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Il y a bon nombre d'administrations qui, ayant cessé de siéger au cabaret pour acquérir des bâtiments affectés spécialement à leur service, croient avoir tout fait. Mais après l'acquisition vient l'entretien, comme le leur rappelle M. le commissaire de l'arrondissement de Neufchâteau :

Malgré toutes mes recommandations, je dois reconnaître que plusieurs administrations communales ne donnent pas assez de soins à l'entretien de leurs bâtiments publics. Tant que l'on n'aura pas recours au moyen que j'ai déjà indiqué, et qui consiste à charger chaque année les architectes provinciaux de faire procéder aux travaux d'entretien et de réparation de ces bâtiments, on n'aura que des édifices toujours en mauvais état, et qui se détérioreront beaucoup plus vite que s'ils étaient convenablement entretenus. De là, de nouvelles et considérables dépenses à charge des communes peu prévoyantes.

M. le procureur général près la cour d'appel de Liége, dans un rapport adressé à M. le gouverneur de la province de Namur, déclare qu'en général, l'important service de l'état civil est dirigé dans cette province d'une manière satisfaisante.

Ce magistrat relève cependant quelques points à l'égard desquels les officiers de l'état civil se trouvent en défaut :

C'est ainsi que, dans l'arrondissement de

on

Namur comme dans celui de Dinant, constate de nouveau l'abus qui consiste à ne pas rédiger et signer les actes séante tenante. Cet abus est très-répandu et il en engendre lui-même d'autres de là, notamment, les actes restent sans signature de la part des officiers de l'état civil, des parties ou des témoins. En insistant encore sous ce rapport auprès des procureurs du roi, je n'ai pu que m'en référer aux instructions des années précédentes. Mais les membres des parquets redoubleront d'efforts pour tâcher de mettre un terme à un usage aussi contraire à la loi. Ils sont très-bien secondés par MM. les commissaires de district.

J'espère que tous ensemble, ils parviendront à des résultats favorables.

Il est un autre genre d'infraction qui m'a surtout frappé dans l'arrondissement de Dinant. Un certain nombre d'actes de naissance ont été rédigés par les officiers de l'état civil après l'expiration du délai légal. C'est une contravention manifeste à l'art. 55 du code civil. J'ai prié M. le procureur du roi d'appuyer à cet égard auprès des officiers en faute, pour que ce fait ne se renouvelle plus. Ce magistrat leur rappellera qu'après les trois jours de la naissance, ils ne peuvent plus en recevoir la déclaration ni en dresser l'acte. Un jugement du tribunal doit alors intervenir, conformément à l'avis du conseil d'Etat du 12 brumaire an IX.

En ce qui concerne les actes non signés par les officiers de l'état civil, je dois ajouter que cette omission ne se rencontre pas communément sur les doubles des actes déposés dans les archives communales, et cette circonstance atténue, dans une certaine mesure, la gravité de l'infraction.

(A continuer.)

ÉTAT CIVIL.

LES PRÉNOMS DES NOUVEAU-NÉS.

Une loi du 11 germinal an XI (1er avril 1805) défend aux officiers de l'état civil d'inscrire dans les actes de naissances des prénoms choisis en dehors des calendriers et de l'histoire ancienne.

Les parents ignorent généralement cette prohibition et il arrive qu'ils veulent donner à leurs enfants des prénoms empruntés à leur imagination, à la superstition ou à la sottise. L'officier de l'état civil refuse d'admettre ces qualifications bizarres et les déclarants protestent; un débat s'engage et ce n'est pas sans peine que l'officier public parvient à convaincre les parties. Cependant la loi est formelle et doit absolument recevoir son application, qui ne peut dépendre du bon vouloir de l'officier et encore moins de la volonté des parties. Cette loi repose spécialement sur l'intérêt des familles, qui proscrit la faculté insensée d'affubler un enfant d'un prénom qui puisse le rendre ridicule, prêter à la risée publique ou blesser la moralité.

Dans toute société policée, la li

berté a des limites et la société des droits qui dérivent de la protection que les lois accordent aux citoyens, et leur devoir est de se soumettre, même dans le domaine de la famille, aux exigences de cette situation. Voilà pour le principe.

Il reste maintenant à examiner si la loi du 11 germinal an XI a conservé sa force juridique et si elle n'est pas contraire à notre régime constitutionnel.

Voyons d'abord ce qu'en pense M. Tielemans (Répertoire de l'Administration, etc., t. Ier, p. 200):

Lorsque les ecclésiastiques étaient chargés des registres de l'état civil, les idées religieuses, alors généralement répandues, empêchaient que l'on ne donnât aux enfants, lorsqu'on les présentait au baptême, d'autres prénoms que ceux des saints.

Mais la loi du 20 septembre 1792, ayant établi des officiers publics pour recevoir, à l'avenir, les actes de l'état civil, sans prescrire aucune règle sur le choix des prénoms que l'on pourrait prendre ou imposer à ses enfants, fit naître un désordre que le législateur n'avait pas prévu, ou dont les conséquences ne lui pa rurent pas assez importantes pour qu'il crût devoir s'en occuper.

Cependant il en résulta les plus graves inconvénients; car non-seulement les prénoms furent indifféremment choisis parmi les êtres abstraits et inanimés, mais encore parmi les noms des personnes existantes, système ridicule ou dangereux qui tendait à introduire la confusion dans les familles.

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famille existante, comme prénom d'un individu appartenant à une autre famille; il doit interdire à l'adulation ou à l'engouement cette espèce de patronage, sous lequel la faiblesse, la médiocrité et quelquefois même le crime, viendraient se ranger; enfin il doit conserver aux hommes que leurs talents, leurs vertus ou des événements célèbres produisent sur la scène. du monde, la propriété exclusive de leurs noms, soit qu'elle soit honorable et glorieuse, soit qu'elle soit un fardeau pénible, et les laisser ainsi passer à la postérité sans incertitude sur l'individu qui les aura portés; le temps seul peut rendre les noms historiques.

>> Mais pour parvenir à ce but, il ne suffisait pas de défendre l'adoption de ces sortes de noms comme prénoms, quoique cette marche. parut d'abord plus simple. Le grand nombre. de noms de famille français, qui se trouvent être en même temps des noms de baptême ou des prénoms, a forcé de donner à l'énoncé de la loi une expression positive; et en effet, en la restreignant à une défense, on donnait indirectement à ces familles le droit d'attaquer tous ceux qui prendraient à l'avenir leur nom comme prénom.

» Indépendamment de cette raison, qui, elle-même, me semble suffisante pour justifier l'article, il y a quelque avantage, à la suite des secousses d'une longue révolution, dans laquelle on a été souvent entraîné hors du cercle des idées simples, à donner une direction à l'opinion, à la ramener dans la véritable route, et à persuader, s'il est possible, que le prénom donné à l'enfant, au moment de sa naissance, n'est qu'un moyen nécessaire pour le distinguer de tout autre, et non pas un présage de ce qu'il doit être un jour; enfin que le choix de ce nom peut tout au plus dépendre de quelque souvenir d'amitié ou de reconnaissance, mais ne doit jamais être une affaire de parti.

» Au surplus, la limitation portée par l'ar

ticle laisse encore une telle étendue au choix, que personne n'aura, je pense, un sujet légitime de s'en plaindre; que toute religion, toute opinion particulière même, s'y trouverait suffisamment à l'aise; et si elle interdit seulement les êtres abstraits et les choses inanimées, elle n'interdit que la faculté de satisfaire une fantaisie, pour le moins toujours inconvenable et souvent absurde et ridicule. »>

Cette loi est-elle encore obligatoire aujourd'hui ? Nous n'hésitons pas à répondre affirmativement à cette question. Les motifs qui l'ont rendue nécessaire, existent toujours; et si nous n'avons pas à craindre aujourd'hui que l'on donne aux enfants des prénoms absurdes et ridicules, ou des noms qui seraient déjà la pro

priété d'une famille, on ne saurait disconvenir que des époques peuvent renaître où les passions fortement exaltées engendreraient peutêtre les mêmes abus, la même confusion qu'autrefois.

Cependant il serait difficile d'exécuter à la lettre la loi du 11 germinal an XI. La mode et les communications devenues plus faciles de peuple à peuple, ont introduit en Belgique ou en France une foule de noms qui n'y étaient pas connus auparavant, et qui ne se trouvent ni dans les calendriers modernes ni dans l'histoire ancienne. Les officiers de l'état civil les

ont admis dans leurs actes, et en effet l'esprit de la loi ne s'y oppose pas : elle n'a voulu prohiber que les noms des choses inanimées ou abstraites, et les noms de famille appartenant à des personnes encore vivantes et à l'histoire moderne,

Ce qui précède pourrait nous dispenser d'un développement plus long; mais nous tenons à prouver d'une manière irréfutable que la loi du 11 germinal an XI a toujours

son utilité et sa force. C'est ce que pensent, au surplus, tous les auteurs, et la liste en est longue : COIN-DELISLE et ROYER, Actes de l'état civil, art. 57, p. 44, à la note; COLLIER, Tenue de l'état civil en France, p. 96, n° 109; BRUNO, Code administratif de Belgique, t. Ier, p. 209, no 992; DE Fooz, Le Droit administratif belge, t. III, p. 43, note no 3; BRIXHE, Manuel des officiers de l'état civil belges, p. 314, no 4; VERVLOET, Code de l'officier de l'état civil, t. Ier, p. 214, note no 3; GÉRARD, Code civil expliqué, art. 57, à la note; WYVEKENS, Dictionnaire des Bourgmestres, p. 204.

Sauf les deux premiers auteurs, qui sont français, et que nous citons parce qu'ils donnent l'exposé de la législation que nous invoquons, tous les autres sont belges et il n'est venu à la pensée d'aucun d'eux d'élever des doutes sur la valeur constitutionnelle en Belgique de la loi française qu'ils rapportent et expliquent.

Ainsi donc, sept jurisconsultes belges, et des spécialistes, sont d'avis que la loi du 11 germinal an XI est restée en vigueur en Belgique. Nous n'en connaissons aucun qui se soit prononcé en sens contraire, et cela se conçoit; car, si la loi de l'an XI n'existait pas, on devrait la faire par nécessité d'or

dre public. Ainsi pense M. De Fooz lorsqu'il dit :

L'ordre public exige, à plusieurs égards, que les noms propres demeurent immuables, comme ceux des localités auxquels ils sont liés.

Le respect et le maintien des noms est une condition de crédit et de succès dans les applications du travail.

Leur promiscuité jetterait le désordre dans l'état civil des citoyens et dans la plupart des services administratifs.

Serait-il conforme à notre civilisation de laisser donner pour prénoms à des enfants les noms appartenant en propre à Robespierre, à Danton, à Marat? Ne blesseraiton pas la morale publique en autorisant l'introduction dans les actes de naissances de prénoms qui rappellent les Dumolard, les Troppman, les Dessous-le-Moustier?

Ne serait-ce pas ôter à la solennité des actes que de laisser transfigurer les prénoms de Pierre,

Elle ne tarderait pas à paralyser l'action des François et Marie en ceux plus polois et des pouvoirs publics. pulaires de Pitje, Susse et Mieke?

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