Page images
PDF
EPUB

COUR DE CASSATION.

Un imprimeur prévenu d'avoir omis d'indiquer son Nom et sa DEMEURE sur plusieurs exemplaires d'un ouvrage sorti de ses presses peut-il étre acquitté de cette contravention sur les motifs que cet ouvrage est imprimé en langue étrangère, qu'il était destiné à étre publié et vendu en pays étranger, qu'enfin les cinq exemplaires déposés à la direction générale de la librairie portaient cette double indication du nom et de la demeure de l'imprimeur? (Rés. nég.)

INTÉRÊT DE LA LOI. - FIRMIN DIDot.

----

M. le procureur général expose................

Le sieur Firmin Didot a fait imprimer un ouvrage espagnol intitulé La Lyra argentina, et n'y a pas indiqué son nom ni sa demeure. Il a été traduit devant le tribunal correctionnel de Paris, qui, par jugement du 25 février dernier, a renvoyé le prévenu des fins de la prévention, par le motif que le défaut d'indication n'était absolu dans la cause, pas puisque le nom et la demeure de l'imprimeur étaient indiqués sur les exemplaires déposés à la direction de la librairie. La saisie des exemplaires dudit ouvrage, qui avait eu lieu à la douane de Paris, fut au surplus déclarée bonne et valable, et Firmin Didot condamné aux dépens.

Le procureur du Roi interjeta appel de ce jugement. — Firmin Didot conclut incidemment à être déchargé des dépens et à la mainlevée de la saisie.

La Cour royale rendit, le 20 juin dernier, son arrêt rendu en ces termes : — « Considérant que la déclaration faite par Firmin Didot à la direction de la librairie, portant intention d'imprimer un ouvrage intitulé La Lyra argentina, fait mention d'une note annonçant que l'ouvrage devait être imprimé en langué étrangère, et destiné pour l'étranger, et qu'il ne devait pas en rester d'exemplaires en France; - Considérant que cinq exemplaires portant le nom de l'imprimeur ont été déposés à la direction de la librairie, conformément à la loi ; —— Considérant qu'il a été saisi à la douane plusieurs caisses plombées et ficelées renfermant sept cent quarante-huit exemplaires dudit ouvrage intitulé La Lyra argentina, sans nom d'auteur ni d'imprimeur, destinés à être exportés en Amérique, par le

port de Bordeaux, ce qui, avec les cinq exemplaires déposés, forme la totalité de l'édition; Considérant que de ces faits ne résulte contre Firmin Didot aucun indice qu'il se soit rendu coupable de contravention aux art. 15 et 17 de la loi du 21 octobre 1814, soit en vendant, soit en publiant ledit ouvrage, et que même du dépôt à la douane résulte la preuve que Firmin Didot ne voulait ni vendre ni publier en France; - Par ces motifs, met l'appellation et ce dont est appel au néant;

- Emendant et statuant par jugement nouveau, décharge Firmin Didot des condamnations contre lui prononcées; Au principal, le renvoie des fins de la plainte; -- Ordonne en conséquence la mainlevée de la saisie et la remise au sieur Firmin Didot des exemplaires. >>

Cette décision de la Cour royale est une composition avec la loi. — En remplissant les deux premières formalités que prescrit la loi, qui sont la déclaration de l'intention d'imprimer et le dépôt de cinq exemplaires, le sieur Firmin Didot ne pouvait être considéré comme dispensé d'accomplir la troisième, qui consiste à indiquer sur chaque exemplaire son nom et sa demeure.

La circonstance que les cinq exemplaires déposés portaient cette indication ne faisait point disparaître la contravention résultante de ce que les sept cent quarante-huit autres ne la portaient pas, car la loi n'établit aucune distinction entre les uns et les autres : elle veut que tous les exemplaires indistinc tement contiennent l'indication du nom et de la demeure de l'imprimeur. La loi ne distingue pas non plus entre les ouvrages écrits en langue française et ceux qui le sont en langue étrangère, entre ceux qui sont destinés à être publiés et vendus en France et ceux qui doivent être vendus et publiés en pays étrangers. Rien n'empêche (on peut l'observer très-surabondamment ), que ces derniers ne rentrent sur notre territoire. La circonstance que l'édition entière, moins les exemplaires déposés, avait été saisie à la douane, au moment d'être exportée en Amérique, n'était donc d'aucune influence dans la cause, La Cour royale de Paris a créé des distinctions qui ne sont pas dans la loi et que la loi repousse ; elle a violé les articles 15 et 17 de la loi du 21 octobre 1814.

Les principes que l'exposant vient de développer ont été consacrés par l'arrêt rendu sur son réquisitoire le 25 juin dernies, dans l'affaire du sieur Pochard, imprimeur de Paris, qui,

[ocr errors]

pourtant, avait apposé son nom à l'ouvrage saisi, mais qui avait négligé seulement d'indiquer sa demeure. Ce considéré, il plaise à la Cour casser et annuler, dans l'intérêt de la loi, l'arrêt rendu par la Cour royale de Paris, le 20 juin dernier.

Fait au parquet, ce 31 octobre 1825. Signé MOUARE.

Du 11 novembre 1825, ARRÊT de la section criminelle, M. Brière rapporteur, par lequel:

<<< LA COUR,

[ocr errors]
[ocr errors]

Sur les conclusions de M. Laplagne-Barris, avocatgénéral; - Vu le réquisitoire ci-dessus.... ; · Vu l'art. 441 du Cod. d'inst. crim.; Vu pareillement les art. 15 et 17 de la loi du 21 octobre 1814, relative à la liberté de la presșe, portant: « Art. 15. Il y a lieu à saisie et << sequestre d'un ouvrage 1o.....; 2o si chaque exemplaire ne porté pas le « vrai nom et la vraie demeure de l'imprimeur.-Art. 17. Le défaut d'indica<< tion, de la part de l'imprimeur, de son nom et de sa demeure, sera puni « d'une amende de 3,000 fr.» ;- Statuant sur ledit réquisitoire, et adoptant les motifs y énoncés, CASSE et ANNULLE, dans l'intérêt de la loi seulement, l'arrêt, etc. »

COUR DE CASSATION.

La disposition de l'ordonnance de 1669 qui défend aux individus y dénommés d'établir des ateliers de bois DANS LA DISTANCE D'UNE DEMI-LIEUE DES FORÊTS DE L'ETAT est-elle applicable aux adjudicataires des coupes de ces mêmes forêts? (Rés. aff.)

Jugé dans ce sens entre l'Administration des forêts et le sieur Taffine, par ARRÊT du 1er juillet 1825, section criminelle, M. Portalis président, M. Chantereyne rapporteur, ainsi conçu :

[ocr errors]

<< LA COUR, Sur les conclusions de M. Laplagne-Barris, avocatgénéral; Vu l'art. 25, tit. 27, de l'ordonnance de 1669, portant que les cercliers, vanniers, tourneurs et autres de pareille condition, ne pourront tenir ateliers de bois dans la distance d'une demi-lieue des forêts de l'Etat. à peine de confiscation de leurs marchandises et de 100 fr. d'amende; Attendu que cette disposition de l'ordonnance, d'après la généralité des expressions employées par le législateur, embrasse indistinctement tous les individus qui forment des ateliers de bois à la distance prohibée, et conséquemment les adjudicataires des coupes, comme les autres; que de la défense qui leur est faite par l'art. 29 du même titre, de faire ouvrer bois ailleurs que dans leurs ventes, né peut résulter pour eux la faculté d'établir des ateliers de cette espèce dans le voisinage des forêts, hors le cercle de leur responsabilité, et là où ils pourraient échapper plus facilement à la

surveillance des gardes forestiers ; · Que les deux articles de l'ordonnance sont en parfaite harmonie l'un avec l'autre, et qu'ils ont tous deux pour but de prévenir des délits préjudiciables aux forêts de l'Etat, et que, si les adjudicataires des coupes avaient le droit d'établir des ateliers de bois hors de leurs ventes, et à une distance où leur établissement même est un délit, cette faculté deviendrait la source d'une foule de fraudes et d'abus;— Qu'enfin le règlement de 1754, en défendant aux ouvriers employés à travailler merrain et douves de tenir ateliers dans les forêts de l'Etat, ne leur permet pas pour cela d'établir aux rives de ces forêts des ateliers dont le voisinage serait extrêmement dangereux ;—Et attendu, en fait, qu'il résulte d'un procès verbal du 13 février 1824 que les nommés Calvet et Ginet ont été surpris fabricant de la douelle ou douve dans la maison et pour le compte de Taffine, qui a déclaré que les bois provenaient de son adjudication; Que, cette maison n'étant pas, d'après le rapport, située à la distance prescrite par le cahier des charges, conformément à la loi, le tribunal correctionnel de Limoux, saisi de la poursuite exercée contre cet adjudicataire, avait ordonné une vérification à l'effet de constater la distance qui existe entre la maison servant d'atelier et la forêt royale la plus voisine; — Mais que, sur l'appel interjeté par Taffine, le tribunal de Carcassonne, en annulant ce jugement interlocutoire, a renvoyé le prévenu des poursuites, sous le prétexte que sa qualité d'adjudicataire lui permet– tait d'établir à son gré un atelier de bois là où il lui était interdit par les lois générales et par la loi de son contrat; - En quoi le tribunal de Carcassonne à fait une fausse application tant de l'art. 29, tit. 27, de l'ordonnance de 1669, que du règlement de 1754, et violé l'art. 23 du susdit titre de l'ordonnance, dont il avait à faire l'application; Par ces motifs, CASSE et ANNULLE le jugement rendu en dernier ressort, le 8 mai 1824, par le tribunal de Carcassonne, au profit de Pierre Taffine. »

COUR DE CASSATION.

Lorsque les jurés ont omis de s'expliquer sur une circonstance constitutive du crime, la Cour d'assises peut-elle prononcer la peine qui eût été applicable si la question relative à cette circonstance eût été résolue affirmativement? (Rés. nég.)

En conséquence, la Cour doit-elle renvoyer les jurés dans leur chambre pour compléter leur déclaration? (Rés. aff.) Cod. d'inst. crim., art. 345.

Jugé dans ce sens entre Merlette et le Ministère public, par ARRÊT du 25 mars 1825, section criminelle, M. Portalis président, M. de Bernard rapporteur, ainsi conçu :

« LA COUR, Sur les conclusions de M. Laplagne-Barris, avocatgénéral; Vu l'art. 410 du Cod. d'inst. crim., et l'art. 345 dudit Code, qui prescrit aux jurés, lorsqu'ils pensent que le fait est constant et que

[ocr errors]

-

[ocr errors]

l'accusé en est convaincu, de répondre sur toutes les circonstances de ce fait posées dans la question; Attendu que la question soumise aux jurés, conforme au résumé de l'acte d'accusation, était ainsi conçue : « Louis << Merlette est-il coupable d'avoir, pendant la nuit du 3 au 4 décembre «< dernier, volé, avec menaces, violence et armes apparentes, sur le chemin « public de Reims à Neufchâtel, une somme de 5 francs environ, au pré« judice du sieur Bastien fils.» ; —Que les jurés ont répondu : « Qui, îl est <<coupable d'avoir, pendant la nuit du 3 au 4 décembre dernier, volé avec me<<< naces, mais sans violence et armes apparentes. » ; Que, si cette déclaration affirme que le vol a été commis la nuit, elle écarte les circonstances de la violence et des armes apparentes, et garde le silence sur celle du chemin public; — Que, néanmoins, la Cour d'assises, d'après cette déclaration, a condamné l'accusé aux travaux forcés à perpétuité, en motivant cette condamnation sur les art. 381, no 1er, 3 et 5, et 383 du Cod. pénal; Que son arrêt a fait évidemment une fausse application des no 3 et 5 de l'art. 381, puisque les jurés avaient écarté les circonstances de la violence et des armes, sur lesquelles ces nos statuaient; - Qu'il a fait aussi une fausse application de l'art. 383, puisque les jurés n'avaient point répondu à cette partie de la question relative à la circonstance du chemin public, et que cette circonstance pouvait seule motiver l'application dudit art. 383; Qu'il résultait de cette omission de la part du jury que, l'acte d'accusation n'étant point purgé, la Cour d'assises devait enjoindre aux jurés de se retirer dans leur chambre pour la réparer; - Qu'en ne le faisant pas, elle a laissé incomplète la déclaration du jury sur une circonstance constitutive du crime: d'où il suit qu'elle ne saurait être maintenue; et qu'en prononçant contre l'accusé la peine qui lui aurait été applicable si cette déclaration avait été complète, et si la réponse du jury sur la cir→ constance du chemin public avait été affirmative, l'arrêt a manifestement violé toutes les règles établies par le Code d'instruction criminelle pour l'application de la peine ; Par ces motifs, CASSE et ANNULLE la déclaration du jury et l'arrêt de la Cour d'assises du 6 février dernier. >>

COUR DE CASSATION.

Un condamné est-il sans intérêt à demander la cassation d'un arrêt qui lui applique une peine moins grave que celle qui devait être prononcée? (Rés. aff.)

La détermination du caractère des faits reconnus constans par le jury, lorsqu'elle doit être faite d'après une loi qui en a réglé les élémens constitutifs, forme-t-elle une question de droit dont la solution rentre dans les attributions exclusives de la Cour d'assises? ( Rés. aff. )

Ainsi, dans une accusation de faux, est-ce à la Cour d'assises, et non aux jurés, à déclarer si les faits de l'accusation constituent un faux en écriture de commercé ou de banque, ou simplement en écriture privée? (Rés. aff.)

« PreviousContinue »