leurs maris, ont toute capacité nécessaire pour payer et recevoir valablement tout ce qui est relatif à leur commerce. ( Argument de l'article 221 du C. civ.) V. le chap. 17, sur l'Émancipation commerciale.

Cinquième Exception, tirée de l'article 1238.

1083. Alexandre a payé à Paul, interdit, une somme de 2,000 francs, à valoir sur la créance de celui-ci. Avec

cette même somme, cet interdit a payé deux mille francs à la maison de santé qui lui a fourni le logement et la nourriture et lui a donné tous les soins qu'exigeait son état. Dans cet exemple, ce double paiement, quoique fait entre personnes capables et incapables de contracter, est très-valable.

Paul devait à Adrien une somme de 3,000 francs. Paul meurt et laisse pour unique héritier Simon son fils, mineur âgé de seize ans. Dans l'intervalle du décès à l'inventaire, Simon retire de l'héritage des denrées pour une somme de 1,000 francs, et les envoie à Adrien en déduction de sa créance de 3,000 francs sur la succession de son père.

En recevant ces denrées en déduction de sa créance, Adrien les a consommées dans sa maison avec la bonne foi d'une personne qui n'a pas eu l'intention d'abuser de sa capacité contre l'incapacité de l'héritier de son débiteur mineur. Dans cet exemple, le paiement fait par le mineur est très-valable, si la valeur des denrées n'est pas au-dessous du cours du marché du lieu où elles ont été enlevées.

Mais il n'en serait pas de même si, la succession étant mauvaise, l'un des créanciers de cette succession avait, par

des insinuations artificieuses, déterminé l'héritier mineur à lui livrer des denrées de la succession pour en imputer la valeur sur sa créance. Ce créancier pourrait prouver qu'il les a consommées, ou dans sa maison, ou de toute manière utile pour lui; mais cette preuve, dépourvue de bonne foi, serait sans objet : le paiement serait déclaré restituable au profit de la succession, ou plutôt au profit de la masse des créanciers. Le créancier qui se serait ainsi approprié des effets de la succession pourrait même, par analogie à la disposition de l'article 1477, être exclu de la distribution des deniers de la valeur de ces objets entre les autres créanciers.

Sixième Exception, tirée des articles 1241 et 1312 combinés.

1084. Un débiteur paie à un mineur, son créancier, une somme de 8,000 francs. De cette somme, le mineur dissipe 4,000 francs, et emploie le surplus d'une manière utile au profit de ses biens. Dans ce cas, le mineur doit être restitué pour les 4,000 francs qu'il a dis sipés, et son débiteur est valablement libéré jusqu'à concurrence des 4,000 fr. dont l'incapable a profité. 1312.

CHAPITRE XXIX.

Des Offres réelles de paiement et de la consignation.

1085. La consignation est le dépôt d'une somme ou d'une chose que fait un débiteur pour se libérer envers celui auquel les deniers ou la chose sont dus, soit

parce que celui-ci n'est pas en état d'en donner une décharge valable, on qu'il n'offre pas de remplir les conditions

nécessaires à la libération du débiteur, ou qu'il refuse sans en donner le motif.

Ainsi, lorsqu'aux termes de l'article 1257, le créancier refuse de recevoir son paiement, le débiteur peut lui faire des offres réelles; et, sur le refus du créancier de les accepter, il peut dépo

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