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2o Répartition d'un supplément de 172.415 livres d'impots entre les paroisses de la généralité de Caen pour le rétablissement des chemins, le nettoiement du port du Havre, la continuation des ouvrages à faire aux ports d'Honfleur, Fécamp, Dieppe, etc., imposition établie par ordonnance du roi datée de Versailles le 21 Août 1757; M de Fontette, intendant à Caen, dressa son état de répartition pour notre pays, à Vire, le 22 octobre 1757; voici l'extrait qui concerne le Mortainais: Mortain imposé à

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Le Rocher

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(Pièce donnée par moi aux Archives de la Manche)

Telle est l'étude aussi complète que possible que j'ai pu faire sur notre Mortainais sous Louis XIV avec les documents officiels de l'intendant Foucault.

Hippolyte SAUVAGE,

Lauréat de l'Institut en 1852.

Neuilly-s-seine, le 9 octobre 1913.

Le Combat de la Forge-Coquelin

ou du du Grand-Celland

ENTRE CHOUANS ET BLEUS EN 1794

Le plus grand combat de toute la chouannerie du Bocage et de la Normandie, fut celui de la ForgeCoquelin, à quelques kilomètres de l'Embranchement, sur la route de Juvigny-le-Tertre à Avranches. Tous les habitants des cantons de St-Hilaire, Isigny, Juvigny, Brécey connaissent les champs de la Forge où se tient tous les ans une foire champêtre à la fin de septembre. En 1794, sous la Révolution, ce ne fut pas une paisible réunion de cultivateurs et de marchands que virent ces lieux, mais une bataille acharnée entre les chouans royalistes et les soldats de la 1r" république que que l'on appelait les Bleus, à cause de la couleur bleu marine de leur uniforme. Il est intéressant, pour les lecteurs de la Revue du Mortainais, de savoir comment racontent cet épisode des guerres de la chouannerie deux auteurs qui vécurent à cette époque troublée. Le premier narrateur, Richard Séguin était de Vire; né en 1772, il est mort en 1847; le second, Desfeux, né à St Georges-deLivoye en 1784, devint notaire à Sartilly et mourut en 1850.

V. G.

Le baron de Mandat, (1) dit le Balafré, à cause d'un énorme coup de sabre qui lui partageait le nez, ayant réuni plusieurs divisions de son armée de royalistes fut se camper à Refuveille, sur les bords de la Sée. Ce canton montueux, plein de bois, avait été choisi par ce

(1) Mandat, champenois, né en 1770, avait 24 ans seulement lorsqu'il commandait sa petite armée à la Forge Coquelin. Sa bravoure héroïque, sa grande taille, sa belle figure, sa voix sonore, ses chansons joyeuses où il célébrait, nous disent les Mémoires de Beauchamp, son roi, le Dieu Mars et l'Amour, en avaient fait l'homme le plus populaire de l'armée royaliste.

chef pour donner quelque repos à son armée. Il n'y fut pas longtemps sans que le général républicain Avril qui commandait à Avranches n'en fut averti; il prit sur-le-champ ses mesures pour exterminer d'un seul coup le plus grand nombre des chouans et des chefs qui se trouvaient réunis sur ce point au nombre de deux à trois mille. Deux compagnies d'infanterie républicaines arrivées à peu de distance du camp des chouans s'embusquèrent selon l'ordre qu'elles avaient reçu sur la crête d'une petite élévation située près de la Forge-Coquelin, dans la paroisse du grand Celland. C'était un petit terrain formant un carré long dominant des bois de tous côtés. Le dessin du général Avril était d'y attirer les Chouans, de les y envelopper et de les y détruire. Il était 8 heures du matin que Mandat ignorait encore la marche de l'ennemi. Cependant trois colonnes républicaines étaient sorties avant le jour de St-Hilaire, Avranches et Mortain sous les ordres du général Leblay et s'avançaient à marches forcées L'avant garde de Mandat est attaquée à la Croix-Chauvel par une trentaine de tirailleurs postés sur son passage. Mandat aperçoit les républicains en nombre sur le plateau, mais sans s'étonner il distribue ses colonnes pour la bataille pendant que Durosel, le comte de Ruays, Marguerie, St-Paul de Lingeard et Latour, avec leurs divisions, s'emparent de toutes les avenues conduisant au plateau; mais le général royaliste, qui commença alors à s'apercevoir que toutes les garnisons républicaines des villes voisines marchaient sur lui, connut tout le danger de sa position. Une retraite lui paraissant impraticable, il résolut de vaincre ou de mourir. La bataille dura huit heures presque consécutives. Le corps républicain retranché sur le plateau ne put être débloqué, mais le reste du champ de carnage resta à Mandat qui eut fait beaucoup plus de mal aux républicains si les cartouches n'avaient pas manqué à ses soldats Jamais combat ne fut plus opiniâtre; on voyait de longs sillons de sang et les champs jalonnés de cadavres.

Ce grand combat, qu'on peut nommer la Bataille de la Chouannerie bocaine-normande, fut très sanglant: les Républicains y eurent près de 200 hommes tués ou blessés grièvement; les Royalistes y perdirent 35 chouans tués et plus de 60 blessés. ce qui porta leurs pertes à près de cent hommes mis hors de combat. Rouelle, Faincère, officiers royalistes très braves, l'intrépide Morcel, capitaine d'une des compagnies de Talvendes, furent du nombre des morts.

Mandat conduisit son armée à Lingeard et établit son quartier-général au château.

Richard SEGUIN.

p. 185, 186, 187, tome II, de l'Histoire de la Chouannerie

Voici maintenant le récit de Desfeux

En mai ou juin 1794, autant que je puis m'en rappeler, eut lieu la bataille de la Forge-Coquelin ou du GrandCelland. Elle fut sérieuse et meurtrière. Les Bleus s'y trouvèrent au nombre d'environ mille et les chouans au nombre de 800, commandés par M. de Frotté. Après une lutte de plusieurs heures, les Chouans demeurèrent victorieux. Les Bleus soutenus par plusieurs colonnes mobiles qui arrivèrent a leur secours, se retirèrent sur Avranches, laissant quantité de morts sur le champ de bataille et emmenant leurs blessés, qui étaient en nombre considérable. Il en resta quelques-uns au pouvoir des Chouans et ceux-ci les passèrent par les armes, car dans cette malheureuse guerre, on ne faisait pas de quartier et les prisonniers de part et d'autre étaient mis à mort sans pitié.

Les militaires blessés, transportés à Avranches, furent reçus à l'hospice de cette ville et confiés aux soins de M. Dominel médecin et chirurgien, attaché à cet hospice. Et on fit la remarque que tous y moururent. On accusa dans le temps M. Dominel, de les avoir empoisonnés, ce qui ne fut pas prouvé, ce qui n'est pas vraisemblable.

La victoire remportée par les chouans au GrandCelland, eut principalement pour résultat de les rendre plus hardis et plus entreprenants Leur nombre s'accrut considérablement et ils refoulèrent les colonnes mobiles jusque dans les villes. Devenus maîtres du pays, ils firent ouvrir les églises, les firent bénir, et les prêtres, protégés par eux, y dirent ouvertement les messes qui étaient annoncées au son des cloches comme en pleine paix.

J'ai assisté à ces messes à St-Georges-de-Livoye, Vernix et la Chaise-Baudouin.

Un dimanche, j'allai à la Chaise-Baudouin pour entendre la grand'messe de l'abbé Maincent. J arrivai trop tard pour entrer dans l'Église que je trouvai encombrée de monde, et force me fut de rester dans le cimetière avec beaucoup de personnes.

Un peu avant l'élévation et lorsqu'on s'y attendait le moins, arrivèrent à petit bruit cinquante dragons à cheval et cinq ou six cents fantassins bleus ou soldats de la République, qui cernèrent le cimetière, en déclarant que quiconque tenterait d'en sortir serait fusillé sur-le-champ.

Il se fit à cet instant, parmi les personnes qui assistaient à la messe, un mouvement et une mêlée difficiles à décrire à la porte sud de l'église. Celles qui étaient dehors s'empressaient d'entrer pour se mettre en sûreté. Celles qui étaient entrées faisaient tous leurs efforts pour sortir, afin d'éviter les dragons qui étaient entrés à cheval et sabres nus par la grande porte, et qui se faisaient faire avec violence un passage le long de la nef pour arriver dans le choeur. On se poussait, on se bousculait, on se passait sur le corps, et ce désordre dura jusqu'à ce que les dragons se fussent assurés du prêtre, qu'ils prirent à l'autel.

Dès qu'il fut en leur pouvoir, le chef de la troupe donna l'ordre aux soldats de protéger la sortie de l'église. Elle se fit avec méthode et lentement. Au moment où parut M. Dubuat, un des chefs les plus redoutés de la

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