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ment au père l'aliénation et l'hypothèque; mais la loi 8, eodem, § 4, déclara que, si la succession advenue au fils était grevée de dettes, le père aurait le pouvoir de faire les aliénations nécessaires pour le paiement de ces dettes, en vendant d'abord les meubles, et ensuite, en cas d'insuffisance, des biens immeubles.

Cette loi ne dit pas si la nécessité de l'aliénation serait vérifiée par le juge, et si la vente ne pourrait être faite qu'avec les précautions et les formalités ordinaires pour la vente des biens des mineurs. Ce défaut d'explication produisit toujours de l'incertitude et quelque embarras dans la jurisprudence du pays de droit écrit. Godefroy et d'autres interprètes pensaient que la loi ne dispensait pas le père de l'observation des formalités ordinaires. Mais il paraît qu'on jugeait toujours par les circonstances de la validité ou de la nullité de la vente, quand elle était attaquée par le fils. C'est d'après ces erremens qu'ont été portées les décisions dont nous allons rendre compte. Cette cause fera reconnaître la sagesse de notre Code civil, qui veut que la nécessité de vendre soit constatée par un jugement, et que l'aliénation, après avoir été annoncée, se fasse publiquement et aux enchères.

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Pierre-Louis Bernard, fils mineur d'Alexandre, obtint, par un testament de 1782, le titre d'héritier universel de Victor Gerenton son oncle. Il fut chargé de différens legs particuliers formant une somme totale de 3,300 fr. Les uns étaient payables au décès du testateur, les autres un peu plus tard.

De sa propre autorité, Alexandre Bernard, agissant en qualité de père et légitime administrateur de la personne et des biens de Pierre-Louis Bernard, vendit par acte du 4 juin 1789, au sieur Rocher Deschamps, le domaine de la Gerlatigre, qui faisait partie de la succession de Victor Gerenton, au prix de 10,500 fr. Sur cette somme, 2,000 fr. furent délégués à des légataires de Gerenton, restés créanciers du montant de leurs legs. Le surplus fut stipulé payable, et a été payé à Bernard père lui-même. Par une clause de l'acte, le vendeur promit', en sa qualite de père et légitime administrateur, la garantie de la vente.

Il décéda en 1809, et sa succession fut acceptée par son fils, légataire universel de Gerenton.

En 1817, parvenu à sa quarante-quatrième année, PierreLouis Bernard forma contre le sieur Rocher Deschamps, de

vant le tribunal d'Issengeaux, dont l'arrondissement était autrefois dans le ressort du parlement de Toulouse, une demande en désistement du domaine de la Gerlatigre.

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Cette demande a été rejetée comme non recevable et mal fondée tout à la fois, par jugement du 29 mars 1822, et sur les motifs suivans: - « Attendu que c'est en qualité de père et légitime administrateur des personne et biens de son fils que Bernard père a consenti la vente; Que les questions à décider, dans l'espèce, sont nécessairement du domaine du droit romain, qui, à l'époque du contrat, régissait les pays. de droit écrit, et que ce sont les principes et la jurisprudence du parlement de Toulouse, d'où dépendaient les parties, qui doivent être appliqués; - Attendu que, dans ce ressort, la puissance paternelle accordait au père l'entière administration des biens adventifs de ses enfans; qu'il en avait les fruits; qu'il pouvait même, en général, les aliéner toutes les fois qu'il pensait que leurs intérêt et avantage le demandaient; que les enfans ne pouvaient s'en plaindre qu'autant qu'il était reconnu que l'administration du père était vicieuse, qu'il avait vendu sans nécessité, et que la vente renfermait une lésion; que, dans ce cas, le fils, devenu libre, pouvait se pourvoir en rescision dans les dix ans de son émancipation ou du décès du père, ce qui est conforme à la loi Quum oportet, C., de bonis quæ liberis, qui a accrédité la maxime Non restituitur minor tanquam minor sed tanquam læsus.

« Attendu que, dans l'espèce, le fils Bernard n'oppose ni vice d'administration ni lésion dans la vente; qu'il paraît que, loin que le prix du domaine, vendu 10,500 fr., fût au-dessous de sa valeur, il était, bien au contraire, au-dessus, puisqu'il est mis en fait, sans être contredit, qu'il n'était affermé que 300 fr., et qu'il ne fut estimé, quelque temps avant la vente, la somme de 6,000 fr.; Bernard fils ne Attendu que peut se plaindre de l'emploi du prix de la vente, puisque partie d'icelui a servi à liquider ses biens; que le père a payé 3,500 f. de legs dont le fils était chargé par le testament qui lui transférait le domaine vendu ;

que

« Attendu, d'autre part, que, par le même contrat de vente, le père ayant promis de faire jouir le vendeur et d'être garant de toute éviction générale et particulière, cette clause ne peut être illusoire; que le fils, devenu l'image de son père, de qui il recueille l'hérédité, est tenu de ses faits et promesses;

que c'est le cas de lui appliquer cette règle de droit : Quem de evictione tenet actio, eumdem agentem repellit exceptio;

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Attendu qu'il a été pareillement mis en fait, sans avoir été contredit par Bernard, que, lors du règlement qui fut fait entre les cohéritiers du père, le fils aîné préleva sur la succession le surplus du prix de la vente qui avait resté dans les mains du père après la liquidation qu'il avait faite; que ce prélèvement devient, au besoin, un acquiescement, de la part du fils, à la vente consentie par le père; Attendu que de

ce concours de circonstances, et de la solution des principés consacrés par la jurisprudence et les arrêts du parlement de Toulouse rapportés par les auteurs qui ont écrit pour ce parlement, il s'élève une fin de non recevoir qui repousse la demande de Bernard, etc.................. »

res,

Bernard, appelant, soutenait que, dans la jurisprudence du parlement de Toulouse, la loi 4, C., de bonis quæ liberis, était raisonnablement interprétée dans le sens d'une simple exception à l'incapacité du père de famille pour l'alienation des biens de ses enfans, et qu'on n'en faisait pas résulter la dispense de tout recours à la justice pour faire vérifier la nécessité de la vente, et de l'observation de toute formalité propre à rendre l'aliénation profitable au mineur. Le droit commun du royaume, disait-on, a toujours interdit au père, de même qu'au simple tuteur, la faculté de vendre de gré à gré, sans précaution, sans l'aveu de la justice et les formalités judiciailes biens des enfans mineurs. Il faut des causes légitimes pour l'aliénation de ces biens; et pour qu'il n'y ait point d'abus, pour que l'existence de ces causes soit certaine, il faut que les faits soient préalablement vérifiés par la justice. Il vaut mieux prévenir le mal que de lui chercher un remède quand il est survenu. Pour que les pères fussent dispensés de ces précautions qui importent si fort aux enfans, il faudrait que la loi leur eût accordé expressément la dispense, et c'est ce que n'a pas fait la loi 8 précitée, ni aucune autre. La disposition de cette loi du Code romain a été légèrement expliquée dans le Répertoire de jurisprudence (Puissance paternelle, sect. 4, n° 11), d'après Dunod et deux arrêts du parlement de Besançon. Le parlement de Toulouse ne jugeait pas comme celui de Besançon que le père pouvait vendre sans permission du juge et sans formalités. A Toulouse, suivant l'explication de

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Godefroy, on sous-entendait l'adverbe ritè dans les termes de la loi 8, C., de bonis, et l'on ne reconnaissait pour valables dans les aliénations des pères de famille que celles que la justice avait permises. La jurisprudence du parlement de Toulouse est établie principalement par trois arrêts rapportés dans le journal de ses audiences, sous les dates des 26 août 1697, 28 mai 1705, et 29 mars 1732. Aussi Serres, dans ses Institutes (liv. 2, tit. 8, § 2), présente comme une règle certaine l'obligation, pour le père, des mêmes conditions et des mêmes formalités auxquelles le tuteur ordinaire est assujetti pour l'aliénation valable des immeubles des mineurs.

On ajoutait que les circonstances de la cause réclamaient fortement l'application de cette règle, et devaient même déterminer l'annulation de la vente, quand on admettrait, en principe, qu'elle a pu se faire sans vérification préalable de sa nécessité prétendue. L'acquéreur ne justifiait pas cette nécessité; il ne prouvait pas le défaut ou l'insuffisance des meubles. et effets mobiliers pour le paiement d'une dette de 2,000 fr. Sur un prix de 10,500 fr., on ne voyait d'emploi d'ailleurs que pour ces 2,000 fr. On prétendait aussi qu'il y avait vilité dans le prix de la vente; que, d'une part, la ferme à 300 fr. était au-dessous de sa valeur, et que, d'un autre côté, elle ne comprenait pas les bois, qui dépendaient du domaine.

A la prescription de dix ans on opposait qu'il ne s'agissait pas d'une demande en rescision; que, la vente étant radicalement nulle, la demande en nullité ne pouvait être écartée que par la prescription trentenaire.

On croyait écarter la fin de non recevoir résultante de l'acceptation de l'hérédité d'Alexandre Bernard en disant que ce vendeur n'avait pas promis de garantir personnellement; qu'il n'avait fait la vente et promis de la faire valoir qu'en qualité de père et légitime administrateur; que l'acquéreur n'avait dû pas compter sur une autre garantie, et qu'on ne lui devait que la restitution du prix qu'il a payé.

Le sieur Rocher Deschamps défendait la décision des premiers juges par les argumens qui se trouvent dans ses motifs. Outre l'autorité de Dunod et celle du Répertoire de jurisprudence, il avait l'appui de Balde, sur la loi 8 citée plus haut, et de Ranchin, lettre P, art. 14, pag. 595, et lettre M, art. 5, pag. 352.

Sur ces débats, le 5 janvier 1824, ARRÊT de la Cour de Riom, première chambre, M. le baron Grenier président, MM. Allemand et Godermes avocats, par lequel :

« LA COUR, -Adoptant les motifs exprimés au jugement de première instance, · MET l'appel au néant. »

V. Z.

COUR DE CASSATION.

Les communautés d'habitans qui ont une action à exercer contre l'Etat et qui ne peuvent agir sans y étre autorisées interrompent-elles la prescription par la demande de cette autorisation? ( Rés. aff. )

En général, l'annulation d'un jugement pour vice de forme fait-elle perdre à la possession qu'il avait adjugée l'effet d'interrompre la prescription de la demande sur laquelle ce jugement a statué? ( Rés. nég.)

En particulier, le délai de cinq ans fixé aux Communes par la loi du 28 août 1792, pour la revendication de leurs propriétés dont elles avaient été dépouillées par l'effet du triage, a-t-il pu courir contre elles pendant la possession qu'elles ont eue en vertu d'un jugement qui a été déclaré nul? (Rés. nég. )

La demande adressée à l'Administration forestière à fin de permission de faire des coupes de bois est-elle un acte de possession interruptif de la prescription, bien que la permission ait été refusée sur le fondement de la loi du 17 brumaire an 3, qui suspendait l'exécution des sentences arbitrales obtenues par les Communes? ( Rés. aff.) Les habitans, réintégrés par un jugement de cette nature, ont-ils fait des actes de possession utiles contre la prescription en coupant des liens dans le bois restitué, en y ramassant le bois mort, et en y faisant paccager leurs bestiaux? (Rés. aff.)

HABITANS DE VÉRONNES, C. LES HÉRITIERS SAULX-TAVANNES.

La Cour régulatrice avait déjà résolu affirmativement par trois arrêts, de 1810, 1819 et 1822, la troisième de ces ques tions. Sa jurisprudence sur ce point, très-fondée en raison est donc parfaitement établie, et l'on aurait pu se borner à donner une simple indication de son nouvel arrêt si l'affaire

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