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nous donnant le moyen de prier, vous nous avez remis en mains les clés de vos divins trésors; et nous, nous demeurons dans notre misère, parce que nous ne voulons pas prier! Ah! Seigneur, dessillez nos yeux, faites-nous connaître ce que valent, auprès de votre Père éternel, les supplications que nous faisons en votre nom et par vos mérites. Je vous dédie ce petit livre; bénissez-le et faites que toutes les personnes qui le tiendront dans leurs mains s'excitent à prier toujours, et cherchent aussi à enflammer les autres afin qu'ils mettent en usage ce grand moyen de leur salut. A vous aussi, Marie, mère de mon Dieu, je recommande mon ouvrage; couvrez-le de votre protection; obtenez à tous ceux qui le liront l'esprit de prière; faites qu'ils recourent toujours, et dans tous leurs besoins, à votre Fils et à vous-même, qui êtes la dispensatrice des grâces et la mère de la miséricorde; vous qui ne laissez jamais sans être exaucées les âmes qui se recommandent à votre bonté; vous qui êtes la Vierge puissante, et qui obtenez à ceux qui vous servent ce que vous demandez à Dieu pour eux. »

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Dans la première partie de cet ouvrage, Alphonse parle de la nécessité et de la valeur de la prière, et ensuite des conditions requises pour la rendre efficace auprès de Dieu. Cette première partie est contre Pélage, suivant lequel la prière n'était pas nécessaire au salut, mais simplement la connaissance de ce qu'il faut faire. Dans la seconde partie, le saint prouve contre Jansénius : 1° Que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, et que c'est pour cela que Jésus-Christ est mort pour les sauver tous; 2o que Dieu donne généralement la grâce nécessaire à tous les justes pour observer les préceptes, et à tous les pécheurs pour se convertir; 3o que Dieu donne à tous la grâce de prier; la grâce suffisante, commune à tous, suffisant pour cet effet. Il expose en particulier et réfute le système de Jansénius touchant la délectation relativement victorieuse. Dans un autre ouvrage, Traité contre les héré, tiques, tiré principalement du concile de Trente et dédié au pape Clément XIV, saint Liguori a un traité supplémentaire sur le mode d'opération de la grâce. Après avoir exposé les divers systèmes, il établit, avec le commun des théologiens, que, pour accomplir les commandements de Dieu, il faut une grâce intrinsèquement efficace; mais que cette grâce s'obtient par la grâce suffisante de la prière, qui est donnée à tous. Dans une Histoire des hérésies et leur réfutation, ou Triomphe de l'Eglise, il réfute encore en particulier Baïus, Jansénius, Quesnel et Molinos. Il dédia au pape Pie VI un autre ouvrage, qui complète et couronne en quelque sorte les précédents : c'est la Conduite admirable de la Providence

dans l'œuvre du salut de l'homme par Jésus-Christ, depuis Adam jusqu'à nos jours : il appelle église des Hébreux celle qui exista depuis Adam jusqu'à Jésus-Christ, et église chrétienne celle qui existe depuis Jésus-Christ jusqu'à la fin des siècles. Il conclut <<< que la religion a toujours été une, qu'elle est passée des Hébreux aux chrétiens sans subir d'interruption; et qu'ainsi, pour bien comprendre la religion chrétienne et l'œuvre de la rédemption humaine opérée par notre Sauveur Jésus-Christ, il est nécessaire de savoir que l'église ancienne et la nouvelle n'en font qu'une ; elle commença d'abord par les Hébreux, et fut perfectionnée ensuite par les chrétiens; car c'est Jésus-Christ qui a toujours soutenu la première et la seconde 1. >> Par ce peu de mots, l'on voit que l'ouvrage de saint Liguori contient en germe ce que nous avons tâché de développer avec étendue dans cette Histoire universelle de l'Eglise catholique.

Saint Liguori a fait encore un ouvrage contre Fébronius, pour soutenir l'autorité suprême du chef de l'Eglise. Nous verrons plus tard quel était ce Fébronius, ou plutôt le novateur qui se cachait sous ce nom. Après avoir ainsi défendu les vérités de la foi chrétienne contre les altérations et les innovations des hérétiques, saint Liguori les défend contre les attaques directes des incrédules, auxquels les hérétiques avaient préparé les voies. De là entre autres les deux ouvrages suivants : Vérité de la foi rendue évidente par les notes de crédibilité qu'elle présente. Ces notes ou caractères sont la sainteté de la doctrine, la conversion du monde, la stabilité toujours uniforme des dogmes, le témoignage des prophéties, le témoignage des miracles, la constance des martyrs. Le second ouvrage a pour titre : Les vérités de la foi, prouvées contre les matérialistes qui nient l'existence de Dieu, contre les déistes qui nient la religion révélée, contre les sectaires qui nient que l'Eglise catholique soit la seule véritable.

La vie et les ouvrages de saint Alphonse de Liguori forment ainsi comme un précieux diadême, qui couronne dignement le merveilleux ensemble des saints, des Pontifes, des savants, des artistes et des ouvrages contemporains de l'Italie entière.

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§ III.

Ce qu'il y avait de bon en France, surtout dans la famille royale.

La France contemporaine présentait un spectacle différent de l'Italie. On y voyait encore du bon, mais aucun ensemble pour le bien. Le mal, tourné en gangrène, attaquait les parties vitales du corps politique la dissolution partait d'en haut. C'est ce bien, ce mal et cette décomposition que nous avons à considérer dans ce livre.

Parmi les membres de la famille royale, on admirait plusieurs saints personnages. La reine, femme de Louis XV, Marie Leczinska, était un modèle de piété et de vertu. Elle était fille de Stanislas Leczinski, roi alternatif et compétiteur de Pologne, avec FrédéricAuguste de Saxe, dont nous verrons la fille réunir les deux maisons en épousant le dauphin de France. Marie Leczinska naquit à Posen en 1703, au milieu des troubles qui agitaient sa patrie, vers le temps où Frédéric-Auguste fut déposé et Stanislas élu pour la première fois. Elle apprit la vie à l'école de l'infortune, et, jusqu'à douze ans, ne connut que les périls et les alarmes. Elle n'avait qu'un an, lorsqu'au milieu d'une retraite de l'armée polonaise, elle fut oubliée dans la basse-cour d'une auberge. On allait mettre le feu à la maison, lorsqu'on trouva l'enfant couchée avec son berceau dans une auge d'écurie, et souriant à ceux qui la cherchent. A quatre ans, elle se voit cernée dans le château de Posen par une armée de Russes on la sauve par les jardins chez une paysanne qui la cache dans un pétrin, jusqu'à ce que les Russes soient partis. Après divers incidents, elle vint avec son père et sa mère se réfugier en France, où le régent, au nom de Louis XV, alors âgé de dix ans, leur assigna, en 1720, le château de Wissembourg.

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Au milieu de tant de traverses, l'éducation de la jeune Marie n'était pas négligée, principalement pour ce qui est de la religion. Elle en donna des preuves. Pendant son séjour en Suède, voulant faire un pélerinage pour visiter les reliques de sainte Brigitte de Suède, elle pria un évêque luthérien de vouloir bien l'accompagner chez le particulier possesseur des ossements de la sainte, et luthérien lui-même. Arrivée sur les lieux, elle expose au propriétaire le sujet de son voyage. Celui-ci lui ouvre un tiroir où étaient renfermées les reliques qu'elle désirait de voir, en lui avouant qu'il est

surpris qu'elle se soit donné la peine de venir de si loin pour voir une tête de mort : « Eh bien! reprend la petite Marie, faites-moi donc le plaisir de me donner cette tête, qui vous est inutile, ou, si vous aimez mieux, vendez-la-moi. » Comme le luthérien se défendait de lui accorder sa demande : « Engagez donc monsieur, je vous prie, dit-elle à l'évêque, de m'accommoder de sa tête de mort. - Je m'en garderai bien, répond celui-ci; il ne faut pas que cette tête sorte du royaume. - Mais c'est la tête d'une catholique. N'importe; c'était une excellente femme. Vous avez raison, monsieur, répliqua la jeune Marie; et tant que la tête de cette femme restera en Suède, on s'y souviendra que le royaume était catholique.» L'évêque, frappé de cette réflexion de la part d'une enfant de onze ans, jugea qu'elle méritait une récompense, et, détachant lui-même un des ossements de la sainte, il en fit présent à la princesse, qui le conserva précieusement toute sa vie '.

Pendant que Marie Leczinska séjournait à Wissembourg, plusieurs princes, dont deux souverains en Allemagne, la demandent en mariage: elle s'y refuse, pour ne point quitter son père et sa mère, ne voulant pas être heureuse toute seule. Peu après, c'était un jour de fête où Marie venait de communier, elle entend une voix plaintive qui l'appelle à travers une palissade du jardin; elle s'approche et voit le visage pâle et décharné d'une pauvre femme couverte de haillons, qui la supplie, au nom de Dieu, de soulager sa misère. Touchée de son état, elle lui donne une pièce d'or : c'était tout ce qu'elle avait. La pauvre femme lève les mains au ciel et s'écrie de joie : Ah! ma bonne princesse, Dieu vous bénira; oui, vous serez reine de France. Ce vœu de la pauvre femme n'avait aucune chance de se réaliser. Louis XV était déjà fiancé avec l'infante d'Espagne, qu'on avait même fait venir en France pour en apprendre les usages. Stanislas se vit au contraire sur le point, à la mort du régent, de perdre l'asile que la France lui donnait ; il découvrit des scélérats qui cherchaient à le faire périr par le poison: dans cette extrémité, il proposa un accommodement à son compétiteur, pour assurer au moins un sort à sa fille; mais aucun prince ne voulut l'appuyer dans cette affaire. Le père et la fille ne virent d'autres ressources que de se résigner chrétiennement à la volonté de Dieu. Ils venaient de le faire tous deux, lorsque le cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg, arrive inopinément et dit à Stanislas: Sire, je viens vous prier de consentir à ce que la princesse votre fille devienne reine de France. Stanislas crut d'abord que c'était une plai

'Proyart. Vie de la reine de France, Marie Leczinska.

santerie et répondit sur le même ton. Mais quand il vit les lettres de créance, quand il apprit que c'était une affaire mûrement délibérée et que l'infante allait être renvoyée en Espagne, à son père Philippe, il éprouva les mêmes sentiments que le patriarche Jacob quand il apprit que Joseph, son fils, dont il avait pleuré la mort, vivait encore et gouvernait l'Egypte; il s'écria: Béni soit le Seigneur, qui se souvient de nous! ceci est son ouvrage, et lui-même l'achèvera.

Quant aux sentiments de la jeune princesse, elle les fit ainsi connaître dans l'intimité. Un jour qu'elle se trouvait seule avec la comtesse Leczinska, son aïeule et la confidente ordinaire des secrets de son cœur : « Eh bien ! ma fille, lui dit la vertueuse dame, ditesmoi donc ce que vous pensez de ce grand événement. - Hélas! maman, lui répondit la princesse, je n'ai encore eu là-dessus qu'une pensée, mais qui depuis huit jours absorbe toutes mes pensées : c'est que je serais bien malheureuse si la couronne que m'offre le roi de France me faisait perdre celle que me destine le roi du ciel. » C'est ainsi que la foi élevait cette jeune fille au-dessus des trônes. Son mariage, sur lequel on avait consulté le pape Clément XII, fut célébré dans la cathédrale de Strasbourg, la veille de l'Assomption 1725. Louis XV était représenté par le duc d'Orléans, fils du régent. Quant tout fut prêt pour le départ de la princesse, elle entre dans le cabinet du roi son père, où se trouvait la reine sa mère et la comtesse son aïeule. Elle se jette à leurs genoux, fondant en larmes, et leur demande leur bénédiction. Stanislas, étendant les mains sur sa tête, la lui donne en ces termes : « Que Jésus, Marie et Joseph veillent toujours à la conservation de ma chère fille, au nom de Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit! Qu'elle ait part à la bénédiction que le saint patriarche Jacob donna à son fils Joseph, lorsqu'il apprit qu'il était encore en vie et qu'il gouvernait en Egypte! Qu'elle ait part à la bénédiction que le saint homme Tobie donna à son fils lorsqu'il l'envoya dans un pays étranger! Qu'elle ait part à la bénédiction que Jésus-Christ donna à sa sainte Mère et à ses disciples, lorsqu'il leur dit : Que la paix soit avec vous! Ainsi soit-il ! >>

Le mariage de Marie de Leczinska avec Louis XV fut une bénédiction pour la France, et au temporel et au spirituel. Au temporel, elle lui apporta pour dot deux importantes provinces, les duchés de Lorraine et de Bar. D'après des arrangements politiques, Stanislas les eut en souveraineté sa vie durant, pour être ensuite réunies à la France. François, dernier duc de Lorraine et de Bar, eut en échange le duché de Toscane, à l'extinction de la famille

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