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sente au greffe, pour y faire inscrire une cause et produit une procuration de son client, spéciale pour toutes les affaires de commerce, soit en demandant, soit en défendant. Le greffier ne trouve point cette procuration conforme au prescrit de l'art. 627 du Cod. de comm., et refuse l'inscription.

L'agréé en réfère au tribunal qui, après s'être expliqué sur la question particulière, prend, en forme de règlement général, un arrêté dont voici les termes : « Nous arrêtons provisoirement, et jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné par l'autorité supérieure, qu'un mandat donné à un tiers pour représenter le mandant, dans toutes les affaires commerciales qu'il peut avoir devant le tribunal, est suffisamment spécial; qu'il doit être enregistré et visé par le greffier; enfin que le mandataire doit joindre à ce pouvoir soit l'original, soit la copie de l'assignation, de manière qu'il soit hors de doute qu'il a pouvoir suffisant et instruction pour plaider jusqu'à révocation dûment notifiée; -En conséquence, ordonnons au greffier de se conformer au présent arrêté, qui sera adressé en expédition à M. le procureur-général de la Cour de Paris. Ainsi délibéré en la chambre du conseil. »

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M. le procureur-général a dénoncé, de l'ordre du garde des sceaux, cet arrêté à la section des requêtes de la Cour de cassation. — Peut-être, a dit ce magistrat, eût-on fermé les yeux sur ce mode de prononcer, en considérant que le vice de la disposition générale et réglémentaire s'affaiblissait en présence d'une cause qui l'avait fait naître et à laquelle elle s'appliMais la disposition étant erronée au fond, on ne quait. pouvait mettre en doute la nécessité d'une annulation. Elle est erronée en effet, l'art. 627 du Cod de comm, exige que toute personne qui voudra plaider pour une partie devant les tribunaux de commerce soit munie d'un pouvoir spécial. Qu'entend-on par pouvoir spécial? L'art. 1987 du Cod. civ. porte: « Il est ou spécial et pour une affaire ou certaines affaires seulement, ou général et pour toutes les affaires du mandant. » Ce serait abuser de cet article que d'appliquer la spécialité à toute une classe d'affaires qui seraient innommées, et qu'on désignerait seulement in genere. Cette désignation in genere aurait un caractère de généralité, comme l'institution d'un légataire à titre universel. Mais, sans s'appesantir sur cette théorie, il semble que la spécialité dont a voulu parler l'art. 627 du Cod. de comm. est une spécialité inhérente aux

affaires qui sont portées ou qui vont l'être devant le tribunal. On n'a qu'à examiner avec soin l'ensemble de l'article, se pénétrer du but de la disposition, et l'on restera convaincu que ces procurations, indéfinies qui ont certainement quelques avantages, mais qui ont encore plus d'inconvéniens, sont contraires à l'esprit et à la lettre de la législation. L'ordonnance du 10 mars 1825 est tout-à-fait dans le sens de la prohibition. Mais, nous attachant au point unique qui donne caractère à l'exposant auprès de la section des requêtes, il est sans doute démontré par le contexte matériel de l'arrêté que le tribunal a excédé ses pouvoirs et violé l'art. 5 du Cod. civ.

Du 19 juillet 1825, ARRÊT de la section des requêtes, M. Henrion président, M. Liger de Verdigny rapporteur, par lequel :

« LA COUR,

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Sur les conclusions conformes de M. Joubert, avocatgénéral; Vu l'art. 80 de la loi du 27 ventôse an 8; Vu la lettre par laquelle, aux termes dudit article, M. le garde des sceaux a chargé le procureur-général près la Cour de lui déférer un arrêté pris par le tribunal de commerce de la ville de Reims, le 29 avril dernier, comme renfermant un excès de pouvoir; Vu ledit arrêté; Attendu qu'il y a excès de pouvoir toutes les fois qu'un tribunal, franchissant les limites de l'autorité judiciaire, entre dans le domaine de la puissance législative ; At tendu qu'il n'appartient qu'à la loi seule de statuer pour l'avenir, et par des dispositions qui, obligeant la généralité des citoyens, constituent ce qu'on appelle en droit commune præceptum; Attendu que l'arrêté

dénoncé porte le caractère de généralité, puisqu'il dispose pour l'avenir, qu'il est en forme de règlement général, et que conséquemment il renferme un excès de pouvoir; Par ces motifs, DECLARE nul et comme non avenu l'arrêté du tribunal de commerce de la ville de Reims, du 29 avril dernier, et ordonne qu'à la diligence du procureur-général, le présent arrêt sera imprimé et transcrit sur les registres du tribunal de commerce de Reims. >>

COUR D'APPEL DE METZ.

Un mari peut-il provoquer l'interdiction du père de sa femme? (Rés. nég.)

La requête à fin d'interdiction doit-elle, à peine de nullité, étre signée d'un avoué? ( Rés. aff. )

Ce moyen de nullité peut-il étre proposé pour la première fois devant la Cour d'appel, si la requête n'a pas été signifiée au défendeur avant le jugement de première instance? (Rés. aff. )

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LECLERE, C. COURTOIS.

Le sieur Nicolas Leclère était arrivé à cette époque de la vie où la raison, tributaire de l'influence des années, n'est plus pour le commun des hommes qu'un guide peu sûr ou même insuffisant. Il était dans sa quatre-vingt-troisième année. Le séjour de Thionville, où il habitait, avait cessé de lui plaire; il voulait se retirer à Metz. Il fit annoncer la vente publique de ses meubles pour le 29 février 1824.

Le sieur Courtois, son gendre, alarmé de cette résolution, voulut le faire interdire. La dame Courtois ne prit point part aux poursuites dirigées contre son père.

Le 5 mars, le tribunal, réuni en chambre du conseil, ordonna une assemblée de famille, par application de l'art. 494 du Cod. civ. Le sieur Courtois fit signifier ce jugement au commissaire-priseur, en lui réitérant la défense qu'il lui avait déjà faite de procéder à la vente des meubles.

Le sieur Leclère, instruit par le commissaire-priseur que son gendre provoquait son interdiction, forma opposition au jugement du 5 mars, et demanda qu'il fût rapporté, sur le fondement que la loi n'avait point remis aux mains d'un allié le dangereux dépôt de l'état et de l'honneur des membres de la famille dans laquelle il occupait une place.

Le tribunal de Thionville n'accueillit point cette opposition; et, par jugement contradictoire, du 23 mars, il maintint les dispositions de celui qu'il avait rendu le 5 de ce mois.

Le sieur Leclère déféra ce jugement à la Cour d'appel; il reproduisit devant elle le moyen qu'il avait déjà présenté devant le tribunal de première instance, et en opposa un nouveau, tiré de ce que la requête à fin d'interdiction, n'ayant pas été revêtue de la signature d'un avoué, n'avait pas dû être accueillie par le tribunal. Sur ce dernier moyen, il exposait que l'existence des officiers ministériels devant un tribunal rendait nuls les actes auxquels ils n'avaient point concouru, et que, si cette nullité était susceptible de se couvrir par le silence de celui qui pouvait l'opposer devant le tribunal de première instance, c'était seulement dans le cas où ces actes lui auraient été connus alors; mais la requête ne lui ayant jamais été signifiée, il en ignorait encore les vices au 25 mars, épo que où le tribunal de Thionville avait rejeté son opposition. Les conclusions du Ministère public furent favorables à l'op

posant.

Du 14 décembre 1824, ARRÊT de la Cour royale de Metz, section civile, M. Gérard d'Hannoncelles premier président, MM. Dommanget, Parent et Charpentier avocats, par lequel: « LA COUR, Attendu que Jean-Nicolas Leclerc, averti de la demande en interdiction de sa personne, par l'opposition faite à la vente de ses meubles, a incontestablement eu le droit de se défendre immédiatement de cette demande et de la soutenir non recevable de la part de son gendre; Attendu que l'art. 490 du Cod. civ. n'admet que les parens à provoquer l'interdiction de leurs parens ; qu'il n'est pas question des alliés; ~ Attendu que, dans une pareille matière, toute spéciale, il est impossible de rien ajouter à la loi, dont d'ailleurs on conçoit aisément quels ont été les motifs en concentrant dans les seuls parens l'exercice d'une action de ce genre; — Attendu que, si on l'accordait aux gendres, il n'y aurait aucune raison d'en exclure tout autre allié; - Que, d'un autre côté, la requête de l'intimé n'a point été signée d'un avoué, et que dès lors elle ne devait pas être admise; · Attendu que, cette requête n'ayant point été signifiée à l'appelant, on ne peut lui refuser de se prévaloir encore de ce moyen, l'art. 173 du Cod. de proc. lui est mal à propos opposé; . Par ces motifs, MET l'appellation et ce dont est appel au néant; émendant, déclare l'intimé non recevable dans sa demande, et le condamne aux dépens des causes principale et d'appel.»

D.

COUR DE CASSATION.

Les tribunaux sont-ils compétens lorsqu'il s'agit non d'interpréter les actes émanés de l'autorité administrative, mais d'en faire l'application et d'en ordonner l'exécution? (Rés. aff.)

Peut-on proposer devant la Cour suprême des moyens `appartenans au fond du procès, dont on aurait négligé de faire usage devant les juges de la cause, et s'en faire une ouverture de cassation contre l'arrét attaqué? (Rés. nég.) Une stipulation de propres, contenue dans un contrat de mariage en faveur des époux donataires, peut-elle tenir lieu de la stipulation du droit de retour en faveur des as cendans donateurs, et produire le même effet à l'égard de ces derniers? (Rés. nég. )

La radiation définitive de la liste des émigrés d'un individu qui y avait été inscrit deux fois, et à deux époques différentes, produit-elle son effet à l'égard des deux inscriptions antérieures? (Rés. aff.)

Dans ce cas, et lorsque cet individu avait été exécuté révo¬

lutionnairement ayant sa radiation définitive, sa succes

sion doit-elle être déclarée ouverte du jour de sa mort naturelle, et non du jour de la mort civile qu'il avait précédemment encourue? ( Rés. aff.)

Peut-on dire qu'il y ait absence de motifs dans un arrêt qui rejette des fins d'incompétence, lorsque la Cour a pris en considération l'arrêté de l'autorité administrative qui donnait lieu à ce chef de conclusions? ( Rés. nég. )

LES SIEURS LENEZ-COTTY DE BRECOURT ET CONSORTS,
DUCHESSE DE BETHUNE-CHAROST.

C. LA

Le comte de Béthune-Charost, né du premier mariage du duc de Béthune-Charost avec Louise Martel, fut inscrit sur la liste des émigrés en 1792; il en fut rayé provisoirement le 19 octobre 1793; mais il a été allégué, dans le procès, que son nom y fût réintégré le 16 mars 1794. Il fut exécuté révolutionnairement le 28 avril de la même année. Il ne laissa après lui ni descendans, ni frères, ni sœurs, ni descendans d'eux.

Le duc de Béthune-Charost, son père, et comme tel son seul héritier, aux termes de la loi du 17 nivôse an 2, art. 69, provoqua et obtint, par arrêtés des 19 pluviôse et 13 thermidor an 3, sa radiation définitive et l'envoi en possession de ses

biens.

Le duc de Béthune-Charost mourut, après avoir institué sa legataire universelle la duchesse de Béthune-Charost, sa seconde femme. Celle-ci recueillit l'entière hérédité de son mari, dans laquelle se trouvaient compris les biens qui avaient appartenus au fils de ce dernier.

Mais, en 1822, les sieurs Lenez-Cotty de Brécourt et consorts, agissant en qualité d'héritiers légitimes du côté maternel du comte de Béthune-Charost, firent citer la duchesse de Béthune-Charost devant le tribunal de première instance de la Seine, pour se voir condamner à leur rendre la succession de ce dernier. Ils prétendirent que l'ouverture de cette succession devait être fixée non à l'époque de la mort naturelle dü comte de Béthune-Charost, comme l'avait fait l'arrêté du 15 thermidor an 3, mais à celle de sa mort civile, qui datait du jour de son inscription sur la liste des émigrés ; et qu'elle devait, par conséquent, être régie, non par la loi du 17 nivôse an 2, qui avait introduit un nouveau mode de succéder, mais par les lois anciennes et par la Coutume de Paris, d'après lesquelles les biens provenans du chef du père devaient appartenir

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