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bilité d'obéir à l'injonction municipale. Ils furent néanmoins condamnés à payer 4 livres d'indemnité chacun, aux habitants des communes ci-dessus désignées qui avaient fait le transport.

Nous nous rappelons la lettre de démission du maire Lentaigne, en date du 20 messidor. L'administration, c'est-à-dire le représentant du peuple dans la Manche, lui donna comme successeur, le nommé Gabriel Guesdon. Celui-ci n'accepta pas, et fit signifier, par huissier, au bureau municipal, son intention d'établir sa résidence en la commune de Beauficel. Alors les officiers municipaux, les notables et les personnes composant le Conseil général de la commune se réunirent le 20 pluviose, pour “élire et choisir" un des citoyens de la commune pour faire les fonctions de maire.

On examina la capacité et le patriotisme de quelques citoyens. Finalement on ne put s'entendre sur un nom. Alors on proposa trois citoyens à l'administration et au représentant du peuple. Celui-ci fut prié de choisir. On proposa Jacques Lecomte, Julien Clouard fils Julien et Jacques Dubois fils de feu Jacques. La proposition fut signée du nom Lentaigne suivi de la qualification de maire. Il n'avait donc pas cessé de remplir les fonctions de maire depuis sa lettre de démission. Il attendait probablement la désignation de son successeur.

Je cite, pour finir, encore deux faits qui eurent lieu sous son administration. Le 20 pluviose eut lieu l'adjudication à Jean Guesdon fils François, d'une entreprise qui consistait à faire les foins de la prairie de M. de St-Paul, laquelle était considérée comme bien national.

Le 19 pluviose, il avait été ordonné à la commune de Chérencé de fournir sous les huits jours, son restant "du contingent de la paille et du foin que la commune devait fournir au district ainsi que l'avoine.". Les nommés Jean Lecordier et Pierre Macé, furent désignés pour fournir la réquisition.

Tels sont les actes de la Municipalité de Chérencé dont les archives ont conservé trace. Il est probable

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que d'autres procès-verbaux furent rédigés jusqu'à la séparation de la Convention, qui eut lieu 6 mois après, et il est regrettable que ces procès-verbaux aient disparu. Ce qui précède donne une idée suffisante cependant du grand effort que dut faire l'administration communale pendant cette époque troublée, et des difficultés sans nombre qu'elle dut avoir à surmonter.

Ce que j'ai raconté peut donner une opinion exacte et juste de l'histoire de Chérencé avant la Révolution, et de l'époque révolutionnaire dans notre commune.

J'ai reproduit fidèlement, et très souvent sans les apprécier, les incidents de la vie communale à Chérencé avant 1789 et pendant les 4 années les plus troublées de la Révolution, parce que j'ai cru que ce récit pouvait être un enseignement. Il me semble que les jeunes générations de cette commune doivent retirer de ce qui précède une leçon d'énergie. Leurs pères ne furent ni des ignorants, ni des incapables. Ils furent des hommes d'initiative et de volonté. Puissent mes anciens élèves leur ressembler à ce double point de vue. Puissent-ils aussi faire des comparaisons avec le présent et se pénétrer de la grande loi du progrès.

J. LENEVEU,

Instituteur.

Le Pré Maudit de Gathemo

(LÉGENDE)

Il y a bien longtemps, il y avait dans un coin de l'antique paroisse de Gathemo un bel herbage d'une fertilité luxuriante; c'était le Pré Fleuri; on n'aurait pu trouver une plus belle prairie à quatre lieues à la ronde. Deux sœurs couturières habitaient non loin de là; elles vi- . vaient en paix fraternelle; mais un jour elles aimèrent le même jeune paysan, et voilà la guerre allumée.

La veille de Noël, la nuit étant déjà venue, elles regagnaient leur village après avoir travaillé à la journée chez les parents du jeune homme, et elles traversaient le Pré Fleuri lorsque leur sourde haine éclata en une querelle violente; au paroxysme de la colère, l'ainée tua sa cadette en lui plongeant dans la gorge ses grands ciseaux d'acier de maîtresse couturière; puis elle s'enfuit, droit comme une flèche, épouvantée de son crime, déroulant sans s'en apercevoir un peloton de fil qui était tombé des poches de sa devantière.

N'osant rentrer à la maison sans sa sœur, la criminelle revint sur ses pas et passa le reste de la nuit dans le Pré Fleuri même, mais à l'extrémité opposée de celle où gisait la pauvre morte. Depuis ce jour, le coté de la prairie sur lequel reposa la fratricide est resté infertile, tandis que l'autre produit toujours les plus belles récoltes d'herbe. D'une part l'aridité la plus complète, de l'autre la fertilité la plus riante, l'épaisseur d'un fil formant la seule ligne de démarcation entre ces deux extrêmes.

C'est cet aspect étrange qui a fait qu'on n'a plus appelé l'ancien Pré Fleuri que du nom de Pré Maudit. A

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la bonne terre d'autrefois a succédé une tourbe tellement mauvaise qu'il est impossiblé actuellement de la brûler; les fleurs nombreuses qui lui avaient mérité son nom et sa renommée ont disparu pour faire place à une mousse étiolée et sans force, qui ne croît qu'avec peine; et l'on remarque que la terre, l'eau et la mousse ont pris une teinte rougeâtre et une nuance sanguinolante; c'est le pré du meurtre et du sang versé, c'est le pré maudit.

La meurtrière, pour échapper à la justice de son pays disparut et s'enfuit, dit-on, jusqu'en Angleterre, où elle mourut on ne sait où, quand, ni comment. Morte, son fantôme revint à Gathemo, tous les ans, la veille de Noël, la nuit du crime; elle venait se repentir et expier son forfait par ses remords brûlants. On l'apercevait avec effroi; elle était muette et mutine, on l'appelait la fée Multine. Voici la fin de cette fée malheureuse, telle que nous l'a racontée une vieille femme du pays, il y a bien 70 ans, car j'en ai maintenant quatre-vingt-dix:

"C'était bien avant la bénite Révolution qui abolit tous les drets des seigneurs et qui donnit la liberté à mon père qui mourit en Egype, cheux les Arabes, du temps de Napoléon. La fée Multine venait tous les ans d'Angleterre à Gathemo, à ce qu'on disait; o s'ertirait dans le fond du Pré Maudit où qu'on dit qu'ol avait commins un crime. Un soir, le gas Pointpour entendit un grand bri de ce côté-là. Il était dans son lit, i s'erlevit, print son fusil et allit vais qui quétait là. I vit Multine. Alors i l'y foutit deux coups de fusil sec dans les yeux et la beille; il est vrai que le gas avait foutu dans son fusil des balles bénites. Multine qu'était touchée tombit et ne s'erlevit pas. Alors Pointpour qu'était hardi la regardit et i vit que c'était une belle créature qu'était belle et core jeune. O l'ergardit et o l'y dit: «Tu m'as tuée et tu m'as délivrée ; j'avais tué et il fallait que je fusse tuée; ma faute est expiée, tu m'as sauvée et je vas dans le Paradis; pour ta peine je te laisse mon pré maudit, tu y feras paître tes brebis ». Après ça

la Multine o périt et on l'ensevelit au fin fond du pré, éyou qu'o v'nait tous l's ans Alors anui quand la néuit tombe, les ceux qui traversent le Pré Maudit ont grand paour."

La conclusion de ce récit est que le mal est toujours puni.

Hippolyte SAUVAGE

Notes

sur Moulines

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Entre tous les objets de décoration de nos églises, il n'en est pas de plus dignes d'intérêt que les vitres peintes. A ne considérer que la Normandie, la belle époque de la peinture sur verre est le début de la Renaissance; c'est surtout vers la fin du XVe siècle que l'art du verrier prit chez nous ses plus grands développements, et qu'il acquit sa plus haute popularité. A ce moment, la Haute-Normandie vit se former des centres importants de fabrication; les plus modestes églises firent appel aux peintres pour décorer au moins de vitres de couleur la fenêtre du chevet; et l'Ecole Rouennaise enrichit la province tout entière de productions où la netteté du dessin et la pureté sévère de la ligne s'allient à l'éclat harmonieux de la couleur, à la profondeur du coloris. Martigny, Fontenay, Savigny, Notre-Dame du Touchet, Lapenty, Virey, etc, etc, eurent des vitraux peints dont il subsiste des restes encore admirables. Les plus grandes causes de leur destruction partielle ou totale furent la Réforme ou le protestantisme avec ses fureurs iconoclastes, les troubles de la Révolution de 1793, l'incurie de beaucoup de desservants, et le vandalisme restaurateur du commencement du XIXe siècle. Il est d'ailleurs une autre cause spéciale aux vitraux, qui a

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