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<«<Après quoi les citoyens Pierre Herbert Curé et Charles Lechevalier «<son vicaire, ont déclaré cesser de ce jour toutes leurs fonctions en se <«< conformant aux lois, rentrer dans la classe des citoyens républicains et «y vivre à l'avenir comme ils ont fait par le passé.

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Remise de lettres de prêtrise. Une proclamation du citoyen Lecarpentier, représentant du peuple dans les départements de la Manche et d Ille-et-Vilaine, datée du 24 germinal, exigeait la remise des lettres de prêtrise des curés entre les mains des municipalités. MM Pierre Herbert et Charles Lechevalier, ci-devant curé et vicaire se conformèrent aux lois et à la procla mation; ils remirent leurs lettres de prêtrise. L'ex-curé Herbert, n'en remit que deux et prit l'engagement de remettre les autres "quand il aura pu les recouvrer".

Le 3 floréal, un nommé Gilles Renouvin, "ci-devant" curé de Juvigny, et demeurant à Chérencé, demanda à la municipalité de vouloir bien se rendre chez lui, vu son état de paralytique, pour y recevoir sa déclaration de civisme. Il y avait d'ailleurs déjà quelque temps qu'il était démissionnaire de la Cure de Juvigny, et ne remplissait plus aucun rôle ecclésiastique. Il ne remit pas ses lettres de prêtrise, ayant éprouvé un incendie, et tous ses meubles et papiers ayant été brûlés.

Renouvellement de la Municipalité et des divers Comités. Les fonctions d'officiers municipaux, notables, membres du comité de surveillance, furent d'abord électives. La Convention voulut ensuite avoir tous les pouvoirs en main et les libertés communales furent enlevées. Le 10 floréal 1794, le Maire et les officiers municipaux s'assemblèrent, en vertu de l'arrêté du citoyen Bouvet représentant du peuple dans le département de la Manche et du Calvados, et en vertu aussi des instructions du citoyen Guesdon agent national dans le district de Mortain; ils déclarèrent qu'il résultait d'arrêtés pris par ces deux fonctionnaires que les fonctions de maire restaient confiées au citoyen Lentaigne, que Denis Erard, Jean Anger et Jacques Chapel étaient maintenus officiers municipaux, que Pierre Heurtaut et

Jacques Giffaut étaient nommés officiers municipaux à la place de Gabriel Guesdon et de Pierre André Macé, jugés probablement trop peu enthousiastes de Robespierre, alors tout-puissant. Louis Dubois était nommé agent national à la place de Jacques Lepeigné. Les nouveaux membres furent invités à prêter serment. Pierre Heurtaut déclara qu'il ne pouvait accepter les fonctions d'officier municipal, parce qu'il était ouvrier, et qu'il était obligé de travailler pour vivre. Son excuse était légitime, parce que les membres des municipalités étaient réunis en permanence et n'avaient guère le temps de s'occuper de leurs affaires personnelles. Il déclara vouloir signer son refus, et puis s'y refusa. Jacques Giffaut déclara aussi ne pouvoir accepter les fonctions d'officier municipal, parce qu'il était chargé de six petits enfants, qu'il ne savait ni lire ni écrire, qu'il faisait valoir une grande ferme pour nourrir sa famille, et qu'il n'avait même pas de domestique. II consentit seulement à rester notable, et comme son collègue Pierre Heurtaut il refusa de signer sa non-acceptation.

Louis Dubois accepta sa nomination d'agent-national. Les citoyens René Gasté, Jean Lepeigné, Julien Gallouin, Julien Clouard fils Julien, Jacques Mitaine, Michel Herbin et Jean-Baptiste Dubois, nommés pour compléter le comité de surveillance, accèptèrent aussi. Tous prêtèrent serment et signèrent.

La misère à Chérencé. Le Temple de la Raison. La commune de Chérencé ne récoltait pas pour sa subsistance. Les communes les plus favorisées furent tenues de livrer des grains aux communes les moins favorisées. Les municipalités avaient dressé, après les visites des commissaires-vérificateurs, un tableau des subsistances. L'administration du district connaissait les communes qui avaient un excédent de production. La commune de Montgothier dut être dans ce cas et dut fournir du blé à Chérencé. Voici qui le prouve:

Du 22 prairial, 2o année républicaine, nous Maire, officiers municipaux

« de la commune de Chérencé-le-Roussel, avons nommé les citoyens Her<< bert Langotière, Pierre Gasté, Lemardelé, tous trois de notre commune, pour aller à la commune de Montgothier, se faire livrer du restant de «blé qui nous revient, lequel se monte à quatre-vingt-dix quintaux, suivant « les ordres à nous donnés par l'administration du district de Mortain.

Les distributions de subsistances se firent à l'église lorsque le culte fut aboli. Comme "Notre-Dame de Paris", l'église de Chérencé fut désignée sous le nom de "temple de raison". Je copie quelques lignes qui le prouvent.

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« Nous avons enjoint au citoyen François Cruchet, de se rendre chez le citoyen André Boutin, pour apporter du blé au temple de la raison. <«< S'il manque (le blé) sera sur sa responsabilité. Fait à la maison com«mune le 27 prairial, 2o année républicaine.

Une injonction semblable fut faite le même jour à la "citoyenne v Lemarchand".

Des possesseurs de grains refusaient d'apporter "au temple de la raison" l'excédent de la quantité qu'ils étaient autorisés à conserver pour leur usage personnel. Le 13 messidor, an II, la municipalité prit à leur égard le sévère arrêté suivant.

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«Nous Maire et officiers de la commune de Chérencé-le-Roussel, étant « réunis au lieu de nos séances, l'agent-national entendu, lequel a dit que malgré l'invitation faite à plusieurs particuliers de notre commune, de << se conformer à l'arrêté du district de Mortain, en date du 26 prairial, «< cependant par mauvaise volonté, ou une négligeance impardonnable <«< ils n'ont voulu obéir, pourquoi nous avons immédiatement arrêté de « les dénoncer au comité de surveillance pour être poursuivis, avec la plus grande vigilance, vu que le plus grand nombre des citoyens sont <<< dans le plus pressant besoin et que la faim ne s'ajourne pas. Dans le <«< cas où le comité de surveillance de cette commune ne ferait pas droit «sur-le-champ, à notre invitation, il devient responsable de tous inconvénients.>>

Signé LENTAIGNE, maire, CHAPEL, officier.

L'arrêté ci-dessus montre que la misère était grande en 1794 à Chérencé comme dans le reste de la France, par suite de l'hiver qui avait été mauvais. "La faim ne s'ajourne pas' est une expression forte qui, j'ose l'espé rer, dut émouvoir le cœur des quelques individus qui refusaient de livrer leurs grains. Cet arrêté a été rédigé par le Maire Lentaigne, et écrit de sa propre main.

Je ne crois pas me tromper en affirmant que le citoyen Lentaigne fut un honnête homme et d'une grande énergie,

Avec la

Les dénonciations. La loi de prairial. dictature de Robespierre, la Terreur redoubla. Robespierre fit voter l'atroce "loi de prairial" qui permettait de condamner à mort presque sans jugement tous les suspects. Chacun était menacé. Les dénonciations étaient en honneur, tant il est vrai qu'en temps de dictature, les amis du despote ne connaissent plus ni justice ni honnêteté, esclaves qu'ils sont de leur idole. Chérencé vit des dénonciateurs. Le comité de surveillance fut obligé d'agir. Au Bureau municipal, le 14 messidor, en présence du maire et de deux officiers municipaux, se présenta le nommé Charles Chasles, un cultivateur de Chérencé. Cet individu déclara: «que le nommé Guillaume Mariette, venait dans un entretien particulier de lui confier que Jean Bunel, cultivateur, demeurant au village de la Jamblerie, à Cuves, avait dit en sa présence, et en buvant avec lui, que Guesdon, agent national du district de Mortain, était un coquin, un scélérat, qui méritait d'être assassiné à coups de bâtons, pour détenir nombre de personnes au corps de garde de cette commune, mal à propos et méchamment, et est venu de suite, et avec ledit Mariette pour en passér sa déclaration en sa présence et a demandé à la signer avec nous.»>

Copie de la dénonciation fut adressée au comité de surveillance pour agir sur les faits dénoncés.

Guesdon, agent national du district de Mortain, était l'ancien docteur médecin de Chérencé, l'ancien procureur de la commune, et Charles Chasles était lieutenant de la Garde nationale. Il ambitionnait peut-être une fonction plus élevée et pour cela il faisait du zèle,

Réorganisation de la Garde Nationale. Démission du Maire Lentaigne. En 1794, les deux compagnies de la Garde nationale furent fondues en une seule. Le 11 messidor, le nommé Charles Moulin, en

fut nommé capitaine, Charles Chasles lieutenant, Pierre Gasté et Louis Lemardelé, sous-lieutenants, François Dubois, Jean Lecordier, Michel Clouard, Charles Chapel, sergents. Huit autres citoyens furent nommés caporaux. Le 20 messidor tous ces élus se réunirent à l'heure de décade (dix heures). Ils entendirent la publication des lois en présence de la municipalité et du Conseil général de la commune. Les officiers prêtèrent le serment d'exécuter les ordres et réquisitions qui leur seraient donnés par la municipalité et "les autorités supérieures constituées" concernant le devoir militaire. Les officiers, sous officiers et caporaux furent ensuite reconnus par la municipalité. Tout le monde jura d'obéir aux ordres des supérieurs. Le citoyen Gabriel Guesdon fit seul exception. Il refusa de remplir les fonctions de caporal. La municipalité le somma au nom de la loi d'accepter sa nomination. Il refusa. Il refusa aussi de signer son refus.

Le 20 messidor, le maire Lentaigne donna sa démission. Voici la déclaration qu'il rédigea sur le registre de la municipalité :

«Du 20 messidor, 2o année républicaine. Je soussigné Pierre Lentaigne « de la commune de Chérencé-le-Roussel, déclare à la municipalité et au a conseil général de la commune, que je donne ma démission de maire << pour les raisons les plus puissantes, que je me réserve de détailler au « représentant du peuple envoyé dans le département. Ce dit jour et an «que dessus."

Signé: LENTAIGNE.

Il est regrettable que le maire Lentaigne ne nous ait pas donné "les raisons puissantes" de sa détermination. Quoiqu'il en soit, six mois après, le 20 pluviose 3 année républicaine, il remplit encore les fonctions de maire. On trouve des pièces signées de lui à cette date en cette qualité.

Réquisitions. -Les réquisitions devenaient de plus en plus fréquentes. Les armées de la Révolution étaient victorieuses grâce à l'habileté de Carnot, à l'énergie de nos généraux républicains, grâce aussi à l'énergie de la Convention qui avait donné l'ordre aux généraux de

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