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ticipants à une allocation déterminée d'une façon aussi précise que les cotisations. Le contraste est très grand avec les institutions de même nature qui, loin de tarifer les secours, les font dépendre non seulement de l'état de la caisse, mais encore de la libre appréciation des administrateurs de la corporation ou confrérie : « Tous ces deniers seront mis en la bourse Notre-Dame, et s'il y a poure confrère qui soit malade on lui donra pour Dieu,» disent les statuts des tailleurs de Soissons (1). «S'il se trouve de véritables pauvres, non par défaut de conduite, mais par la suite de malheurs dont ils sont accablés, il leur sera distribué, sur les fonds oisifs et du consentement des syndics, greffiers et anciens, une somme jugée convenable pour leurs pressants besoins (2), »>

On voit dans une autre confrérie (3), les prévôts << tenir buffet pour départir l'argent apporté par le collecteur, savoir aux malades frères ou sœurs son lot selon leurs consciences. »

54. — Je finirai mon énumération avec les statuts de la communauté des pains d'épiciers, février 1596 (4), qui renferment une clause assez curieuse (art. 15) : « Si un compagnon était malade, en quelque lieu, et les autres compagnons en sont (sic) avertis, incontinent qu'ils le sauront, ils seront tenus de se détourner de leurs chemins, visiter et conforter, et là demeurer pour le secourir trois jours à leurs dépens, puis le faisant savoir aux dits jurés s'il vient à décéder, portant lettres testimoniales de la paroisse où ledit compagnon sera décédé, escrites de la main d'un notaire, ou bien du curé de ladite paroisse, lesdits jurez seront tenus de lever sur chacun compagnon deux sols six deniers pour payer et restituer à ceux qui auront servi et fait enterrer le défunt. >>

(1) Fagniez, op. cit., p. 39.

(2) Stat. des Maitres Ecrivains de 1727, art. 29.

(3) Confr. du Saint-Sacrement (1635), citée par l'abbé Ouin Lacroix, Les Corporations d'arts et métiers et les Confréries dans la capitale de la Normandie, p. 431.

(4) De Lamarre, Traité de la police, III,

p. 485.

55. Ces institutions charitables, en pleine prospérité au xve siècle, se sont-elles développées, perfectionnées dans la suite? Cela est fort douteux, et mon maître, M. Esmein, les croit en décadence au XVIIIe siècle; dans les confréries, les cérémonies religieuses et les repas de corps absorbaient tous les fonds, au détriment des œuvres d'assistance. Il ne semble pas d'ailleurs, que l'édit de 1776, en supprimant les jurandes et communautés de métier, ait eu des conséquences fâcheuses. Je me bornerai à renvoyer à l'article 15 de cet édit, qui décide que les évêques diocésains règleront le sort des fondations des confréries.

56. Concessions royales de mines. - Existe-t-il des actes royaux relatifs à la question? Oui, en matière de mines (1). Un édit d'Henri IV, du 14 mai 1604, prescrit un prélèvement d'un trentième sur le produit de chaque mine « sur la masse entière de ce qui en proviendra de bon et de net, pour l'entretènement d'un ou deux prêtres, selon qui en sera besoin, tant pour dire la messe à l'heure qui sera réglée tous les dimanches et jours de fête, administrer les sacrements, que pour l'entretènement d'un chirurgien et achat de médica

ments. »

Un édit de Louis XV, de septembre 1739, supprima ce droit du trentième, « sauf aux concessionnaires à pourvoir eux-mêmes aux dépenses sur ce nécessaire et au grand maître des mines, et à son lieutenant de veiller à ce qu'il soit pourvu aux secours spirituels et temporels aux ouvriers et autres employés aux dites mines.»>

SECTION II

Le XIX siècle. Institutions d'Etat. Caisses de secours. Compagnies d'assurances. Mutualités

57. Décret de 1813 sur les mines. La disposition de l'édit d'Henri IV, que j'ai citée au précédent

(1) Traité de législation des mines, par Louis Aguillon, t. II, p. 351.

chapitre, se trouve reproduite dans le décret du 3 janvier 1813, sur l'exploitation des mines, qui est encore en vigueur :

« Art. 15. Les exploitants seront tenus d'entretenir sur leurs établissements, dans la proportion du nombre des ouvriers ou de l'étendue de l'exploitation, les médicaments et les moyens de secours qui leur seront indiqués par le ministre de l'intérieur, et de se conformer à l'instruction réglementaire qui sera approuvée par lui

à cet effet.

Art. 16. Le ministre de l'intérieur, sur la proposition des préfets et le rapport du directeur général des mines, indiquera celle des exploitations qui, par leur importance et le nombre des ouvriers qu'elles emploient, devront avoir et entretenir à leurs frais un chirurgien. spécialement attaché au service de l'établissement.

Un seul chirurgien pourra être attaché à plusieurs établissements à la fois si ces établissements se trouvent dans un rapprochement convenable. Son traitement sera à la charge des propriétaires, proportionnellement à leur intérêt. »>

58.

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Clauses et conditions générales des entreprises de travaux publics. L'organisation des secours aux ouvriers employés dans les entreprises de travaux publics, réclamée en 1837 dans une brochure de M. Emmery (1), fut réalisée par un arrêté ministériel du 15 décembre 1848, modifié par un autre arrêté du 22 octobre 1851.

Les travailleurs blessés ou malades sont soignés gratuitement à l'hôpital ou à domicile. Pendant la durée de l'interruption du travail ils reçoivent la moitié du salaire qu'ils auraient pu gagner. Ceux qui sont traités à l'hospice ne reçoivent cette indemnité que s'ils sont mariés ou chargés de famille. Lorsque, par suite de blessures, ils sont devenus impropres au travail de leur profession, ils reçoivent la moitié de leur salaire pendant une année à partir du jour de l'acci

(20) Cité par M. Aucoc, Confér. de Dr. adm., t. II, p. 191.

dent. En cas de mort, la veuve ou la famille reçoivent une indemnité de trois cents francs. Les secours peuvent être augmentés par décision du ministre des travaux publics.

Aux termes de l'article 16 du cahier des clauses et conditions générales de 1866, l'entrepreneur devait, pour faire face à ces dépenses, supporter sur les sommes dues par l'administration une retenue de 1 0,0; cette retenue, d'après le texte de 1848, portait sur les salaires seulement, mais s'élevait à 2 0/0.

L'arrêté ministériel du 16 février 1892 a modifié cet article. La retenue n'est plus fixée d'une façon uniforme et l'entrepreneur devra se soumettre à toutes les charges qui résulteront des lois existantes ou à promulguer. Voici la rédaction nouvelle : « Pour le fonctionnement du service médical et l'allocation de secours aux ouvriers atteints de blessures ou maladies occasionnées par les travaux, à leurs veuves et à leurs enfants, l'entrepreneur est soumis aux retenues qui résultent soit des lois, soit des décrets et arrêtés ministériels en vigueur au moment de l'adjudication. La partie de ces retenues qui reste sans emploi à la fin de l'entreprise est remise à l'entrepreneur. »

Si les dépenses dépassent la retenue, l'excédent reste à la charge de l'Etat.

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59. Caisse d'assurance de l'Etat. On sait qu'une loi du 11 juillet 1868, complétée par un décret du 10 août suivant, modifié par un autre décret du 13 août 1877, a créé, sous la garanție de l'Etat et fait gérer par la Caisse des Dépôts et Consignations, deux caisses d'assurances, l'une en cas de décès, l'autre << ayant pour objet de servir des pensions viagères aux personnes assurées qui, dans l'exécution de travaux industriels et agricoles, seront atteintes de blessures entraînant une incapacité permanente de travail, et de donner des secours aux veuves et aux enfants mineurs des personnes assurées qui auront péri par suite d'accidents survenus dans l'exécution desdits travaux. >> Cette caisse reçoit des assurances individuelles (art. 8) et des

assurances collectives (art. 15). Ses ressources se composent des cotisations (qui sont de huit, cinq ou trois francs), d'une subvention de l'Etat inscrite au budget, de dons et legs faits à la caisse, qui se trouve ainsi constituée en personne morale. Les accidents sont divisés en deux classes ceux entraînant une incapacité absolue de travail, et ceux qui, ne causant qu'une incapacité partielle, ne donnent droit qu'à la moitié de la pension; celle-ci s'établit sur un capital égal à six cent quarante fois le montant de la cotisation annuelle avec un minimum de 200 francs qui, grâce à la subvention de l'Etat, est toujours atteint. En cas de mort de l'assuré, sa veuve, ses enfants, ses parents sexagénaires ont droit à un secours égal à deux années d'arrérages. Les rentes sont servies par la Caisse de retraites. pour la vieillesse à laquelle la Caisse d'assurances verse le capital nécessaire.

Les administrations, les établissements industriels, les compagnies de chemins de fer, les sociétés de secours mutuels, les communes peuvent assurer collectivement leurs ouvriers, membres ou sapeurs-pompiers; cette forme d'assurance était rendue en fait impraticable par l'exigence de listes nominatives, qui ont été heureusement supprimées par l'article 9 du décret de 1877.

L'organisation de cette caisse est des plus critiquables. On lui reproche de ne pas servir d'allocation en cas d'incapacités temporaires, de ne payer jamais d'indemnités en capital, et surtout de ne pas faire varier les primes à raison de la diversité extrême des risques qui existe entre les industries. L'Etat acceptait ainsi par avance la charge de tous les métiers présentant des dangers exceptionnels et rejetés par l'assurance privée, et si le Trésor évita les énormes pertes qui semblaient devoir fatalement résulter d'une pareille imprévoyance, cela tint d'abord à ce que l'administration chargée de gérer la caisse se soucia fort peu de la faire connaître et de lutter sur le terrain commercial avec les agents des compagnies, et ensuite à ce

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