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appelé, en quel ordre doivent-ils y prendre séance; 4o des ministres du synode; 5o ce que l'on doit y faire; 6o des constitutions à dresser dans le synode, et de la manière de les rédiger; 7° de ce qu'il faut éviter dans les constitutions synodales: par exemple, sur les questions non encore définies touchant les sacrements, en particulier le baptême, la confirmation, l'eucharistie, la pénitence; 8° questions non encore définies touchant l'extrême-onction, l'ordre et le mariage; 9° il faut éviter dans le synode ce qui peut aller contre l'autorité et les droits du Siége apostolique, ne pas entreprendre de définir les controverses juridictionnelles entre la puissance ecclésiastique et la séculière, user sobrement des lois civiles dans le synode, et ne pas léser les priviléges des réguliers; 10° précautions à garder dans ce qui regarde les censures, l'usure, les contrats et les amendes pécuniaires; 11° de la nouveauté et de la sévérité à éviter dans les constitutions synodales : plusieurs de ces constitutions ont été censurées mal à propos sous ce rapport; 12o de l'inconsistance des constitutions synodales, qui sont contraires au droit commun et aux décrets apostoliques; en outre, s'il est permis, et jusqu'où, de statuer quelque chose dans le synode au-delà du droit commun; 13o des autres articles qui regardent le synode diocésain. Benoit XIV traite chacun de ces points avec une érudition immense, mais nette et bien digérée. Cet ouvrage devrait être le manuel de tous les évêques, vicaires généraux et curés. Car, si vers le milieu du dix-huitième siècle, il y avait beaucoup d'ignorance et de préjugés sur ces matières en Italie, aujourd'hui, après les révolutions qui ont tout bouleversé, il y en a naturellement bien plus encore en France, en Allemagne, en Espagne, en Portugal et ailleurs.

Benoit XIV mourut le trois mai 1758, après une maladie assez douloureuse, pendant laquelle il ne perdit pas un seul instant la sérénité de son âme, ni la vivacité de son esprit. Ses derniers soins furent consacrés à consoler ceux qui pleuraient autour de lui et à remplir avec ferveur les devoirs de la religion. Son éloge se trouve partout. Mais le plus flatteur de tous, peut-être, est le monument que le fils du lord-ministre Walpole lui fit ériger en Angleterre, et où on lit, entre autres, ces mots déjà consacrés par les suffrages de la postérité : « Aimé des catholiques, estimé des protestants, humble, désintéressé; monarque sans favori, Pape sans népotisme, et, malgré son esprit et son savoir, docteur sans orgueil, censeur sans sévérité, etc. »

Benoit XIV eut pour successeur Clément XIII. Charles Rezzonico, né à Venise en 1693, cardinal en 1737 et évêque de Padoue en 1745, fut élu Pape le cinq juillet 1758. Ce choix d'un cardinal vénitien sur

prit dans un moment de rupture déclarée entre la cour de Rome et la république de Venise. La réputation du nouveau Pape explique cette préférence : il en était digne par ses vertus. Les écrivains les moins amis des Pontifes romains lui rendent ce témoignage. Le janséniste Clément, que son parti avait envoyé à Rome pour y influencer l'élection, et qui se donna en effet beaucoup de mouvement pour y faire un choix utile à sa cause, l'abbé Clément, peu louangeur en général, loue cependant Clément XIII. « A Padoue, dit-il, Rezzonico n'était appelé que le saint. C'était un homme exemplaire, qui, avec l'immense revenu de son diocèse et de son patrimoine, était toujours réduit par ses aumônes à se trouver sans argent, donnant jusqu'à son linge... Lorsqu'on lui fit la proposition de le nommer, il témoigna la plus grande opposition, refusa pendant quelque temps et enfin se rendit... Il n'avait d'autre dépendance de la société (des Jésuites) que celle que lui inspirait l'estime qu'il faisait de la régularité de leur conduite et de leur zèle pour les fonctions du ministère. » Le même écrivain dit encore : « Lorsqu'on lui fit la première ouverture de son exaltation, la surprise et le saisissement accablèrent aussitôt le bon cardinal. Refus, opposition, fièvre, cris capables de déceler le plan qu'on se proposait. On ne put le calmer qu'en lui disant d'abord que ce n'était, après tout, qu'une proposition dont on pouvait se désister; selon lui, l'Eglise était perdue si elle se trouvait confiée en des mains si peu capables de la gouverner. Et que dirait tout l'univers d'un pareil choix? Tout ce bruit pensa faire échouer l'entreprise1. » Le nouveau Pape reçut ainsi, dès le commencement, des éloges unanimes. Même le gazetier janséniste, en parlant de la circulaire que Clément XIII adressa aux évêques pour leur faire part de son exaltation, disait que « ce bon Pape y parlait de l'abondance d'un cœur vraiment pénétré. » Le comte d'Albon dit, de son côté, dans son Discours sur l'histoire : « Les bons citoyens ne peuvent, sans une vive émotion, prononcer le nom de Clément XIII: c'était vraiment le père du peuple; il n'avait rien de plus à cœur que de le rendre heureux, il y travaillait avec zèle. Le chagrin qu'il ressentait le plus vivement, qui lui arracha même souvent des larmes, était de voir des infortunés dont il ne pouvait soulager les maux. » Enfin, l'astronome Lalande lui-même, dans son Voyage d'Italie, ajoute à ces éloges : < Clément XIII, dit-il, a des mœurs irréprochables, une piété édifiante, une douceur inaltérable. Les maux de l'Eglise ne lui arrachent que des larmes. J'ai admiré son zèle, sa vigilance, sa modération

Picot. Mémoires, an 1758.

en parlant de ceux mêmes qui méritent le moins ses ménagements. > Lalande rapporte en particulier un trait qui prouve combien ce Pontife était éloigné de faire entrer dans ses projets quelconques des motifs de vanité ou le vain désir des applaudissements humains. << Le Pape, dit-il en parlant du dessèchement des marais pontins, le désirait personnellement. Lorsque je rendis compte à sa Sainteté de cette partie de mon voyage, elle y prit un intérêt marqué et me demanda avec empressement ce que je pensais de la possibilité et des avantages de ce projet : je les lui exposai en détail; mais ayant pris la liberté d'ajouter que ce serait une époque de gloire pour son règne, le Pontife religieux interrompit ce discours profane, et, joignant les mains vers le ciel, il me dit, presque les larmes aux yeux: Ce n'est pas la gloire qui nous touche, c'est le bien de nos peuples que nous cherchons. » C'est ainsi que des hommes qui n'étaient pas accusés de flatter les Papes jugeaient Clément XIII. Il sera bon de se rappeler ces jugements lorsque nous verrons certains princes lui susciter toute sorte de contradictions; lorsque nous verrons les rois de France, d'Espagne, de Portugal, de Naples, bannir les Jésuites de leurs royaumes, traiter leur institut de pernicieux et impie, lui que le concile œcuménique de Trente a déclaré saint et pieux.

Parmi les lettres de son Bullaire, qui sont au nombre de sept cents, il y en a beaucoup où il déplore le triste état de la religion en France, en Espagne, en Allemagne, en Pologne : il déplore en particulier l'expulsion des Jésuites par une faction révolutionnaire et impie, qui circonvenait et dominait les princes. A l'exemple du concile de Trente, il justifia et confirma la compagnie de Jésus : il encouragea, il consola même les bons évêques qui partageaient ses alarmes et qui s'efforçaient d'opposer une digue au déluge de mauvais livres. Pour procurer à l'Eglise affligée de nouveaux intercesseurs dans le ciel, Clément XIII canonisa sainte Françoise de Chantal, saint Jérôme Emilien, saint Jean de Kenti en Pologne, saint Séraphin de Monte-Granario, saint Joseph de Cupertin, saint Joseph Calasanz; il béatifia le vénérable Grégoire Barbadigo, cardinal-évêque de Padoue; le vénérable Simon de Roxas, de l'ordre de la Trinité, pour la rédemption des captifs; le vénérable Bernard de Corléone, frère laïque dans l'ordre des Capucins; enfin il approuva l'office du bienheureux Martin d'Aguire, Franciscain, de Vergara, en Espagne, que nous avons vu martyriser au Japon, le cinq février 1597, avec vingt-cinq autres chrétiens mis au rang des martyrs par Urbain VIII, en attendant une canonisation plus solennelle.

Le bon pape Clément XIII mourut le deux février 1769, après dix ans de pontificat, à l'âge de soixante-seize ans. Sa santé avait toujours été mauvaise. « Sa constitution est si sanguine, dit Lalande dans son Voyage d'Italie, et il a le sang si sujet à la raréfaction, qu'on désespère depuis long-temps de le conserver. Son médecin le fait saigner à tout moment, et il a peine encore à éviter les accidents. Le dix-neuf août 1765, il tomba presque mort et ne revint que quand on l'eut saigné. » Ce fut apparemment un de ces accidents qui causa la mort inopinée de ce Pontife.

Le dix-neuf mai suivant, il eut pour successeur le cardinal Laurent Ganganelli, qui prit le nom de Clément XIV, en mémoire de Clément XIII, qui lui avait donné la pourpre. Le nouveau Pape était né le trente-un octobre 1705, au bourg de Saint-Arcangelo, d'une famille noble, dans le duché d'Urbin. Son père était médecin pensionné de la ville. Le jeune Ganganelli se livra dès ses premières années, avec une ardeur extraordinaire, aux études les plus sérieuses. Il fit des progrès rapides sous la conduite des professeurs de Rimini, où il était élevé, et, dès l'âge de dix-huit ans, il entra dans l'ordre de Saint-François. Après avoir professé la théologie en différentes villes d'Italie, il vint, à l'âge de trente-cinq ans, enseigner cette science à Rome, au collége des Saints-Apôtres. La finesse de son esprit, l'enjouement de son caractère le firent aimer de Benoit XIV: sous le règne de ce Pontife, il devint consulteur du Saint-Office, place importante à Rome. Clément XIII le fit cardinal en 1759. Devenu Pape en 1769, il mourut le vingt-deux septembre 1774, à l'âge de soixante-neuf ans. Il forma un musée où il rassembla beaucoup de précieux restes de l'antiquité. Il fut sobre, désintéressé, et ne connut pas le népotisme. En dehors de son Bullaire, Clément XIV n'a pas laissé d'ouvrage connu; car les lettres publiées sous son nom par Caraccioli sont une imposture. Sommé d'en montrer les originaux, le faussaire ne put en fournir aucun. La vie qu'il a publiée de ce même Pape n'est qu'un résumé de ces lettres et ne mérite pas plus de croyance. Quant à son Bullaire, sur trois cent trente-huit pièces, il y en a très-peu d'importantes. La première année de son pontificat, il mit au rang des bienheureux le vénérable François Caracciolo, fondateur des clercs réguliers mineurs : le treize mai 1772, il béatifia Paul Bural d'Arezzo, cardinal, évêque de Plaisance, puis archevêque de Naples. Ce qui a rendu son pontificat et son nom fameux, c'est un bref du vingt-un juin 1773, qui supprime la société de Jésus: suppression qui, comme nous le verrons plus en détail, lui fut extorquée par les instances menaçantes des souverains catholiques, jouets aveugles des jansé

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nistes et des incrédules. Voilà pourquoi ceux-ci lui prodiguent leurs éloges flétrissants.

L'imposteur Caraccioli insinue que Clément XIV est mort de poison, et rappelle en plusieurs endroits ce noir soupçon. Mais, observe Picot dans ses Mémoires, un homme déjà convaincu de fausse supposition n'est heureusement pas une autorité fort imposante, et on peut lui adjoindre l'auteur janséniste des Nouvelles ecclésiastiques, qui n'avait garde de manquer une aussi riche matière pour alimenter ses feuilles. Ces bruits absurdes sont démentis par des témoignages formels. Le père Marzoni, général des Conventuels, qui avait assisté Clément XIV jusque dans ses derniers moments, et du suffrage duquel on avait voulu s'appuyer, certifia sous le sceau du serment, par un acte du vingt-sept juin 1775, que jamais ce Pontife ne lui avait fait entendre qu'il crût être empoisonné: ce qui fait tomber ces mots vagues, ces demi-confidences, ces soupçons qu'on lui prêtait. De plus, le docteur Salicetti, médecin du palais apostolique, qui avait soigné le malade, avec son médecin ordinaire, rendit, dans une déclaration du onze septembre 1744, un compte très-détaillé de la maladie qu'il attribuait à un vice invétéré dans le sang et à la mauvaise habitude de se procurer, le jour comme la nuit, des sueurs excessives. Il assurait aussi que l'ouverture du cadavre n'avait rien montré qui ne pût provenir de causes naturelles. Une humeur âcre qui incommodait fréquemment le Pape (septuagénaire), et qui se trouva supprimée tout à coup, paraît avoir été la cause de sa mort 1.

Un de ses contemporains, qui l'assista miraculeusement à la mort, nous donnera des renseignements encore plus intimes sur ces choses. Ce contemporain est un saint du premier ordre, un Père de l'Eglise, qui combattit sans relâche, et de vive voix et par écrit, contre les portes de l'enfer, lesquelles s'efforçaient de prévaloir contre elle : c'est saint Alphonse de Liguori, alors évêque de Sainte-Agathe, dans le royaume de Naples.

Une chose le faisait surtout gémir, c'était cette tempête qui, par toute l'Europe, s'élevait contre les Jésuites. « Je n'ai encore reçu, écrivit-il à l'un d'eux, aucune nouvelle sur les affaires de votre compagnie ; j'en éprouve une inquiétude presque plus grande que s'il s'agissait de notre petite congrégation. On menace une société qui a pour ainsi dire sanctifié le monde et qui continue incessamment à le sanctifier. » Les calomnies faisant toujours de plus tristes progrès, on ne douta plus que la célèbre compagnie ne dût être

'Picot. Mémoires, an 1774.

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