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district, pour être ensuite fondues et transformées en canons. Les municipalités furent chargées du transport. Les cloches de Chérencé, comme celles d'ailleurs, furent descendues ainsi qu'il résulte des documents suivants:

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«Du 20 nivose, 2o année républicaine enjoint au citoyen Bigot, charpentier de venir demain 21 nivose, aider à descendre les cloches.

« Avons aussi sommé le citoyen Jacqnes Lemardelé, charpentier.

« Du 12 Janvier 1794, enjoint à Guillaume Le Logeais, de venir demain « 13 Janvier aider à descendre 2 cloches, par un ordre à nous donné par «<le juge de paix du canton de "Juvigny-le-Tertre"

Signé: J. CHAPEL, officier.

L'opération fut remise. De nouvelles réquisitions eurent lieu.

<< Commandons pour descendre les cloches, pour demain 24 nivose, les «<citoyens Gilles Bigot, André Guesdon, Charles Guesdon, Pierre Heur«< taut, A. Giffaut, ouvriers, et Jacques Bagot. pour son câble.

« Arrêté à la maison commune ce 23 nivose, 2o année républicaine. Signé: J. CHAPEL, MACÊ, ANGER, officiers.

Il y avait alors 3 cloches à Chérencé, car le décret de la Convention recommandait d'en laisser une dans chaque commune. Le transport ne se fit à Mortain que 21 jours après. Ce qui est constaté par le procès verbal suivant:

« Du quinze ventose, d'après les ordres reçus pour le transport des «cloches et autres matières de cuivre et bronze, a été requis le citoyen Michel Herbin de fournir la charrette équipée et 4 bœufs, et le citoyen «Jacques Le Soudier de fournir et tenir prêtes trois bêtes pour aider au << dit transport de Chérencé à Mortain.»>

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Les réquisitions de harnachements. Le droit de réquisition, pour l'entretien des armées, s'exerça sur les chevaux, les bêtes de somme, les subsistances; une loi autorisait même la "préhension" des "effets" nécessaires à l'équipement du cheval. Un ordre, à cet effet, fut adressé à la municipalité par le citoyen Roussel, commissaire de la Convention dans le district de Mortain. Cet ordre fut transmis à la municipalité le 14 ventose 1794. Il ordonnait d'apporter à la maison commune les selles, brides, licols, sangles, mords, housses, sabraques, bottes à l'équière et à la hussarde,

éperons, culottes de peau de daim, et de mouton, ainsi que les cordes à fourrage.

Le tout devait être apporté pour le 18 ventose, 4 jours après l'ordre de réquisition. 28 cultivateurs ou propriétaires de Chérencé reçurent une sommation.

Arrestation de déserteurs à Chérencé. La loi sur les suspects donnait aux maires des pouvoirs très étendus. Elle autorisait les visites domiciliaires et le désarmement. Elle permettait même l'arrestation des individus soupçonnés, les perquisitions de toutes sortes les interrogatoires, etc. La municipalité eut l'occasion d'exercer ce pouvoir dans la circonstance suivante: Cinq citoyens furent arrêtés vers le 10 germinal, sur le territoire de la commune. Ils furent amenés au bureau municipal comme suspects. Ils furent interpellés par le Maire et sommés de dire leurs noms. Ils s'y refusèrent. Ils n'étaient porteurs d'aucuns papiers permettant d'établir leur état-civil. Ils furent fouillés.

Sur le premier on trouva:

«45 livres en différents assignats contenus, partie dans un portefeuille, de plus une paire de bas de laine blanche, un bonnet uniforme de police, deux cols blancs et un noir, un peigne et un couteau.»

Sur le second on trouva:

52 livres 5 sols en différents assignats, un bonnet de police, une paire de bas de laine blanche, un peigne et un couteau.»>

Sur le 3o:

<«< 25 livres 4 sols en différents assignats, une paire de bas de laine blanche, une chemise (non comprise celle que lui et ses camarades ont sur le dos), trois cols, un mouchoir, un bonnet de police. deux peignes et

un couteau,»

Sur le 4:

«< So livres en différents assignats dans un portefeuille, une paire de souliers, une paire de bas noirs, nne paire de boucles de composition, un col, un mouchoir, un peigne et un couteau.»

Sur le 5°:

« 37 livres 10 sols en assignats et 13 sols en gros sols, une paire de bas de laine blanche drappée, un bonnet de police, un mouchoir, trois cols et un peigne.»>

Par différentes questions, le maire apprit qu'ils étaient de la Basse-Bretagne et que le Commandant de leur

régiment se nommait Pierre ... (un mot illisible). On se trouvait évidemment en présence de déserteurs.

Les Certificats de civisme. La loi des suspects permettait sur de simples probabilités, l'arrestation des suspects. Les détenus étaient enfermés dans les maisons nationales et gardés à leurs frais. Les visites domiciliaires autorisées d'abord seulement le jour, le furent la nuit par un nouveau décret. Quand des personnes étaient appelées au dehors par leur commerce ou leurs occupations, elles se munissaient d'un certificat de civisme. Elles échappaient ainsi à une arrestation arbitraire là où elles étaient peu connues. Plusieurs habitants de Chérencé se présentèrent à la municipalité pour obtenir un certificat de civisme, c'est-à-dire une attestation de leur républicanisme et une preuve qu'ils remplissaient avec zèle leurs devoirs de citoyens. Le 17 germinal, un nommé Christophe Lepeigné, compagnon papetier domicilié à Chérencé, au hameau de la Gatérie. depuis 2 ans environ, se présenta à la mairie, demanda un certificat constatant qu'il était un vrai républicain, qu'il avait toujours fait les "services" qui lui avaient été enjoints". Le Maire et les officiers municipaux délivrèrent le certificat de civisme demandé, puis une copie en fut affichée à la maison commune.

Le même jour le procès-verbal suivant fut rédigé à l'occasion d'une demande semblable, formulée par le citoyen Jean Baptiste Anger.

«Du 20 germinal IIa année républicaine, nous officiers municipaux et «notables assemblés, connaissant le civisme du citoyen Jean-Baptiste Anger, lui avons délivré le certificat de civisme pour lui servir au be« soin. Au bureau municipal le dit jour et an que dessus.»

La municipalité délivrait aussi des passe-ports. Le compagnon Lepeigné dont il est question plus haut, en obtint un le 30 germinal.

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Mesures contre les réfractaires aux lois sur la réquisition. Malgré la rigueur des lois militaires, des jeunes gens refusaient toujours de rejoindre leurs bataillons. Nous avons vu qu'au 6 novembre 1793, la

municipalité eut a agir auprès de 4 jeunes gens. Il en fut de même le 28 germinal 1794. Le maire avait reçu du Directoire du district de Mortain, et de l'agent militaire de Mortain, l'ordre de faire rejoindre les citoyens Jean Lepeigné fils Julien, Jean Guesnel, Augustin Bochin, Antoine Charles Moulin, Michel Legemble, Georges Hamon, le domestique de Jacques Dubois, Louis Vallée. François Anger. Ces jeunes gens furent sommés de «se rendre sur-le-champ, au bourg de Chérencé pour être accompagnés d'un officier municipal». Ils n'obéirent pas, Les officiers municipaux furent obligés de se retirer. Ils dressèrent un procès-verbal de leur insuccès. Dans la suite des mesures furent prises pour que force restât à la loi. Le 17 prairial, le maire, les officiers municipaux, l'agent national et les membres du comité de surveillance s'assemblèrent à la maison commune et délibérérent «<sur les moyens à employer pour faire conduire à la maison d'arrêt, les jeunes gens de la 1o réquisition qui ont refusé de se rendre à Mortain.»>

Jean-Baptiste Dubois et Charles Chasles, capitaine et lieutenant de la Garde Nationale, furent requis par la municipalité de mettre à éxécution les ordres qu'ils avaient reçus du Commandant de leur bataillon. Ils se firent assister de leurs hommes et en prirent un nombre suffisant pour que la loi soit obéie. Les jeunes gens furent prévenus individuellement et informés d'avoir à se munir des vêtements nécessaires pour "un départ prochain".

Un des jeunes soumis à la réquisition, le nommé Bochin Augustin, vint spontanément à la maison commune, et réclama de la municipalité et du comité de surveillance un "certificat d'apprenti-papetier". Une loi du 23 nivose exemptait de la réquisition les apprentis et élèves papetiers, et un certain nombre d'autres ouvriers. fabricant des objets de première nécessité. Le nommé Bochin justifia par témoins, qu'il était compagnon-papetier chez un nommé Lemardelé fabricant de papier à Chérencé et le certificat demandé lui fut délivré pour "lui servir ce que de raison."

Fermeture de l'Église de Chérencé.

Les lois

révolutionnaires relatives à la religion étaient restées telles que la Constituante les avait faites Mais les prétres réfractaires s'attachant de plus en plus à indisposer tout le monde contre le nouveau régime, la Convention décida leur déportation. Mais elle laissa les communes prendre l'initiative de l'abolition du culte. Les sections de Paris déclarèrent qu'elles ne reconnaissaient plus qu'un culte, celui de la raison, L'église de Notre-Dame fut convertie en un temple républicain appelé "Temple de la Raison'. La suppression du culte catholique en province fut décrétée par les représentants du peuple dans les départements. Les Maires, les officiers municipaux, les fonctionnaires publics, les jours de décade, se rendirent dans les ci-devant églises, ou "temples de la raison" et y lurent la déclaration des droits de l'homme, y firent l'analyse des nouvelles des armees et racontèrent les actions d'éclat qni avaient eu lieu pendant la décade. Voici un extrait du procès-verbal de la fermeture de l'église de Chérencé et de la déclaration faite par le curé Herbert et son vicaire touchant la cessation de leurs fonctions:

«Du 30 germinal, II. année républicaine, nous officiers municipaux, «membres du comité de surveillance et notables soussignés, en vertu de «<l'arrêté des citoyens Bouvet et Frémanger, représentants du peuple «dans les départements de la Manche et du Calvados, tendant à faire <remettre par les citoyens curés et autres ministres du culte catholique, les clefs des églises, les fournitures des églises et armoires repostées « dans les églises, nous avons invité le dit sieur Curé de notre commune « de Chérencé-le-Roussel, à remettre les clefs de l'église et fournitures <«<des armoires de la dite église, ainsi que de nous représenter tous les <«<effets nécessaires pour l'exercice du culte qui lui avaient été mis aux «mains le 5 Juin 1791, jour de son installation; à quoi il a satisfait; a «représenté article par article, tous les effets contenus à l'inventaire, le «<tout en le même état qu'ils furent trouvés. Pourquoi il demeure déchargé <<tant des dites clefs que des meubles et effets de l'église, et ont été les «<dites clefs mises aux mains de Jacques Chapel, premier officier muni«cipal, pour l'absence du citoyen Lentaigne, maire, et les meubles et «<effets restés dans l'église, n'ayant pas d'autre lieu plus solide, pour les « renfermer.

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