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la construction du Bellerophon en 1863; il rappelle le mémoire dans lequel, en 1875, M. Barnaby mettait les métallurgistes en demeure de lui fournir des matières de qualité convenable et les résultats satisfaisants donnés par l'Iris. Mais, en somme, l'emploi de l'acier n'a pris en Angleterre un certain développement qu'à partir des dernières années. On peut en juger par les chiffres suivants, cités par M. Ravenhill, en 1881 :

Navires construits en acier; classés par le Lloyd.

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<< A l'heure actuelle, en 1881, dit M. Ravenhill, l'emploi de l'acier, aussi bien pour chaudières que pour coques, n'est plus limité que par les moyens de production existants. »

En 1882, dit M. Parker, ingénieur en chef du Lloyd's Register, « il n'y a pas eu moins de 73 grands steamers construits en acier. En janvier 1883, ajoute-t-il, 116 steamers étaient en construction. » (Voir le dernier mémoire de M. Parker lu à l'Iron and steel Institute le 9 mai 1883.)

Les insuccès du début sont uniquement attribuables à l'emploi de matières trop dures, trop peu ductiles. Les ingénieurs maritimes n'avaient pas à leur disposition l'acier doux qui est la seule matière convenable pour les constructions navales. Plus tard, lors de l'apparition du nouveau métal, ils n'ont pas compris d'abord que ses qualités les plus précieuses étaient celles précisément que l'on n'avait pas rencontrées jusqu'alors dans l'acier.

Si l'acier a trouvé enfin en Angleterre la faveur à laquelle il a droit, cela n'a pas été sans difficultés et sans longs débats. Là, comme partout

du reste, ce qui a empêché la lumière de se faire rapidement, ce qui a fait le plus de tort aux produits nouveaux, c'est que sous la désignation générale d'acier on a fabriqué et employé des matières présentant des propriétés essentiellement différentes, sans s'en rendre suffisamment compte.

La dénomination identique a amené une confusion qui a trop duré et qui a amené une perturbation, un découragement dans l'esprit des constructeurs qui n'avaient pas hésité d'abord à entrer dans la nouvelle voie et qui s'étaient rebutés à la suite d'insuccès alors inexpliqués.

Il y avait aussi une école à faire pour les métallurgistes et pour les constructeurs; il s'agissait pour les uns, d'arriver à produire d'une façon sûre les qualités exigibles, pour les autres d'apprendre à donner au travail de l'acier tous les soins convenables. Cette école est loin d'avoir été faite en Angleterre avec la méthode nécessaire, aussi a-t-elle été fort longue. On n'a, pour s'en convaincre, qu'à lire les discussions des sociétés techniques anglaises dans ces dernières années. De là les hésitations qui ont été quelquefois constatées chez certains constructeurs anglais timorés.

On peut dire qu'en Angleterre il y a eu deux périodes dans l'emploi de l'acier pour les constructions navales. La première, datant de 1860 environ, pendant laquelle l'emploi de l'acier fut très limité, ne donna que des résultats médiocres par suite de conditions irrationnelles de production et d'emploi. La deuxième date de 1875, et ce n'est qu'après la connaissance des résultats extrêmement favorables obtenus en France dès le début, que les Anglais entrèrent enfin dans la voie normale et purent développer sérieusement l'emploi de l'acier. Les chiffres donnés ci-dessus en témoignent et nous allons prouver que cette deuxième période eut une origine absolument française.

En France, la marche a été beaucoup plus sûre et le succès complet a été obtenu plus rapidement qu'en Angleterre, cela a été constaté par les Anglais eux-mêmes.

En mars 1875, M. Barnaby, directeur des constructions navales de la marine royale anglaise et vice-président de l'Institute of Naval Architects, faisait une communication à cette société, sur « le fer et l'acier dans la construction des navires. » Dans cette communication, M. Barnaby constate qu'en octobre 1874 l'amiral sir William Stewart et lui, ont eu l'occasion de voir par eux-mêmes et d'étudier de près

l'emploi de l'acier dans les chantiers de la Marine française à Lorient et à Brest. Il déclare que, non seulement les matières employées en France sont d'excellente qualité, mais que « l'emploi de l'acier s'y développe avec une confiance raisonnée plus grande que celle que l'on a pour ce métal en Angleterre. » Il ajoutait : « ce n'est point là un reproche que j'adresse aux navals architects; c'est aux producteurs d'acier que je m'adresse parce qu'ils sont très en retard sur les métallurgistes français. >>

Dans le grand cuirassé français le Redoutable en construction à Lorient en 1874, M. Barnaby dit que l'acier est employé pour le bordé intérieur, les membrures, le cuirassement du pont, les cloisons, les plaques d'appui de la cuirasse. Il n'y a que le bordé extérieur et les rivets qui, dans ce navire, ne soient pas en acier.

Deux autres cuirassés, dit M. Barnaby, le Tonnerre et la Tempête, étaient en construction à Brest et à Lorient. Ces deux navires garde-côtes, dont les projets ont été faits par l'ingénieur qui a étudié le Redoutable comportent l'emploi de l'acier dans les mêmes conditions que pour le Redoutable.

A l'époque de sa visite, en octobre 1874, M. Barnaby constata qu'en France, pour ces trois navires, 600 tonnes de tôles Bessemer ou MartinSiemens ont été déjà employées, et environ 12,000 mètres de profilés d'acier ont été déjà mis en place.

M. Barnaby termine sa communication en remerciant M. le directeur des constructions navales de Bussy, l'auteur des trois navires cités, de l'obligeance mise à le renseigner. Il cite l'ouvrage de M. Barba, sur l'emploi de l'acier dans les constructions navales comme contenant les règles suivies à Lorient et à Brest, règles établies après les expériences de MM. Barba et Godron, ingénieurs des constructions navales, les seconds de M. le directeur de Bussy.

Ce sont ces règles que M. Barnaby a fait connaître dans sa communication.

Il est donc hors de doute que c'est à la Marine française que revient le mérite d'avoir devancé toutes les autres marines dans l'application de l'acier à la construction des coques des navires de guerre C'est sur la proposition de M. de Bussy, ingénieur de la marine à Lorient (rapport du 9 avril 1872), que l'administration française décida de construire en acier, (sauf le bordé extérieur), le Redoutable, cuirassé de premier rang, de 92m,10 de longueur à la flottaison en charge, et de

19,36 de largeur du maître couple à la flottaison, avec un poids de coque de 3,845 tonnes, matelas en teak compris, mais non compris la cuirasse.

C'était donc une première application très importante que la Marine n'hésitait pas à tenter. Mais le nouveau métal n'était pas pour elle inconnu. Il venait de faire l'objet d'un rapport de deux ingénieurs envoyés à l'usine de Terre-Noire à la suite de circonstances assez curieuses à connaître.

Le 1er août 1870, les usines de Terre-Noire furent adjudicataires au port de Lorient d'un marché de 80 tonnes de tôles et cornières, en fer supérieur. Voulant obliger les ingénieurs des constructions navales à examiner de près les qualités du métal fondu qu'elles étaient arrivées à produire régulièrement, les usines de Terre-Noire prirent le parti de livrer, en acier Bessemer doux, les tôles et cornières qui étaient demandées en fer supérieur.

Il s'éleva, à cette occasion, un gros débat entre la Marine et les usines; les produits furent tout d'abord refusés; on déclara qu'on n'en voulait à aucun prix; qu'on avait acheté du fer et non de l'acier. Mais, sur les instances de M. de Bussy, la question fut reprise et finit par aboutir à l'acceptation des produits fondus pour être appliqués aux constructions navales.

L'usine de Terre-Noire était déjà expérimentée dans la fabrication nouvelle des aciers doux. Les premiers essais remontaient à l'année 1865, dans laquelle, sur les indications de M. Bessemer, la Compagnie de Terre-Noire était entrée en rapports avec M. Henderson pour la fabrication des alliages riches en manganèse, sans lesquels la fabrication de l'acier doux est pratiquement impossible. A l'Exposition universelle de 1867, la Compagnie présentait au jury diverses qualités d'acier, depuis le métal très dur, prenant énergiquement la trempe, jusqu'au métal assez doux pour être soudant. En 1868 et 1869, grâce à la fabrication du ferro-manganèse riche, par l'emploi du four Siemens-Martin, l'usine de Terre-Noire entrait sérieusement dans la fabrication des aciers doux, sous toutes formes, et notamment sous forme de tôles destinées aux chaudières de bateaux transatlantiques. Enfin, en 1870, des échantillons de tôles d'acier étaient envoyés en Angleterre au savant M. Fairbain, lequel déclarait que, sous le rapport de la ductilité et de la facilité d'allongement, il ne connaissait rien de comparable dans aucune autre usine.

MM. Schneider et Cie, du Creuzot, s'étaient mis, de leur côté, résolument à l'œuvre pour la production des aciers doux, de sorte que, le 10 mars 1873, la fourniture des tôles, cornières et barres profilées en acier, nécessaire à la construction des trois cuirassés Redoutable, Tonnerre et Tempête, fut partagée entre l'usine de Terre-Noire et l'usine du Creuzot.

Depuis cette époque, 1874, tous les navires de guerre construits en France par la Marine de l'État l'ont été en acier, dans les mêmes conditions que les trois navires précités. Cet acier moderne, c'est du fer fondu ayant un état moléculaire différent de celui du fer, et des propriétés différentes de celles que l'on connaissait, tant pour le fer que pour l'acier ancien prenant la trempe.

Les conditions de réception de l'acier en France sont précisées dans la circulaire officielle de la Marine, en date du 11 mai 1876. Cette circulaire a consacré, en les modifiant légèrement dans le sens de la douceur, les exigences formulées dans le cahier des conditions particulières annexées aux marchés de mars 1873.

Il est donc établi qu'en France l'emploi de la tôle et des profilés d'acier, en marine, est considérable, et qu'il s'est fait plus tôt qu'en Angleterre dans des conditions rationnelles de production et d'emploi.

Voici d'après le Bulletin du comité des forges, la production des tôles d'acier en France dans ces cinq dernières années :

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Nous ne trouvons pas, dans les documents statistiques dont nous avons eu connaissance, des renseignements sur la production des profilés d'acier en France; ils sont confondus avec les barres d'acier mar

chand de toutes provenances.

Le tableau ci-après donne, dans le cas particulier de la grande usine du Creuzot, le tonnage annuel de tôles et profilés d'acier livré depuis 1870 1° directement à la Marine de l'État ; 2o à des constructeurs particuliers, pour la Marine de l'État; 3° à des marines d'États étrangers ou à l'industrie privée.

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