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Pierre Ier, Catherine Ire, Pierre II, Anne, Iwan ou Jean VI, Elisabeth, Pierre III, Catherine II, Paul Ier; sur le trône impérial de Turquie, Achmet III, Mahomet V, Osman II, Mustapha III, Achmet IV; sur le trône impérial de Chine, Kang-hi, Yong-tching et Kien-long. Nous voyons, dans la même période de temps, le royaume de Pologne disparaître du nombre des nations indépendantes, et une nouvelle nation indépendante se former en Amérique, sous le nom d'Etats-Unis. Nous voyons surtout la plupart des souverains, des politiques et des littérateurs, former une espèce de coalition, afin de prévaloir contre l'Eglise de Jésus-Christ.

Cependant, dans toute cette période, cette Eglise n'a eu que de bons Papes et n'a cessé de produire des saints.

Le pape Benoit XIII mourut le vingt-deux février 1730, à l'âge de quatre-vingt-un ans, après un pontificat de cinq ans huit mois vingt-trois jours. Telles étaient ses vertus, suivant le témoignage de son savant contemporain Muratori, qu'il était regardé comme un saint. D'une humilité incomparable, il estimait plus d'être un pauvre religieux que toute la gloire et la majesté du pontificat romain. Très-détaché de la chair et du sang, il ne chercha rien pour ceux de sa famille. A un merveilleux désintéressement, il joignait une grande libéralité, mais pour les pauvres. Il avait pour ceux-ci une singulière tendresse, et on le vit plus d'une fois les embrasser, considérant en eux celui dont il était le vicaire ici-bas. Ses pénitences, ses jeûnes étaient extraordinaires. Aussi rapporte-t-on plusieurs grâces obtenues de Dieu par son intercession, et pendant sa vie et après sa mort'. Il ne lui manquait que la sagacité ordinaire pour choisir de bons ministres et les contenir dans les limites de leur devoir. Archevêque de Bénévent, lorsqu'il fut élu Pape, il avait pris en grande affection tous les Bénéventins, en particulier le cardinal Coscia, qu'il fit son successeur dans cet archevêché et son principal ministre. Ce cardinal et les autres Bénéventins abusèrent de la confiance du Pontife et commirent plusieurs actes blamables qui leur attirèrent la haine du peuple romain.

Le douze juillet 1750, Benoit XIII eut pour successeur dans la Chaire apostolique le cardinal Laurent Corsini, âgé de soixante-dixhuit ans, qui prit le nom de Clément XII. Il était d'une des familles les plus considérables de Florence, la même qui a produit saint André Corsini, évêque de Fiésole. Il étudia le droit à Florence, à Rome, et particulièrement à Pise, où il fut reçu docteur. A Rome, il se donna tout entier à l'état ecclésiastique, devint clerc de la

'Muratori, Annali d'Italia, an. 1730.

chambre apostolique, dont Innocent XII le nomma trésorier en 1696 dans cet emploi, il se montra généreux et désintéressé. Dix ans après, il fut nommé cardinal, prit part à beaucoup de congrégations et d'affaires : il était reconnu pour un ami des sciences. Devenu Pape, il voulut, malgré son grand âge, être informé de tout et exécuter tout par lui-même.

Un de ses premiers actes fut le jugement du cardinal Coscia, dont le peuple romain avait assailli la maison à la mort de Benoit XIII, et qui avait été contraint de s'enfuir à Naples. On lui avait accordé l'entrée du conclave en pleine sécurité; mais quand il connut les dispositions du nouveau Pape, il se mit sous la protection de la cour impériale et parut en assurance. Cependant il la perdit bientôt, et l'enquête des congrégations que Clément avait établies pour examiner l'administration précédente, fut menée à bout. Le jugement rendu en 1732 contenait ce qui suit : le cardinal devait résigner l'archevêché de Bénévent, payer quarante mille ducats pour œuvres pies, être détenu dix ans au château SaintAnge et payer cent mille ducats d'amende; en outre, on lui ôta toute voix active et passive en l'élection d'un Pape, durant sa détention. Cependant, peu après, le Pape lui rendit la voix active; de plus, de temps en temps, à cause de son état valétudinaire, on lui permit de sortir du château Saint-Ange. Le Pape suivant, Benoit XIV, par reconnaissance envers son bienfaiteur, Benoit XIII, lui fit remise des années restantes de sa détention. Coscia se rendit à Naples et y mourut en 1755'.

Clément XII eut la gloire de calmer une révolution politique excitée par le cardinal Albéroni. Ce fameux cardinal, qui, ministre d'Espagne, remuait toute l'Europe, fut nommé légat de Ravenne en 1758. Aussitôt il entreprit d'incorporer aux états du Pape la république de Saint-Marin, qui y est enclavée. Cette république, qui reconnaît le Saint-Siége pour suzerain et protecteur, est un des plus anciens états de l'Europe, mais un des plus petits. Sa population est de quatre à cinq mille âmes, son armée de quarante à cinquante hommes. Or, une dissension avait éclaté entre le conseil municipal et les bourgeois. Plusieurs de ceux-ci accusèrent leurs magistrats de gouverner arbitrairement et de violer l'ancienne constitution: ils implorèrent l'intervention du Pape, leur protecteur. Albéroni lui fit entendre qu'il était facile d'assujétir SaintMarin avec fort peu de troupes. Clément fut plus équitable et plus modéré. Il donna seulement commission au cardinal de faire prêter

'Guarnacci, 1. 100.

serment de fidélité à la ville, supposé que la majorité de SaintMarin fût disposée à reconnaître sa souveraineté. L'impétueux Albéroni outre-passa ces ordres de beaucoup. Il entra dans la ville de Saint-Marin avec deux cents cavaliers, contraignit presque chacun à jurer fidélité au Pape, nomma un gouverneur et constitua tout le gouvernement suivant son bon plaisir. Cependant beaucoup d'habitants refusèrent de jurer, d'autres s'enfuirent; leurs biens furent pillés en partie. Très-mécontent de ces violences, le Pape en fit de vifs reproches à son légat et envoya un commissaire pour entendre la libre déclaration des habitants, révoquer tout ce qui avait été fait contre les intentions du Pape et garantir les citoyens contre l'oppression du conseil municipal. Le commissaire ayant trouvé que peu d'habitants souhaitaient devenir sujets du Pape, les rétablit tous dans la jouissance de leur ancienne liberté, et le Pape confirma cette ordonnance'.

par

Durant son pontificat de dix ans, Clément XII donna un grand nombre de bulles et de brefs qui regardent toute sorte d'affaires et de pays, en Europe, en Afrique, en Amérique, en Asie. Dans le nombre, il y en a de bien remarquables, entre autres une bulle du neuf juillet 1752 et un bref du treize juillet 1735. Nous avons vu le lutheranisme prévaloir en Saxe, et le calvinisme dans le Palatinat, la connivence des deux électeurs respectifs. Au commencement du dix-huitième siècle, nous avons vu et l'électeur de Saxe et l'électeur palatin quitter la moderne hérésie des deux apostats, pour revenir à la foi perpétuelle de tous les siècles, à la foi de leurs ancêtres, Charlemagne, Witikind, les saints Henri et les Ottons ; à la foi prêchée par saint Boniface, saint Kilien, saint Corbinien, saint Burcard, saint Sturmes, saint Lul, saint Willehade, saint Suitbert, saint Ludger, saint Anscaire, saint Rembert. Le pape Clément XII pouvait croire que les peuples de la Saxe et du Palatinat, qui avaient suivi leurs princes dans l'égarement, les suivraient aussi dans le retour. Pour en aplanir un des plus grands obstacles, le Pape annonce à ceux qui s'étaient déjà convertis et à ceux qui se convertiraient encore, que l'Eglise catholique, comme une tendre mère, leur faisait remise et don de tous les biens ecclésiastiques qu'ils avaient acquis par suite de la révolution religieuse. Dans sa constitution du neuf juillet 1752, Clément XII déclare qu'en ceci il marche sur les traces de plusieurs de ses prédécesseurs et remplit les intentions de Clément XI, à lui bien connues 2.

En 1736, Léopold, archevêque de Salzbourg, de concert avec

Guarnacci, 1. 100. 2 Bullar. rom.

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son chapitre, fonda dans son diocèse plusieurs missions, desservies par les Augustins, les Capucins, les Bénédictins et les Récollets. Il leur donna des règlements qui furent approuvés par la Propagande et par Clément XII, en janvier 1759. Dès l'an 1755, le même Pape autorisa les religieux des Ecoles pies, établis à Wilna en Lithuanie, à enseigner aux enfants, non-seulement les connaissances élémentaires, mais encore les sciences plus relevées. Nous avons vu dans le volume précédent la part que prit Clément XII à la solution de la controverse sur les cérémonies chinoises. Un bon prêtre de Naples, Mathieu Ripa, imagina une solution plus radicale encore: ce fut de former pour la Chine un clergé indigène. Voici comme il raisonnait. Pour évangéliser l'immense population de la Chine, ce ne serait pas assez de tout le clergé d'Italie. Cependant, depuis que la Chine est ouverte à l'évangile, à peine peut-on compter cinq cents missionnaires qui y soient entrés successivement. Puis, dans un moment de persécution, ce qui n'est pas rare, les Européens sont trop faciles à reconnaître à leur accent et à leur figure. Ainsi, dans la récente persécution de Yong-tching, tous les missionnaires européens furent relégués à Canton. Un seul évêque, monseigneur Lopez, de l'ordre de Saint-Dominique, put échapper à l'édit, parce qu'il était Chinois de naissance. N'étant pas connu comme prêtre, il resta libre et parcourut librement les diverses missions, privées de toute autre assistance. Le bon prêtre conclut que le meilleur remède serait la formation d'un clergé indigène, et il s'occupa de fonder une congrégation dont le but principal fût de former des missionnaires nationaux pour la Chine et pour l'Inde. Le pape Clément XI ayant eu connaissance de ce projet, écrivit à la Propagande que c'était l'unique moyen pour bien établir la religion dans le vaste empire de la Chine, et pour, d'étrangère, l'y rendre nationale. Mathieu Ripa établit sa congrégation à Naples, sous le nom de Sainte Famille de Jésus-Christ, et, d'après l'avis du Saint-Siége, lui donna pour règles celles des Oratoriens de saint Philippe de Néri. Clément XII, par ses lettres des sept avril 1752, vingt-deux mars 1736, quatorze mars 1738, confirma la nouvelle congrégation et lui communiqua tous les priviléges des Oratoriens et des élèves de la Propagande. Le même Pape fonda en Sicile un séminaire spécial pour les catholiques du rite grec. En 1752, il accorda un jubilé particulier à l'Irlande : l'année suivante, il érigca les Capucins de ce royaume, et plus tard les Carmes, en province nouvelle. En 1758, il autorisa les missionnaires franciscains du Maroc d'avoir un

• Bullar. magn.

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procureur à Madrid, pour solliciter les aumônes et les protections nécessaires dans les fréquentes persécutions que leur suscitaient les barbaresques d'Afrique.

Dans le Mont-Liban, antique retraite du prophète Elie et de ses disciples, il y avait un grand nombre de monastères, les uns de Maronites ou Syriens indigènes, les autres de Grecs melquites. Les uns et les autres avaient un monastère à Rome, où ils envoyaient leurs meilleurs sujets, pour s'y perfectionner dans la piété et les études, et revenir dans leur patrie en qualité de missionnaires apostoliques. Outre quelques monastères indépendants les uns des autres, les religieux maronites formaient deux congrégations : l'une, plus ancienne, de Saint-Elisée ou du Mont-Liban; l'autre, de Saint-Isaïe toutes deux sous la règle de saint Antoine, patriarche de la vie monastique en Egypte. Tous ces religieux étaient cordialement unis et soumis à l'Eglise romaine. Michel d'Eden, abbé général de la congrégation du Mont-Liban ou de Saint-Elisée, supplia le Pape d'en confirmer les règles et constitutions. Clément XII le fit par une bulle du trente-un mars 1732. Les règles de ces religieux maronites sont assez détaillées et seront lues avec fruit par tous ceux qui, sous un titre ou sous un autre, sont intéressés au gouvernement des monastères. La congrégation de Saint-Elisée est gouvernée par un abbé général, quatre hégumènes ou assistants, les abbés de provinces et les abbés de monastères. L'abbé général et les quatre hégumènes sont élus par le chapitre général qui s'assemble tous les trois ans et se compose du général, des hégumènes, des abbés de provinces et de monastères, des religieux qui ont rempli quelqu'une de ces charges, et enfin des officiers majeurs. L'abbé général et les hégumènes, ainsi élus, élisent à leur tour, pour trois ans, les abbés des provinces et des monastères. Après leur profession, les religieux deviennent prêtres ou demeurent laïques, suivant leurs dispositions et leurs talents, dont l'abbé est juge. Dans chaque monastère, il y a un maître pour enseigner les lettres; dans chaque province, un monastère où l'on enseignera, outre la grammaire, la dialectique, la philosophie et la théologie. Tous les mois, il y a une dispute publique, et un examen deux fois par an; chaque dimanche, une conférence sur l'Ecriture sainte, les cas de conscience ou les points de controverse contre les schismatiques, les hérétiques ou les infidèles. Quant aux langues, outre le syriaque et l'arabe, que les prêtres doivent nécessairement savoir, ils auront encore soin d'apprendre l'hébreu, le grec et le latin, afin de pouvoir lire et interpréter les saintes Ecritures, les Pères et les docteurs.

Voici comme la règle s'exprime sur l'obéissance envers les pré

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