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ponsables, et que telle était à cet égard la doctrine de Pothier, comme nous l'avons dit en tête de cet article..

Le 14 août 1824, ARRÊT de la Cour d'appel de Rouen, M. Aroux président, MM. Fleury et de Malherbe avocats, par lequel :

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« LA COUR, — Sur les conclusions de M. Lévesque, substitut; Attendu que, d'après les dispositions des art, 1952 et 1953 du Cod. civ., les aubergistes ou hôteliers sont, comme dépositaires nécessaires, responsables des effets apportés par le voyageur qui loge chez eux; qu'ils sont responsables du vol des effets du voyageur, même lorsque le vol a été fait par des étrangers allant et venant dans l'hôtellerie ; — Qu'il n'y a d'exception à cette règle que pour les vols faits avec force armée ou autre force majeure; que le législateur a ainsi fait disparaître les subtilités et les distinctions des auteurs sur la question de savoir quand et dans quels cas les hôteliers doivent être considérés comme dépositaires et responsables;— Qu'ils sont responsables dès que les effets ont été apportés par le voyageur qui loge chez eux,, et que leur responsabilité dure autant de temps que ces effets apportés sont déposés dans l'auberge, parce qu'ils continuent d'y être sous la surveillance et la garantie de l'hôtelier ou de ses préposés; Que cette garantie commence au moment de l'arrivée du voyageur et de l'apport de ses effets, et se perpétue jusqu'au moment de son départ et de leur transport hors de l'hôtellerie, parce qu'on ne peut concevoir d'autre instant que celui du départ pour faire cesser la responsabilité; — Attendu qu'il est constant en fait qu'Ouvry a déposé, le 9 janvier 1822, son cheval et une valise contenant 4,000 fr. dans l'auberge d'Adam; qu'elle a été confiée à l'un de ses préposés, et qu'Adam n'ignorait pas qu'elle contenait de l'argent; qu'elle a été volée sur le cheval d'Ouvry, dans la cour de l'hôtellerie dont la porte était fermée; Que peu importe qu'Ouvry ait repris sa valise des mains du préposé; qu'il l'ait attachée lui-même ou qu'il l'ait fait attacher sur son cheval par une des personnes de l'auberge; qu'il soit ensuite rentré plus ou moins long-temps dans cette auberge ; Qu'il suffit que le cheval et la valise soient restés dans la cour, et par conséquent sous la surveillance de l'aubergiste, pour que ce dernier soit responsable de la valise et de l'argent qu'elle renfermait; Attendu enfin que la responsabilité des hôteliers et aubergistes importe à la sûreté publique; RÉFORMANT, condamne Adam à payer aux héritiers Ouvry la somme de 4,000 fr. renfermée dans la valise soustraite à Ouvry dans la cour de l'auberge, etc. »

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Nota. La même Cour avait précédemment jugé, par un arrêt du 2 fructidor de l'an 13, dans une espèce qui offre de l'analogie avec la précédente, que le voiturier par eau à qui il avait été confié, pour en opérer le transport, une malle qui s'était perdue dans ses bureaux, était tenu de payer le prix des effets que cette malle contenait, quoiqu'on ne lui eût pas fait la déclaration de la quantité et de la valeur de ces effets;

Et qu'il devait, dans ce cas, être ajouté foi à l'état estima

tif qui en était donné par le propriétaire de la malle, et dont la sincérité était affirmée par lui sous la religion du serment.

J. L. C.

COUR DE CASSATION.

Les tribunaux excèdent-ils leur compétence et empiètentils sur celle de l'autorité administrative lorsque, s'agissant de l'exécution d'un acte émané de cette autorité, ils déclarent qu'il n'y a pas lieu à l'interpréter, et en font l'application dans le sens qu'il présente? (Rés. nég.)

LE SIEUR DASSONVILLEZ, C. LE SIEUR PERAUT.

L'espèce dans laquelle est intervenu cet arrêt est déjà connue du lecteur par le compte que nous en avons rendu (tom. 2 de 1824, pag. 591), en recueillant celui de la Cour d'appel de Paris qui a donné lieu au pourvoi en cassation : c'est pourquoi nous nous abstiendrons d'entrer dans des détails qui deviendraient superflus.

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En 1791, le sieur Dassonvillez s'était rendu adjudicataire, devant l'Administration du district de Dourdan, de la ferme de Longes, qui avait appartenu à l'abbaye du même nom. On lit, dans son procès verbal d'adjudication, la clause suivante, qui a fourni matière au procès : « L'adjudicataire sera tenu de fournir un passage sur le restant de la cour compris dans la ventė, pour l'approvisionnement du bois de chauffage de l'abbaye, et de souffrir les autres servitudes qui peuvent exister 'pour le passage public dans ladite cour, et singulièrement la vidange des bois de ladite abbaye lorsqu'ils seront en débit. Le sieur Peraut, adjudicataire des bois, ayant éprouvé de la part du sieur Dassonvillez de la résistance à ce qu'il usât de la servitude imposée à ce dernier par la clause finale que nous venons d'indiquer, le fit citer devant le tribunal de première instance de Rambouillet, pour en voir ordonner l'exécution; et ily obtint, le 22 juillet 1822, un jugement qui accueillit sa demande. Le sieur Dassonvillez en appela, sur le prétexte qu'il avait été incompétemment rendu, attendu, disait-il, qu'il s'agissait de l'interprétation d'un acte de l'Administration et dont la connaissance appartenait exclusivement à l'autorité administrative; mais il succomba dans son appel. Par arrêt du 10 janvier 1825, la Cour de Paris rejeta l'exception d'iu

compétence par le motif qu'il ne s'agissait entre les parties que de l'exécution de leurs titres respectifs de propriété, et qu'il n'y avait pas lieu à interprétation; au fond, elle confirma purement et simplement la décision du tribunal de Rambouillet.

Le sieur Dassonvillez s'est pourvu en cassation de cet arrêt, pour violation des lois des 16 fructidor an 3 et 28 pluviôse an 8. Il a soutenu que la Cour d'appel de Paris n'avait pu statuer sur le différend des parties sans se livrer à l'interprétation de l'acte qui l'avait fait naître, puisqu'elles n'étaient pas d'accord sur le sens qui devait lui être attribué; que, dès lors, et dans le doute sur celui qui lui appartenait véritablement, il n'appartenait qu'à l'autorité administrative de l'expliquer; qu'en retenant la cause, et en adoptant de préférence l'explication selon laquelle l'acte devait produire un effet favorable aux prétentions du sieur Péraut, la Cour avait franchi la ligne de démarcation qui limitait ses pouvoirs; qu'il était donc évident qu'elle avait empiété sur ceux de l'autorité de qui l'acte était émané, et à laquelle la loi attribue exclusivement le droit de l'interpréter.

Le sieur Péraut répondait que, s'agissant ici d'une servitude qui dérivait de la situation des lieux, il aurait eu incontestablement le droit d'obtenir un passage sur le fonds du sieur Dassonvillez, si l'acte dont il s'agit n'y avait soumis ce dernier; que cet acte n'avait fait que reconnaître la nécessité d'une faculté dont l'usage était indispensable; qu'il était conçu dans des termes tellement clairs qu'il ne pouvait donner lieu à une controverse raisonnable; que, s'il suffisait d'élever une' contradiction quelconque sur l'application des actes de l'autorité administrative, pour en arrêter l'exécution et déterminer un renvoi devant cette autorité, le cours de la justice serait trop souvent interrompu par des plaideurs de mauvaise foi; que la loi n'avait pu vouloir refuser aux tribunaux le droit d'apprécier les clauses qui s'y rencontrent, et de décider s'il y avait lieu ou non à leur interprétation.

Le 28 mars 1825, ARRÊT de la Cour de cassation, section civile, M. Brisson président, M. Zangiacomi rapporteur, MM. Champion et Granger avocats, par lequel :

<< LA COUR,

- Sur les conclusions contraires de M. Cahier, avocatConsidérant que la clause dont le sieur Dassonvillez excipe a deux dispositions, l'une générale, 'qui le soumet aux servitudes qui peu.

général ;

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ventexister pour le passage public dans sa cour; l'autre spéciale, par laquelle il est tenu de souffrir singulièrement la vidange des bois de l'abbaye lorsqu'ils sont en débit; que cette seconde disposition est aussi claire qu'elle est impérative; qu'ainsi, en déclarant qu'il n'y avait pas lieu de l'interpréter, et qu'en l'appliquant ensuite dans le sens qu'elle présente sans équivoque, l'arrêt attaqué n'a violé ni la loi de fructidor an 3 ni celle de pluviose an 8; REJETTE. >>

COUR D'APPEL DE TOULOUSE.

J. L. C.

L'acte reçu par deux notaires doit-il, à peine de nullité, étre rédigé en présence de ces deux officiers? (Rés. aff. ) Loi de ventôse an 11, art. 9 et 68.

SPÉCIALEMENT,

l'acte de révocation d'un testament est-il nul lorsqu'il a été rédigé par l'un des notaires hors la présence du notaire en second qui l'a signé postérieurement? (Rés. aff.)

Peut-on faire valoir un usage constant et généralement établi pour paralyser les effets d'une loi contraire? (Rés. nég.)

LA DAME MARTIN, C. LES HÉRITIERS AUGÉ.

Le 11 juillet 1823, le sieur Augé fait son testament devant Me Capelle, notaire à Toulouse. Il lègue à Marie Martin sa maison avec tout ce qui en dépend et le mobilier qu'elle renferme.

Le 19 août suivant, par acte passé devant Me O..... et son collègue Capelle, notaires à Toulouse, Augé révoque en termes exprès tous les testainens antérieurs qu'il a pu faire. Il meurt le 8 avril 1824. Ce jour même, le premier testament du 11 juillet 1825 est enregistré: Marie Martin s'en fait remettre une grosse, en vertu de laquelle elle demande aux héritiers naturels la délivrance de son legs.

Ceux-ci, munis de l'acte de révocation dont Me Capelle avait été signataire en second, refusent d'exécuter le testament présenté par la dame Martin. Procès entre les parties. L'affaire est successivement portée du tribunal de première instance à la Cour d'appel.

Devant la Cour, les héritiers naturels reconnaissent que le sieur Capelle, notaire en second, n'a point été présent à la rédaction de l'acte révocatoire du 19 août. La Cour, sur la demande de Marie Martin, lui donne acte de cette reconnais

sance. Celle-ci s'en fait alors un moyen pour soutenir que l'acte de révocation qu'on lui oppose doit être déclaré nul, aux termes de la loi du 25 ventôse an 11.

L'art. 9 de la loi, a dit son défenseur, dispose que les actes seront reçus par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins. Or, recevoir un acte, c'est recueillir de la bouche de la partie l'expression de sa volonté ; c'est attester, sous le sceau de l'autorité publique, qu'on l'a entendue déclarer elle-même son vœu, son intention. Lors donc que l'acte est reçu par deux notaires, il est de toute rigueur que l'un et l'autre soient présens à la rédaction. S'il est constant que le second notaire n'a point assisté son collègue, s'il a signé sans avoir vu, sans avoir connu les parties, il est certain alors que l'acte n'a point été reçu selon le vœu de la loi, et qu'il demeure infecté d'un vice radical.

Vouloir établir que la présence du notaire en second n'est pas impérieusement nécessaire, ce serait se mettre en contradiction formelle avec les dispositions des art. 8, 10 et 11 de la loi, dont les termes supposent nécessairement cette présence simultanée. Les notaires, portent ces articles, ne peuvent recevoir des actes où leurs parens et alliés sont intéressés. Il est interdit à deux notaires parens ou alliés de concourir au même acte. Il est prescrit aux notaires, s'ils ne connaissent point le nom, l'état et la demeure des parties, de les faire attester, etc., etc.

L'esprit de la loi vient encore fortifier les expressions du texte. En exigeant la présence des deux notaires, le législateur a voulu donner une garantie de plus aux parties. « L'homme est faible quand il est seul, dit à ce propos M. Toullier; il peut être facilement séduit ou induit en erreur; il a moins de force pour résister aux combats que l'intérêt ou la séduction livrent à la probité et à la bonne foi. C'est pour soutenir, c'est pour fortifier le notaire autant que pour l'éclairer, que la sagesse de la loi l'a placé à côté d'un surveillant devant lequel il rougirait de se montrer faible, partial ou injuste. » ( Droit civil, tom. 8, pag. 129.) Juger cette présence inutile serait donc à

la fois méconnaître le but et les intentions de la loi.

Au reste, il est facile, à l'aide d'une simple hypothèse, de faire sentir toute la fausseté du système contraire. Qu'on suppose l'acte reçu par un notaire seul, sans être assisté de deux témoins au moment de sa rédaction : dira-t-on que l'acte n'est

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