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100 millimètres entre repères, on constatera, à la rupture par traction, des allongements pour cent bien différents'.

Le mode de fabrication et la composition chimique des aciers exercent une assez grande influence sur les allongements. Il en est de même du recuit et de la trempe. Le recuit a pour effet d'augmenter la douceur du métal, c'est-à-dire son allongement, tandis qu'il diminue la charge de rupture et la limite d'élasticité.

La charge-limite d'élasticité s'écarte peu de la moitié de la charge de rupture, principalement pour les aciers recuits. Elle est supérieure à cette moitié pour les aciers non recuits et, au contraire, bien inférieure pour le métal doux, trempé ; mais la trempe a pour effet d'augmenter la charge de rupture.

La connaissance de la charge-limite d'élasticité, est un point important; on ne s'en est pas suffisamment préoccupé jusqu'ici. C'est à elle et non à la charge de rupture qu'il faudrait se référer dans bien des cas, pour déterminer, par exemple, les coefficients du travail du fer et de l'acier. Aussi émettons-nous le vœu que les machines d'essai soient munies d'indicateurs et de dispositions particulières permettant à la machine de tracer elle-même la courbe des allongements par rapport aux efforts de traction. La limite d'élasticité sera ainsi bien accusée et l'expérimentateur n'aura aucune observation minutieuse à faire. Sa tâche sera même rendue plus facile, et une erreur ou un accident dans l'expérience ne pourra passer inaperçu.

Nous remarquerons enfin que la façon de prélever la barrette d'épreuve n'est pas sans influence sur les résultats. Plus le métal a été travaillé dans le prélèvement de l'éprouvette, plus la contraction est

1. Voici un tableau donnant dans la dernière colonne les rapports moyens des allongements, d'après les résultats de près de 1000 essais.

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Pour des aclers recuits, les différences entre les allongements sont plus faibles lorsque les aiers sont doux. La variation des rapports inscrits dans la dernière colonne se présenterait pour ainsi dire en sens inverse.

BULL.

faible de sorte que deux pièces identiques chimiquement, peuvent donner des résultats différents aux essais. La barrette d'épreuve ne doit donc pas être forgée.

Aucune épreuve de résistance au choc n'est exigée actuellement par la Marine française malgré l'intérêt particulier qui s'attacherait à de pareilles épreuves, en raison des chocs plus ou moins violents auxquels les coques des navires sont exposées. Mais, il ne faut pas le perdre de vue, les épreuves prescrites par la circulaire du 11 mai 1876 sont déjà plus variées et plus complexes que celles qui sont prescrites partout ailleurs, et, en définitive, elles sont suffisantes si on en juge par l'excellence des aciers employés dans les constructions navales.

III. MODE DE TRAVAIL ET DE MISE EN ŒUVRE.

L'acier exige une mise en œuvre spéciale; les manipulations auxquelles le métal fondu est soumis dans les chantiers de construction, demande des précautions particulières, des ménagements spéciaux sans lesquels le succès dans le travail de l'acier ne peut pas être obtenu.

Est-ce à dire qu'il faille des ouvriers expérimentés et habiles dans le travail du fer pour travailler l'acier de la façon la plus satisfaisante ? Certainement non, ces ouvriers expérimentés ne peuvent croire qu'un métal que rien ne distingue du fer dans son aspect extérieur, puisse avoir des propriétés différentes et ils sont portés à le traiter de la même manière, malgré les recommandations qui leur sont faites.

Les jeunes ouvriers, au contraire, consentent plus facilement à se conformer aux conseils qui leur sont donnés, et, s'ils sont adroits et dociles, ils parviennent très rapidement à travailler l'acier comme il convient à ce métal.

En 1875, M. Barba, ingénieur des constructions navales à Lorient, a publié une étude fort remarquable sur l'emploi de l'acier, et dans cette étude, il expose avec détails la méthode à suivre pour la mise en euvre des tôles et barres profilées en métal fondu.

En avril 1881, M. Berrier-Fontaine, ingénieur des constructions navales à Toulon, à présenté à l'Institution of naval architects, un mémoire qui a été fort apprécié par ses collègues d'outre-Manche et qui complète de la façon la plus heureuse les renseignements pratiques

déjà donnés par M. Barba, en les mettant au courant des perfectionnements apportés depuis 1875.

Nous avons visité, il y a quelques années, les ateliers du Mourillon à Toulon, et tout dernièrement les ateliers de Caudan, à l'arsenal de Lorient, et nous avons pu constater que la mise en œuvre des aciers se fait, à très peu de choses près, dans les conditions indiquées par MM. Barba et Berrier-Fontaine. Nous renvoyons donc à ces deux publications ceux des membres de la Société des Ingénieurs civils que la question intéresse plus particulièrement. Nous allons nous borner à faire ressortir les points les plus saillants en les complétant par nos renseignements personnels.

Mais tout d'abord disons que, pour le travail de l'acier comme pour tout travail, il y a une école à faire; il faut que le personnel du constructeur (ingénieur, contremaîtres et ouvriers) ait pris l'habitude des précautions à prendre, des opérations de recuit à donner en temps voulu, des ménagements à apporter; car, il n'est pas inutile de le répéter, ce n'est qu'après quelques insuccès que l'on se convainc que le nouveau métal a un tempérament particulier, différent de celui du fer.

Depuis que l'acier doux est fabriqué avec l'homogénéité que nous avons plus haut signalée, des ouvriers, quelque peu habitués à le travailler, sont plus assurés de réussir telle ou telle pièce de forme compliquée, si on leur donne une tôle ou une cornière d'acier à forger, au lieu d'une tôle ou d'une cornière en fer, fût-elle en fer supérieur. L'assurance nous en a été donnée par tous les ouvriers que nous avons questionnés, et nous avons pu nous assurer, de visu, que dans le magasin des tôles rebutées en cours de travail, il y en avait un plus grand nombre en fer qui était destinées à entrer dans le bordé extérieur de la carène.

Dans le travail à chaud, ! est important de s'arrêter lorsque la température de la pièce descend au rouge sombre; il faut alors la remettre au feu et la chauffer jusqu'au rouge cerise et même au rouge cerise clair afin que le forgeage s'effectue le plus possible à cette dernière température sans jamais descendre au-dessous du rouge.

On sait, en effet, que l'acier, comme le fer, est exposé à la rupture au bleu, c'est-à-dire à casser sous un faible effort quand le métal, en se refroidissant au-dessous du rouge sombre, se recouvre d'une pellicule bleue d'oxyde de fer. Telle est la définition qu'a donnée M. Valton, notre collègue, de la rupture au bleu connue des forgerons. L'acier

qui vient de subir un changement brusque et inégal d'état moléculaire est, plus que le fer, exposé à casser lorsqu'il arrive à cet état souverain que lui donne une température de 350 à 400 degrés.

Il est important de chauffer uniformément toute la partie à travailler; aussi les fours ont-ils rendu à Lorient et à Toulon de grands services en permettant de réduire le nombre de chaudes et en facilitant beaucoup l'exécution de la mise en œuvre. Pour travailler le métal à la plus haute température possible, les manœuvres des pièces chaudes sont faites à Toulon par des cabestans hydrauliques, de sorte que la pièce peut être amenée rapidement à sa forme définitive alors qu'elle est encore rouge et que la chaleur qui lui reste suffit à la recuire très efficacement sans qu'il soit besoin de la repasser au four, ou au feu de forge.

On laisse refroidir la pièce à l'air libre, sur une surface sensiblement homogène ayant par suite en tous ses points, une égale conductibilité de la chaleur. De même qu'il a fallu chauffer la pièce uniformément, de même il importe qu'elle se refroidisse uniformément.

La substitution de maillets en bois aux masses et aux marteaux en fer constitue un perfectionnement sérieux, mais les ouvriers se résignent difficilement à l'emploi des maillets en bois qui ne donnent pas toujours des coups assez énergiques et assez efficaces. Nous avons vu employer pour des travaux difficiles et exceptionnels, des masses en cuivre rouge qui fatiguent beaucoup moins le métal que les masses en fer. L'emploi de celles-ci est néanmoins très répandu dans les ateliers où l'on travaille l'acier, mais alors il est utile de recuire la pièce si elle a été très fatiguée, ou bien, si le forgeron est à la fin de sa journée, il a le soin de couvrir la pièce d'un feu de charbon de bois qui la recuit et qui lui donne l'homogénéité que les coups de marteaux en fer lui avaient fait perdre.

Un perfectionnement sérieux a consisté dans la substitution de la pression progressive et continue des presses hydrauliques, aux chocs violents des marteaux-pilons pour le forgeage de pièces fortement cintrées ou embouties. Après l'action de la presse, il est le plus souvent inutile de recuire la pièce.

L'emploi de pression progressive et continue présente autant d'avantages pour les manipulations qui s'exécutent à froid. L'absence complète de chocs est une condition très favorable pour le travail de l'acier qui demande à être traité avec ménagements. Ainsi le dressage et le pla

nage s'exécutent à la machine et aux rouleaux, et pour ces opérations on a supprimé presque entièrement l'emploi des marteaux.

S'il est impossible d'éviter un martelage à froid, il est nécessaire de frapper la tôle sur la surface la plus étendue possible et de produire la déformation en plusieurs opérations. Une fois terminée, la tôle doit être recuite promptement pour faire cesser l'état d'équilibre instable dans lequel elle se trouve et pour restituer au métal ses qualités premières. L'emploi de masses en cuivre fatigue moins le métal que les masses en fer.

Pour éviter au métal une fatigue inutile, on cherche à s'affranchir des procédés de travail qui déchirent profondément les bords en y laissant des bavures plus ou moins irrégulières. C'est ainsi qu'on a été conduit à proscrire absolument l'emploi du poinçon pour découper les tôles ou les cornières par une série de trous contigus. Elles doivent être cisaillées avec des lames droites ou courbes aussi larges que possible. En ce qui concerne les barres profilées en acier qui ne peuvent être cisaillées, on emploie avec succès des scies à froid, circulaires ou sans fin, qui coupent ou éboutent des barres de tous profils d'une manière très nette et très précise, sans fatiguer les extrémités des barres et sans qu'il soit nécessaire de recuire la pièce.

D'une manière générale, remarquons que les outils qui exécutent le travail de la façon la plus nette et la plus franche, sont aussi ceux qui fatiguent le moins les parties environnantes des pièces soumises à leur action. Aussi convient-il de remplacer le plus possible le travail à la main par le travail des machines qui est toujours continu et régulier. Il faut veiller à ce que les arêtes tranchantes des outils, lames de cisailles et de raboteuses, scies, poinçons, forets, soient constamment maintenus dans le plus parfait état.

Pendant plusieurs années, tant en Angleterre qu'en France, on a pratiqué le forage des trous parce que des expériences avaient démontré que le poinçonnage altérait notablement la ténacité de l'acier. Aujourd'hui on n'emploie plus le forage que pour des pièces exceptionnelles.

Les effets du poinçon sont locaux et ne s'étendent que sur une zone très restreinte d'une largeur inférieure à un millimètre sur le pourtour du trou poinçonné. Aussi suffit-il, pour détruire ces effets, d'aléser ou fraiser les trous d'un millimètre et demi à deux millimètres. Il convient, pour moins fatiguer le métal, d'employer des matrices plus grandes

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